C?est avec une grande fierté que Hachette Romans publiera le 17 avril 2019 le nouveau livre de Malala Yousafzai : Nous avons dû partir.
Les chiffres sont accablants. D?après les dernières statistiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, plus de 44 000 personnes sont obligées de fuir de chez elle chaque jour tandis qu?il y a 68,5 millions de personnes déplacées dans le monde.
Malala est partie à la rencontre de jeunes femmes qui, comme elle, ont dû fuir leur pays. Ce recueil de témoignages inédit aborde leurs histoires, leurs rêves et comment elles se sont construites ou reconstruites loin de chez elles.
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Les talibans sont contre l’instruction parce qu’ils pensent que lorsqu’un enfant lit un livre, apprend l’anglais ou étudie la science, il s’occidentalise. Mais moi, je dis : « L’instruction, c’est l’instruction. Nous devons tout apprendre et choisir ensuite quelle voie nous suivons. » L’instruction n’appartient ni à l’Occident ni à l’Orient, elle appartient à l’humanité.
Mon père gardait dans sa poche un poème de Martin Niemöller, qui vivait dans l'Allemagne nazie. Il disait :
"Lorsqu'ils sont venus chercher les communistes, je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les socialistes, je n'ai rien dit, je n'étais pas socialiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes, je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas juif.
Lorsqu'ils sont venus chercher les catholiques, je n'ai rien dit, parce que je n'étais pas catholique.
Lorsqu'ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester."
Il avait raison. Si les gens se taisaient, rien ne changerait.
Quand des filles disparaissent, ce n'est pas toujours parce qu'elles sont mariées. Il y avait une jolie fille de quinze ans appelée Seema. Tout le monde savait qu'elle était amoureuse d'un garçon et, parfois quand il passait non loin, elle le regardait de sous ses longs cils noirs que toutes les autres filles lui enviaient. Dans notre société, une fille qui flirte avec un jeune garçon apporte la honte sur sa famille. Mais un homme a tous les droits ! On nous a annoncé qu'elle s'était suicidée. Mais nous avons fini par apprendre que c'était sa famille qui l'avait empoisonnée.
Après cela, Radio Mollah consacra toute son énergie aux écoles. Il se mit à s'élever contre les administrateurs et à féliciter nommément les filles qui se déscolarisaient : "Mlle Untel a cessé d'aller à l'école et ira au paradis." Ou encore : "Mlle Kulsoom, de tel village, a quitté l'école en CM2 et je la félicite." Les filles comme moi qui continuaient d'aller en cours, il les qualifiaient de buffles et de moutons.
Mes amies et moi n'arrivions pas à comprendre pourquoi c'était mal.
- Pourquoi ne veulent-ils pas que les filles aillent à l'école ? demandai-je à mon père.
- Ils ont peur de la plume, répondit-il.
Quand le monde entier est silencieux, une seule voix peut faire la différence.
Un enseignant, un livre, un stylo, peuvent changer le monde
Quand un garçon naît au Pakistan, c'est l'occasion de grandes réjouissances. On tire des coups de feu en l'air. On dépose des cadeaux dans le berceau du bébé. Et on inscrit le prénom du garçon dans l'arbre généalogique de la famille. Mais quand c'est une fille, personne ne vient rendre visite aux parents, et les femmes éprouvent simplement de la sympathie pour la mère.
Mon père n'accordait aucune attention à ces coutumes. J'ai vu mon prénom - écrit à l'encre bleue brillante - juste là, au milieu des prénoms masculins de notre arbre généalogique. Le premier prénom féminin en trois cents ans !
Toute mon enfance, il m'a chanté une chanson sur ma fameuse homonyme pachtoune : " O Malalai de Mainwand fredonnait-il, lève toi encore pour faire comprendre le chant de l'honneur aux Pachtounes, Tes paroles poétiques font se retourner les mondes, Je t'en prie, lève-toi encore une fois."
