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La grande cabale des Juifs de Plotzk de Marc Petit
page 85 [...] Plus de grille au château, depuis un mois, la foule pénètre. Des enfants armés de fourches harponnent dans les bassins d'énormes poissons aux yeux gras ; crocs de bouchers et planches à clous, crevant les peaux glaireuses, piquent dans la chair caoutchoutée d'où giclent des fontaines violettes. Déjà il n'y a plus un seul carreau aux fenêtres ; portes enfoncées, meubles éventrés, vases brisés qu'un pied écrase en miettes, dentelles souillées. La haine monte aux visages, tout l'amour humilié des générations perdues. Des millénaires de corvées, de famine et de coups de fouet, des millénaires de filles violées et d'enfants morts donnent l'assaut, investissent la place, ligotent le temps prisonnier. Un cri trop aigu pour sortir garrotte le dernier instant : des poings s'écorchent aux lambris ; un crâne cogne et éclate contre le marbre d'une cheminée ; des corps à moitié nus se tordent sur les tapis, d'autres, raidis, s'effondrent au milieu des vomissures. Longtemps, le soir et toute la nuit, feux et fumées. De la Plotzk juive, on aperçoit une lueur, tout le monde sait. Les vieux, volets fermés, prient en silence dans le noir. Rivka pleure. Elle cache ses yeux. Je vois ses mains et ses cheveux. Mendel, voûté dans la pénombre, apprend à voix basse un discours. {...] + Lire la suite |