Un véritable malaise atteint le peuple français.
Les raisons de ce malaise sont faciles à comprendre. Aux heures cruelles succèdent, toujours, des temps difficiles. Lorsque aux frontières d’une nation, que la défaite a mise hors de combat – mais que son empire laisse vulnérable – la guerre continue, ravageant chaque jour de nouveaux continents, chacun s’interroge avec angoisse sur l’avenir du pays. Les uns se sentent trahis ; d’autres se croient abandonnés. Certains se demandent où est leur devoir ; d’autres cherchent d’abord leur intérêt. La radio de Londres et certains journaux français ajoutent à ce désarroi des esprits. […]
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine, qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme ; ils viennent de Dieu. On peut les violer… Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Le marché noir fleurit, et rares étaient les autorités publiques et les catégories sociales qui ne se plaignaient pas de la bureaucratie et de l’inefficacité des services du ravitaillement, souvent confiés à d’anciens intendants militaires. Il était paradoxal, dans ces conditions, d’imposer à la France une cure de redressement. Si, comme on l’a vu, il est peu de domaines d’ordre économique et social qui ne connurent des projets de réformes, dans d’autres secteurs c’étaient les circonstances qui dictaient la nécessité d’agir.
Il faut que nous tirions la leçon des batailles perdues. Revenir sur les erreurs commises, déterminer les responsabilités, rechercher les causes de nos faiblesses, cette œuvre nécessaire sera accomplie. Mais elle ne servirait de rien si elle n’était la condition première de notre relèvement. Car il s’agit d’abord de refaire la France. Ayant mesuré l’étendue de sa défaite, un pays comme le nôtre, quelle que soit sa douleur, quelles que soient ses souffrances, ne s’attardera pas à des regrets inutiles.
Un des leitmotive de l'épuration est en effet le thème du "lampiste" injustement frappé tandis que le "chef" échapperait aux mailles du filet
Affirmer la France, c’est-à-dire la souveraineté de son gouvernement sur l’ensemble du territoire national, resta jusqu’au bout l’obsession de Vichy. C’est là une des clés essentielles pour saisir le processus qui, de compromis en compromission, aboutit à la vassalisation complète de l’État français à son vainqueur nazi.