Marc-Alexandre Oho-Bambe présente son nouveau roman "
Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé " pour la rentrée littéraire des éditions Calmann-Lévy 2023.
Echange avec Marie-Madeleine Rigopoulos.
Conçu comme un récital de jazz, cet objet littéraire hors-norme efface les frontières entre poésie et roman, et offre un regard poignant sur la paternité, l'absence, la solitude et l'amour.
Pour en savoir plus ou commander le livre : https://bit.ly/45egObw
"Retour à Dien Bien Phù .
A la recherche d'un amour jeune et vieux " fou" .
De vingt ans.
Retour ici, en pèlerinage.
Cette fìlle est ma faille, mon alcool, ma parabole.
Et son pays, mon gouffre néant: j'y suis mort et m'y suis enterré , avec mes dernières illusions sur l'humanité , sur moi- même et sur ma propre patrie , " terre des droits de l'homme" .
C'est ainsi, ainsi qu'elle aime,
Qu'elle aime qu'on la nomme.
Je suis mort ici, en Indochine.
Avant de renaître , puis mourir encore.
Dans le regard de Maï.
Il y a vingt ans .
C'était la guerre......"
Prendre le temps, non pas de choisir, mais se laisser choisir par les mots justes. C'est seulement lorsqu'on éprouve chaque phrase, dans son corps et son coeur, qu'on sait qu'on y est. Au mitan de nous-mêmes et de nulle part, là où naît, peut-être, la littérature. Et au bout du petit matin, le monde. (p. 67)
A la recherche de moi-même, j'avais trouvé Maï Lan. Frêle et mystérieuse jeune femme, qui allait s'éprendre d'un soldat en guerre contre son pays.
et contre lui-même.
Il y a des êtres qu'on rencontre trop tard pour ne pas les aimer.
Maï Lan. (p. 10)
Nous partagions le même sens poussé de notre devoir de journalistes, notre devoir d'informer, notre devoir de décrypter la complexité du monde et d'en rendre compte.
Ce furent de belles années
De combat et d'amitié.
De rêves et d'espoirs de changement
j'écrivais, j'écrivais, j'écrivais. (...)
Des mots de résistance et d'espérance.
En hommage à un ami.
Bel ami auquel je pense toujours, frère auquel je pense tout le temps, à chaque fois que je relis Char, dont il ne s'est pas relevé. Char, dont on ne se relève pas.
Résistance n'est qu'espérance. (p. 198)

Conversation avec Léa
- Qu'ont-ils fait, Papa ? m'a demandé Léa.
- Rien mon cœur, rien, ils n'ont rien fait, à part entrer en France sans visa.
- C'est quoi un visa ?
Comment répondre à ma fille ?
Comment lui dire que la vie est ainsi faite. Mal, parfois.
Comment lui dire que survivre est l'oeuvre de l'Homme.
Sans papiers.
Survivre à la persécution, à l'Odyssée, survivre, aux dures lois de la nature, la colère des mers et la cupidité des hommes.
Survivre est l'oeuvre de l'Homme. Sans papiers.
Survivre aux contrôles au faciès, aux camps de rétention, à la xénophobie, au racisme, à la haine et, pis que tout, à l'indifférence.
Survivre est est l'oeuvre de l'Homme.
Sans papiers.
Survivre est l'oeuvre de l'Homme.
Migrant.
Nomade.
Et des autres hommes, aussi. Parfois.
On survit barricadé derrière notre confort, nos habitudes,
et de temps en temps on ose embrasser ce qui nous dépasse, on s'engage.
Un peu, beaucoup, passionnément.
On s'engage car certaines révoltes sont vitales,
elles préservent le cœur de l'indifférence et aident à répondre
à une fille de six ans et demi.
Refuser toute compromission , toute concession, tout ce qui ne nous convient pas , ne nous convient plus, ne nous a jamais convenu et qu'on a accepté parce qu'on pensait ne pas avoir d'autres choix que celui d'être un ou une autre , qu'on n'était pas , qu'on ne voulait pas , qu'on n'aimait pas.
"Nègre à moitié", c'est ainsi que m'appelait une partie de la famille de ma mère qui ne s'était jamais remise que leur fille, bien sous tout rapports, ait osé ramener un homme de couleur à la maison, alors qu'elle avait tant d'autres choix possibles. J'avais passé toute mon enfance à chercher où était ma place, broyé par la complexité d'avoir le cul entre deux chaises avant de comprendre, à Harlem, que je n'avais pas à choisir, et que je pouvais, comme le chantait un ami, m'asseoir par terre; J'avais vingt ans, et la musique dans le corps, même si à l'époque, je l'ignorais encore.
L'acte d'aimer nous sépare de la solitude, nous répare du vide absolu. (p. 94)
Personne .
Ne fuit.
Le bonheur.
Aussi fragile.
Soit il.
La guerre, ça vous abîme l'âme, ça vous détruit l'homme, l'être humain en vous, peu importe les raisons pour lesquelles vous combattez. (p. 59)