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L'ombre du soir de Malik Zidi
Des fois aussi quand je tombe amoureux et que la fille me regarde, j'ai le ventre tout tordu. L'amour me fait mal au ventre avant d'avoir pu embrasser l'espoir.
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Oui, pour moi l’écriture s’inscrit comme une suite logique mais aussi comme un geste qui m’a toujours accompagné ; j’ai depuis mes 15 ans écrit des petites nouvelles, de la poésie, des chansons… plus pour moi que pour les autres. Ce livre est le premier écrit destiné à être lu. Aussi, je ne me sens pas seulement comédien : je pense qu’un artiste peut s’exprimer de différentes façons, à l’image de certains plasticiens comme Christian Boltanski, Cy Twombly... Des bouchers qui découpent des carcasses gigantesques et font des lamelles fines de carpaccio...
Je pense que tout roman est autobiographique. Je pense même que plus on veut s’en détacher, prendre une distance, un autre axe, et plus l’on parle précisément de soi. C’est peut être la clé pour se connaitre le mieux, se quitter. Je n’ai pas pris la décision de l’écrire. Je me suis réveillé un matin avec la première phrase en tête. Étrange. Je l’ai suivie et petit à petit le personnage m’a parlé. La phrase, cette première phrase comme une clé de Sol, n’a jamais changé : « C’était le soir, toujours un soir, des enfants couraient dans les jardins, enfin je crois. » Elle me racontait quelque chose à développer, avec son propre langage, sa propre rythmique, comme une note que je devais suivre, une atmosphère.
Comme je le disais plus haut, je n’avais pas de plan. Par contre l’urgence de l’écriture, aussi le thème du livre (un enfant cherchant une voie de secours, sa mythologie) m’ont amené à évoquer ses guerres, ses énigmes. Que je partage avec lui. Le livre parle de la guerre. Intérieure. Familiale. Culturelle. Identitaire. L’enfant évolue à travers les décombres pour trouver sa lumière, une lueur même. Sans oublier l’humour qui est un allié de taille.
Je suis fasciné par la culture étrusque. Une civilisation italienne, toscane, polythéiste, avant Rome. L’ombra della sera est une statuette votive, filiforme, trouvée dans un champs au XVIIIe siècle par un paysan. Gabriele D`Annunzio l’a nommée comme ça car elle fait penser à l’ombre d’un corps projetée sur un mur quand tombe le soir... Cette statue est un enfant, un adolescent, d’une beauté et d’un mystère particuliers. Nu, il a traversé les âges pour nous regarder dans les yeux. Un peu l’idée de la littérature... Cette statue m’a toujours suivi, j’ai une reproduction chez moi. Elle évoque tant de choses. Me parle, me stimule, m’accompagne. Je pense finalement que c’est elle qui m’a donné la première phrase. Lui, l’ombre du soir.
J’ai ressenti par instinct qu’il fallait monter une architecture. Que cela aiderait le personnage, avec des verbes simples, à garder une sorte de foi, à comprendre que le livre le libérera, comme s’il était lui-même dans « un livre dont vous êtes le héros » et qu’il décidait du chapitre ou aller.
Aussi pour moi Croire c’est la création de sa propre mythologie. Vivre c’est la confronter au monde. Partir c’est quitter son inconscient, s’émanciper, devenir conscient et ne plus avoir besoin de ses « monstres ». Les quitter.
Non je n’ai voulu rien éviter. Il est vrai que faire parler un enfant en littérature, au théâtre, au cinéma, c’est toujours risqué. On peut vite partir dans un cliché. J’ai voulu trouver la voix du personnage, sa propre résonance. Il y a des va-et-vient entre l’hyper-enfance et l’hyper-maturité, l’hyper-cruauté même. Le personnage est traversé par sa vision critique, lucide du monde tout en étant comme prisonnier de sa propre enfance.
Oui. Ces questions sont pour moi inhérentes à l’enfance. Une incertitude quant à la réalité. Je pense que l’enfance est le lieu des réalités... Un enfant peut en créer à l’infini, il est le premier à se poser la première question « Tout ça est il bien vrai ? ».
Oui, j’ai envie d’écrire. Partir vers d’autres histoires et les découvrir.
La Main coupée et autres récits de guerre de Blaise Cendrars.
Tendre est la nuit de Francis Scott Fitzgerald.
