Il parait que le cœur calque son rythme sur celui de la musique qu’on écoute. Là, à cet instant précis, ça doit être la musique du quarante-troisième régiment d’infanterie qui lui dicte la cadence parce qu’il va vite, très vite. C’est étrange cette séquence au ralenti, comme si la télécommande ne répondait plus. Je le vois arriver vers moi, et je n’ai qu’une envie, me sauver en courant le plus vite possible, sauf que mon corps ne répond pas. Il arrive à ma hauteur, et je me liquéfie sous l’effet de l’adrénaline. Il va bifurquer, évidemment, et je vais sentir mon corps se vider de toute substance d’un instant à l’autre, quand j’aurais réalisé que ce n’est pas moi qu’il regarde avec instance mais la fille qui doit se trouver juste derrière moi, dans le même axe, sûrement une fille de la terminale B. J’ai chaud, ça doit être une réaction chimique entre l’adrénaline et l’endorphine qui se battent pour avoir la première place dans mon organisme et le combat est rude.
J’ai commencé à écrire un journal intime, l’année dernière. C’est bien un truc de fille, ça, mais j’avoue que ça me fait du bien. L’intérêt principal étant que le papier ne répond pas, il se contente d’accueillir mes pensées sans me juger.
Quand on obtient ce qu’on veut depuis toujours, est-ce qu’on n’est pas sensé être heureuse ? C’est horrible mais je ne peux pas m’empêcher d’être déçue. Par le sexe, surtout. Merde, je ne pensais pas que c’était ça ! En fait dans les films pornos quand les nanas hurlent de plaisir c’est du fake complet, mais ça on l’avait deviné. Seulement dans les films romantiques, quand ils font l’amour, ça a l’air génial, tendre, et tout, mais ça aussi c’est du pipeau.
Il y a des gens qui nous provoquent des émotions et engendrent des sentiments, quels qu’ils soient. C’est ce qui crée ta personnalité dans ta relation aux autres, ton réseau social aussi, en triant ceux qui t’apportent du positif et ceux qui t’apportent du négatif, et puis il y a des personnes qui t’amènent à te poser des questions, sur eux, mais aussi sur toi, parce que tu n’arrives pas toujours à identifier les sentiments qu’ils créent.
C’est si compliqué, les relations humaines. Il faut savoir séduire, et ça, moi, je ne sais pas faire. D’abord donner envie aux gens de te connaître, leur montrer qui l’on est, s’exposer à leur jugement…merde, on n’est pas au marché aux animaux. J’ai toujours dit que les gens devaient nous prendre tels qu’on était, et pas tels qu’on voulait leur faire croire qu’on était pour coller à ce qu’eux voulaient qu’on soit.
Ce garçon m’attire depuis tellement longtemps que je n’ai même pas regardé qui que ce soit d’autre pendant des années. Je me suis focalisée sur lui, j’ai rêvé de lui, jours et nuits, j’ai pleuré pour lui, je me suis rendue malade pour lui, et voilà que mon rêve est enfin à portée de main ! Je devrais juste être heureuse, mais j’ai peur. Bon sang je suis terrorisée à l’idée de tout faire foirer.
La plupart de mes copines ont des parents divorcés. Elles disent que c’est mieux, parce qu’elles ont deux fois de l’argent de poche, deux fois des vacances, deux fois des cadeaux de Noël. Mais quand je vois leur regard quand elles en parlent, je vois bien qu’un léger voile brillant recouvre leurs yeux. Ça les rend malheureuses, j’imagine que c’est normal.
C’est difficile d’affronter son propre reflet, des fois.