30 avr. 2023
Littérature L'écrivain haïtien Makenzy Orcel remporte le Goncourt américain Le romancier haïtien a été récompensé samedi soir à New York pour « Une somme humaine ». Le prix est décerné par des étudiants francophones d'universités américaines. Poète et romancier haïtien Makenzy Orcel.
aucune femme n’est plus grande que la petite fille qu’elle a été…
Je lui disais que la littérature n'est pas une chose pour des gens comme nous, pour les putes. De laisser ça à ceux qui n'ont rien à faire. Les bienheureux. Les ayants droit. Peut-être que j'avais tort. (p. 104)
… de notre mère, les jours de vaches maigres où elle mettait de l’eau à bouillir dans une casserole vide en nous faisant croire qu’on allait bientôt manger, entre-temps elle nous racontait des histoires jusqu’à ce que le sommeil nous emporte,…
Il faut grimper
ses intimes falaises
pour attacher des ailes
à la beauté
panser la mémoire de votre grâce
vos aubes tranquilles
m’entendre vivre
vaut mieux ces largesses monotones
que des couleurs n’offrant
aucune vue sur l’amour
Il n'y a pas de dialogue possible avec un dictateur, il faut l'éliminer avant qu'il n'élimine tout autour de lui.
Les vies et les vents
se plaisent
comme palustres en fête
gisant des espaces éperdus
les rives se confondent
et se confrontent
dans la tête du funambule
fumeur d’effervescence
des rêves avides de rêve
...Toi avait trouvé du travail comme "technicienne de surface" c'est à dire chienne à plein temps et à tout faire pour trois fois rien, en haut chez les riches on s'efforce de dire autrement les même choses qu'on dit en bas chez les pauvres, avec des mots qui passent par tous les chemins, s'arrêtent à tous les carrefours avant de se diriger vers le but fixé, à croire que leurs euphémismes rendraient moins pénible, moins avilissant, le boulot de cette étrangère qui vient s'ajouter aux malheurs de notre ville,...
Non je ne veux pas oublier. Il faut que je la raconte cette histoire sur fond de phénomène bref, de jamais vu. Il faut que je te raconte, petite Nina-Shakira à moi. Que je cesse de perdre mon temps à la banalité de la vie. Aux dégâts du tragique. Aux choses qu’on a mis tout une vie à construire et qui disparaissent en moins d’une minute. Dans l’espace d’un cillement. Il faut avancer.
Les mots mon amour sont des tanières de sang et de cris. Je raconte pour toi, ma petite. Je te raconte et t'appelle de mon exil intérieur. De mon île secrète, la plus lointaine. Les mots mon amour sont muets. Les gestes aussi pour te nommer. Tous les mots de mon corps ne sauraient suffire pour dire la douleur de la terre. ( p21)