Antonin Artaud, Pier Paolo Pasolini, Albert Camus.
L`âge d`homme de Michel Leiris. Haute solitude de Léon-Paul Fargue. Le Dépaysement : Voyages en France de Jean-Christophe Bailly (chef-d’oeuvre).
Pas de honte. Peut-être Marcel Proust quand même...
L’écrivain André de Richaud que j’adore : La fontaine des lunatiques, La Douleur...
Je ne sais pas.
Cesare Pavese : « Au fond tu écris pour être comme mort, pour parler du dehors du temps, pour faire de toi un souvenir pour tous. »
Entretiens avec Francis Bacon de David Sylvester (avec une introduction de Michel Leiris) chez Flammarion.
Découvrez L’Ombre du soir de Malik Zidi aux éditions Anne Carrière.
Entretien réalisé par Solène Spiguelaire
En quête de bons livres à lire ? Découvrez l'actualité de Babelio et les livres du moment en vidéo. Ce mois-ci, à l'occasion du centenaire de sa naissance le 10 mars 1920, on se penche sur la vie de Boris Vian. Nous avons pu visiter sa dernière demeure parisienne, dans le 18e arrondissement de Paris, avec pour guide Nicole Bertolt, mandataire de l'oeuvre de l'auteur, artiste et génial touche à tout. Un appartement resté « dans son jus », à découvrir dans notre reportage. Au programme également, une nouvelle fonctionnalité sur Babelio, que Pierre Fremaux vous présente : les pages de recommandations par catégories, pour vous faciliter encore la recherche de votre prochaine lecture ! Sans oublier le détail de nos interviews récentes, présenté par Solène et Nicolas. 2:34 Reportage chez Boris Vian - le reportage, version longue : https://www.youtube.com/watch?v=¤££¤50Recommandations Babelio42¤££¤&list=PL5x35nQ1aXL8C0MqNE70OKi_kdBxuXFGt&index=1 - le livre du centenaire : https://www.babelio.com/livres/Bertolt-Boris-Vian-100-ans-le-livre-anniversaire/1205386 - La vidéo 5 choses à savoir sur Boris Vian : https://www.youtube.com/watch?v=39Xwly-4sy4&list=PL5x35nQ1aXL9vJYqoeTiUPGRpXTuewlQY&index=1 - le site du centenaire Boris Vian : https://centenaireborisvian.com/ 9:14 Recommandations Babelio : les pages Catégories Littérature française : https://www.babelio.com/categories/Litterature-francaise/2/tous Littérature étrangère : https://www.babelio.com/categories/Litterature-etrangere/3/tous Polar et thriller : https://www.babelio.com/categories/Polar-et-thriller/6/tous Bande dessinée : https://www.babelio.com/categories/Bande-dessinee/1/tous Manga : https://www.babelio.com/categories/Manga/4/tous Jeunesse : https://www.babelio.com/categories/Jeunesse/5/tous Jeune adulte : https://www.babelio.com/categories/Jeune-Adulte/8/tous Imaginaire : https://www.babelio.com/categories/Imaginaire/7/tous Roman d'amour : https://www.babelio.com/categories/Roman-damour/9/tous Non-fiction : https://www.babelio.com/categories/Non-fiction/10/tous 10:48 Nos interviews du moment Annie Perreault : https://www.babelio.com/auteur/Annie-Perreault/295790#itw Malik Zidi : https://www.babelio.com/auteur/Malik-Zidi/526106#itw Patrice Gain : https://www.babelio.com/auteur/Patrice-Gain/401812#itw Clémentine Beauvais : https://www.babelio.com/auteur/Clementine-Beauvais/205945#itw Loïc Hecht : https://www.babelio.com/auteur/Loic-Hecht/528850#itw Retrouvez toutes nos interviews ici : https://www.babelio.com/auteursinterviews.php Abonnez-vous à la chaîne Babelio : http://bit.ly/2S2aZcm Toutes les vidéos sur http://bit.ly/2CVP0zs Suivez-nous pour trouver les meilleurs livres à lire : Babelio, le site : https://www.babelio.com/ Babelio sur Twitter : https://twitter.com/babelio Babelio sur Facebook : https://www.facebook.com/babelio/ Babelio sur Instagram : https://www.instagram.com/babelio_/
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Des fois aussi quand je tombe amoureux et que la fille me regarde, j'ai le ventre tout tordu. L'amour me fait mal au ventre avant d'avoir pu embrasser l'espoir.
