Proses de l'intérieur du poème (inédits)
La Durée Circulaire
MOTS SOMNAMBULES
Quand les mots somnambules vont et viennent sur les parvis
de la mémoire, dans l’intervalle, l’entre-temps, la césure
éblouie, quel au-delà s’avance à leur rencontre avec sa lampe
allumée en plein jour, comme l’Hermite des tarots ? À peine
entrebâillée, la fenêtre déverse en nos yeux la fraîcheur des
jacinthes d’eau et l’or en fusion du soleil alchimiste. Le temps
pensif, sourcilleux, fait son bourdonnement de guêpe prise au
piège d’une vitre, seul à durer parmi tant d’éternités en ombres
chinoises. Sur la laisse de mer, à la frange des grands textes,
les poètes cheminent, laissant la trace de leurs pas au bord de
la marée phosphorescente, dans la magnificence tragique de
l’espace. La phrase panoramique remonte ses filets débordant
d’archipels, de galaxies, de brouillons d’univers où la mort ne
constitue qu’une faute de frappe, tout début naissant de sa fin.
De vertige en voltige, du vol plané de l’étincelle à la respiration
glorieuse de la flamme, nous progressons ainsi vers les confins
tremblés de la parole, dépourvus de projet, libres dans la durée
circulaire, faisant halte de loin en loin en de vastes clairières.
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