J'étais nu... à l'exception de mon pallium, ma bande de laine blanche aux croix noires que le Pape lui-même m'avait conféré. Arrive une étrange créature, une sorcière assurément, peut-être Notre-Dame des Loups Garous, leur maîtresse. Elle sort une fiole de ses amples vêtements flottants et, commence, avec un liquide visqueux, un onguent très certainement, à me frotter les membres, le dos, puis les épaules... Une chaleur intense s'est alors emparée de mon être, je ne portais plus mon pallium, mais une salve : j'étais un loup-garou! Je me suis dressé sur mes pattes en hurlant triomphalement avant de me précipiter, avec ce personnage qui me poussait par les épaules, dans un immense brasier.
Le 30 octobre 1589
J'ai fini par trouver la meilleure cache. J'ai descellé une pierre d'angle de la grande cheminée de ma chambre et découvert qu'une fois enlevée la pierre de derrière, mal scellée elle aussi, il y avait là un espace assez grand pour recevoir ces feuillets que personne ne doit lire. Jamais!
C'en est fait, enfin je vais savoir, loup, Diable, enfer, possédé, malheureux Job... Cette nuit, quand la lune pleine se lèvera sur les eaux lisses du Doubs, "Le loup mourra dans sa peau", comme on dit, il ne changera pas!
Est-ce vraiment possible que Satan soit venu me hanter? Moi, un homme d'église?
Il a examiné de nouveau ma peau jaunâtre, ma loupe au poil dru et surtout les taches rouges et les plaies de mon visage, qu'il a attribuées au dessèchement de la peau. Il n'a pas fait d'autre commentaire, sinon qu'il avait connu une personne qui présentait des symptômes semblables aux miens, à la seule différence que le corps du malade s'était, au cours de la maladie, couvert d'une épaisse fourrure. Il avait l'air gêné, et, devant mon effroi, il s'est tu.
Je suis retourné dans la cathédrale, pour y recommander mon âme à Dieu et lui demander pardon de mes crimes. Mais la sarabande démoniaque a continué de me hanter. J'ai le sentiment d'avoir perdu à jamais quelque chose de moi-même. Je comprends mieux l'oeuvre de Satan : c'était ma destruction qu'il visait lorsqu'il me poussait à tuer, à détruire dehors.
Pierre Le Loyer explique que le Diable peut profiter de l'humeur mélancolique pour posséder un être et en faire un garou.