Le terrorisme c’est la peur tout autour de soi. C’est aller se coucher le soir sans savoir quelles horreurs le lendemain matin apportera. C’est se réfugier avec sa famille dans la pièce centrale parce qu’on a décidé d’un commun accord que c’est l’endroit le plus sûr où se tenir. C’est descendre sa propre rue sans savoir à qui on peut faire confiance.
Le terrorisme, c’est la crainte, quand votre père passe la porte pour sortir le matin, de ne pas le voir revenir le soir…..
Pendant la seule année 2008, les talibans ont fait exploser deux cents écoles.
« Dans les camps de réfugiés afghans, par exemple, on fournit aux écoliers de manuels rédigés par des universitaires américains qui illustraient les mathématiques avec des images d’armes et donnaient des exemples comme : « Si sur 10 Russes infidèles, 5 sont tués par un musulman, il en restera 5 » ou encore : « 15 balles moins 10 balles égalent 5 balles. » (p 46-47)
« Le taliban parlait du djihad dans des termes si glorieux que mon père en fut captivé. L’étudiant ne cessait de souligner que la vie terrestre était brève et qu’il y avait peu d’espoir pour les jeunes hommes du village. […] De ce fait, l’idée d’un paradis doté de soixante-douze vierges devenait attirante. Chaque soir, mon père priait : ‘O Allah, fais qu’il y ait une guerre entre musulmans et infidèles afin que je puisse mourir pour toi et devenir un martyr.’ [Après la rencontre de son futur beau-frère :] Il se retrouva déchiré entre les deux extrêmes, laïcité et socialisme d’un côté, et islam militant de l’autre. Il finit par se retrouver quelque part au milieu. » (p 47-48)
« C’est la confiance absolue de ma grand-mère en mon père qui lui donna le courage de trouver la voie du milieu. » (p 51)
« La liberté n’a pas de valeur si elle ne comprend pas la liberté de faire des erreurs. » (Gandhi, cité p 95)
« Devant le bureau de mon père était accrochée une copie d’une lettre écrite par Abraham Lincoln au professeur de son fils, traduite en pachto. C’est une très belle lettre remplie de sages conseils. ‘Enseignez-lui, si vous pouvez, les merveilles des livres… Mais laissez-lui un peu de temps libre pour considérer le mystère éternel des oiseaux dans le ciel, des abeilles au soleil, et des fleurs au flanc d’un coteau vert. A l’école, enseignez-lui qu’il est bien plus honorable d’échouer que de tricher.’ » (p 95)
« La vie ne se résume pas à inspirer de l’oxygène pour expirer du gaz carbonique. Tu peux soit tout accepter des talibans, soit te dresser contre eux. » (Un ami du père de Malala à celui-ci, p 155)
« Parle un langage de vérité. La vérité abolit la peur. » (Le père de Malala à celle-ci, p 177)
« Durant cette période, le pire fut quand on commença à douter les uns des autres. » (p 191)
« Un jour, je vis mon petit frère Atal creuser avec acharnement dans le jardin. – Que fais-tu ? lui demandai-je. – Je creuse une tombe. Comme les informations débordaient de morts et de massacres, il était naturel qu’Atal pense à des tombes et à des cercueils. » (p 192)
« La terreur avait rendu les gens cruels. Les talibans mettaient à bas nos valeurs pachtounes comme celles de l’islam. » (p 194)
« Les talibans sont contre l’instruction parce qu’ils pensent que lorsqu’un enfant lit un livre, apprend l’anglais ou étudie la science, il s’occidentalise. Mais moi, je dis : L’instruction, c’est l’instruction. Nous devons tout apprendre et choisir ensuite quelle voie nous suivons. L’instruction n’appartient ni à l’Occident ni à l’Orient, elle appartient à l’humanité. » (p 206)
Je sais que c'est un combat d'envergure : sur la planète, il y a 57 millions d'enfants qui ne sont pas scolarisés, dont 32 millions de filles. Malheureusement, mon pays, le Pakistan est l'un des pires.
Nous avons presque 50 millions d'adultes analphabètes, dont deux tiers sont des femmes comme ma propre mère.