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Souvent en classe, quand il faut faire silence et rendre sa copie, crac, ou au centre commercial dans les rayons des choses inaccessibles, crac, ou à la table de famille qui mange dans son bruit, crac. Des fois dans le bus, devant les autres élèves, je fais semblant de lacer mes chaussures à scratchs. Personne ne s’en aperçoit. Ils voient pas que je décède devant eux, que je me plie sous mes habits. Que j’ai envie de crever vite. Je ressemble à un vrai enfant pourtant qui fait gentiment ses lacets. Mais rien n’est vrai dans ces moments-là. Je suis pas un vrai enfant.
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Ces gens aux voitures métalisées, ils empruntent toujours l'escalator jamais l'escalier . Ils se pavanent. Sont ivres de la montée ces gens.Ils se prennent pour des pachas pour dépliants mécaniques.Ils adorent les scalators. Quand y'en a pas, ils ralent ils vocifèrent ils disent qu'ils ne passeront jamais plus par là.
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Un homme très cultivé très discret pas comme papa avec ses copains pieds-noirs bruyants. C’est une école pour riches, des gens aisés de famille, une école pour excellents élèves. Tu en es très très loin !!! Bref je préfère pas y penser, tu nous tues. Tu me tues, Mehdi. Tu me tues j’en peux plus c’est plus possible. C’est certain, tu n’iras jamais, jamais là-bas ! Ils vont t’envoyer sur une voie de garage, ou le bac G, la honte ! Ça mène à rien un bac G, tu feras un travail manuel, comme ton grand-père qui a souffert toute sa vie, qui parlait à personne sauf à ses poules et sa chèvre qui donnait plus de lait. Il va mourir un jour, il aura toujours été humilié toute sa vie ton grand-père, c’est ça que tu veux devenir ? Comme le fils de Maria, Manu, les mains dans le cambouis Manu, la honte, j’en peux plus, ça me tue... Un Manu aux mains noires, toujours sales, des mains de la honte, j’en peux plus des mains noires, mais d’un noir je peux pas te dire...
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L'ombre du soir de Malik Zidi
J’oublie tout. Même d’être là. Je laisse mon corps de côté. Je cherche alors quelque chose pour me rassurer. Les motifs du tapis brodé ! Je deviens une forme ! Une forme géométrique, cassée tribale. On termine l’exposé dans les pleurs, la morve se déverse à grands flots, un torrent de chagrin, je pleure tout.
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Elle pose nue pour son mari tous les jeudis soir à partir de 19 heures. Il aime la voir nue en photo, après ça fait comme s’il l’avait dans sa poche aussi. Il développe chaque photo dans sa propre chambre noire à lumière rouge sexuelle. La chance. Il doit en voir de toutes les couleurs avec sa femme. Des poses pas possibles à reproduire, des façons d’être nue sur négatif. La chance qu’il a. Un soir, j’ai pu apercevoir une des photos, posée là, volontairement en évidence, par son mari. Quel corps ! J’en ai des frissons. Courbe, appétissant, fou. Le mari Jean-Bernard a pour habitude d’abandonner des clichés aux endroits de passage. J’aimerais la toucher, la lécher. Comme un grand, comme Waterman et sa grosse plume. Elle me dira des mots jamais |
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Je regarde les filles de mon âge, je voudrais embrasser l’une d’elles, mais elles sont loin là-bas, à d’autres tables, à d’autres familles. Francine, elle, elle est là devant moi, elle ne se doute pas que j’ai des dents, des mains. Elle me sourit, me caresse les cheveux ; en enfant innocent, je joue l’adorable. Je pourrais la tripoter, lui mordre les seins, mordre son visage, lui faire l’amour dans ses poses chevalines, devant les canards voyeurs. On sera une belle photographie, troublant la surface de l’eau de nos nudités enlacées.
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L'ombre du soir de Malik Zidi
Ça fait propre aux pieds les chaussettes, en tout cas. On joue mieux on court plus vite on frappe plus fort, les devoirs on les fait facile le dimanche matin en croquant un petit pain au chocolat au miel d’amandes douces que sa maman apporte dans un baiser sur le front.
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Cet auteur a écrit : Dôme/Under the Dome. Stephen ...