J'ai découvert les albums de Marc-Antoine Mathieu dans les années 90, avec les quatre premiers tomes des aventures de Julius Corentin Acquefaques. Mais comme il a dû se passer dix ans avant que le tome 5 ne soit publié, j'ai lâché l'affaire après le début de la fin / La fin du début. J'avais bien Les sous-sols du révolu et 3'' qui m'attendaient depuis quelques années sur mes étagères, mais il m'aura fallu la parution de L'hyperrêve pour reprendre enfin du service avec l'auteur.
Première tentative avortée : j'avais bien conscience que Marc-Antoine Mathieu demandait force attention et concentration, et pourtant je me suis attaquée à l'album trop fatiguée pour aller au-delà des premières pages. Seconde tentative avortée : alors que j'étais en pleine possession de mes moyens, j'ai été dérangée en pleine lecture, et pas moyen de m'y remettre. La troisième tentative fut la bonne (enfin!) Tout ça histoire de prévenir le futur lecteur que Marc-Antoine Mathieu ne se lit pas dans n'importe quelles conditions (ou alors c'est moi qui ai un problème).
Notoirement influencé par Kafka (mais c'est difficile de ne pas s'en apercevoir, même si on n'a pas lu Kafka), par Winsor McCay et par Fred (mais là aussi, c'est vite repérable), Marc-Antoine Mathieu a inventé une bande dessinée imprégnée par le monde des rêves, d'une certaine absurdité ou d'une absurdité certaine, où la bande dessinée devient elle-même son sujet. Donc oui, L'hyperrêve, c'est de la méta-BD, mais aussi une plongée dans les rêves (logique), les mathématiques, la physique, les trous noirs et le multivers, l'infini et le fini, le temps et l'espace qui se courbent, le vide et le plein, le noir et le blanc... On pourrait continuer ainsi jusqu'au vertige, et c'est d'ailleurs ce dont ne se prive pas l'auteur.
Et comme il s'agit de méta-BD, l'album opte pour une forme de plus en plus curieuse. D'un découpage somme toute plutôt classique, mais secondé par une mise page qui l'est beaucoup moins, on glisse vers une narration et un format complètement foutraques, avec des pages dont les dimensions diminuent (n'oubliez pas vos lunettes pour la presbytie), qui se déplient, dont on se sait plus dans quel sens lire les phylactères. Au point qu'on ne sait plus où on va. Mais va-t-on quelque part avec cette métaphysique de l'infini, puisque l'album ne s'arrête même pas comme il le devrait, mais continue en quatrième de couverture, sans qu'il existe une fin. Car peut-on penser le fini et/ou l'infini ?
J'avoue que j'avais la tête un peu en compote arrivée à la non-fin de l'album : l'infini des rêves, ça donne le tournis ! Je n'ai pas été aussi enthousiasmée que pour les autre premiers albums de la série, qui avaient constitué une énorme découverte pour moi - cet album n'a pas la même portée personnelle, et c'est logique ; mais je vous invite de toute façon à découvrir l'univers très particulier de Marc-Antoine Mathieu, qui fait indubitablement partie de ceux qui ont chamboulé la bande dessinée franco-belge.
Et bien que je n'aime pas me répandre en remerciements pour les masses critiques, car après tout j'honore ma part du marché tout autant que l'éditeur, je tiens tout de même à noter que les éditions Delcourt m'ont envoyé cet album via Colissimo, ce qui était une sécurité nécessaire à une période où les colis débordaient de partout. Tous les éditeurs n'ont pas souhaité faire ce type d'effort, dont la maison d'édition A2MIMO, dont je n'ai jamais reçu le livre de la masse critique de novembre (certes, il y eut erreur du facteur remplaçant, mais ce ne serait pas arrivé en lettre suivie, hein)... À bon entendeur, salut. Et merci à Delcourt pour son sérieux, ainsi que pour nous permettre de suivre la carrière et les albums d'un auteur hors-normes.
Masse critique Graphique
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