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Citations de Marc Trillard (19)


La douleur reflue lentement, revient tout à coup, se retire pas à pas, resurgit de nouveau. La douleur n'est pas la souffrance. La douleur hurle quand la souffrance parle.
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Sur les bas-côtés de la piste nous ramenant au kilomètre 51, on observe les traces du passage des farouches pionniers blancs du Chaco et des Asunceños qui bravent les esprits de la steppe lors de leurs week-ends de chasse : boîtes de bière, douilles de cartouche, paquets de cigarettes froissés, carcasses de mammifères touchés en pleine course. Ils baissent la vitre de leurs 4x4 climatisés, épaulent et tirent. Ils ne s'arrêtent que pour relever les pièces nobles, les grands carnassiers dont ils offriront le trophée car les murs de leurs propres demeures en sont assez pourvus.
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Capitaine ne s’est décidé à convoquer son équipage et son jeune invité taciturne que lorsque le soleil a commencé d’enfler et de palpiter dans son habituelle parodie d’agonie quotidienne, mais les hommes mordent encore et toujours au spectacle. Dans le prolongement de la visée du bastingage avant, le marin voit un œil rouge s’ouvrir et se poser sur sa personne, alors il frémit d’une angoisse eschatologique et jouit, c’est le coucher du soleil en mer.
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Plus au large, la Marie-Madeleine coupera la seconde grande voie de mer, celle qui relie les anciens comptoirs de Dakar, d’Abidjan ou de Lagos aux grands ports de la Manche et de la mer du Nord. Là-bas, à cinquante milles, les cales et les citernes vont leur chemin gavées de brut, coton, café, arachides, essences rares, minerais divers, ne manquerait que le bois d’ébène s’il n’était passé de mode. Un continent tout entier continue de se vider par la mer comme aux plus belles heures d’une époque qu’on dit révolue.
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Le gitan fait ce que l’homme de la société ne sait pas faire, transformer son quotidien en histoires, en aventures où apparaît son humanité nue, sa chair sans fard.
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Une ambition démesurée me ronge. Le projet est vaste, l'ampleur de la tâche considérable, je ne me le cache pas. J'ai pour objectif de faire évoluer, ou plutôt "dévoluer", mes pensionnaires vers une autre dimension que leur animalité. Plus lourde, plus profonde, plus ténébreuse. Un état non déterminé, une nature mal définie. Peut-être une... infra-animalité. Ma volonté d'être humain sur leur entêtement de bêtes! Mon intelligence d'homme contre la marque de la bête, qui leur fait baisser les yeux devant mon regard mais grogner derrière mon dos! Le doute pénétrant que j'instille entre les cages est déjà une étape de ce pénible chemin.
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Le camp brûle sous le soleil presque à son zénith. Il n'est pas encore 11 heures mais la chaleur écrase déjà tout ce qu'elle peut sous son poids. Gens, choses, bêtes. Aujourd'hui plus chaud qu'hier et moins que demain, si cela se peut encore. C'est un mois d'août comme on n'en a pas connu depuis des années et des décennies. Il faut, paraît-il, remonter jusqu'au milieu du siècle dernier pour retrouver de telles poussées de mercure. Tout le monde souffre dans tout le pays, du nord au sud et d'est en ouest, en montagne comme en plaine, partout sur le territoire sans exception, et les jours qui viennent, nous dit-on, ne s'annoncent guère plus cléments. La canicule est sur la douce France pour y rester.
Il fait ici plus chaud qu'ailleurs, sans doute. Bartolomé remonte le camp sur son aile droite avant de le redescendre sur son flanc gauche, selon le routinier parcours de ses tournées. Une fois par jour au moins : savoir ce qui se passe sur le terrain de sa responsabilité, s'enquérir des problèmes s'il y en a, mais il n'en manque jamais. Lui, Bartolomé Gavard, connu ici sous le diminutif de Bart, ou Barto. Agent communal en charge de l'aire d'accueil des tziganes de Ginestous, prononcez «Ginestousss», dans la périphérie toulousaine nord.
Parfois il inverse le sens de sa tournée et commence par la fin, emplacement 50 et decres­cendo. Bonjour Pèpo, ça va ? Ho, Barto, salut, on cuit dans son jus, hein, qu'est-ce que tu veux.
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— La sève d’une racine. Piper methysticum, en langage savant. La concoction fait un peu peur à voir, comme ça. C’est la manière ancestrale, quasiment tombée dans l’oubli.
— Un cordial ? Un philtre d’amour ?
— Ha, ha, le philtre d’amour, je ne sais pas. Mais le cordial, oui. Un stimulant. Un euphorisant, aussi. Ton corps se détend et ta tête s’ouvre, ton esprit s’en va se promener dans des coins dont tu n’avais pas idée.
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Les seins épuisés par les maternités multiples d’ici sont les mêmes que les seins de là-bas, à six heures de voile quand les vents soufflent dans le bon sens. Mais à Tanna, dans la section consacrée à Tanna, son île, aussi bref qu’y sera son passage, elle reconnaît immédiatement la jetée prolongeant la baie naturelle, celui-là même où elle est assise en tailleur. Aussi dépeuplé qu’en cette fin d’après-midi.
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On ne saurait résister longtemps à la beauté volontiers farouche des traits, la plénitude et le dessin des lèvres, la sensualité du regard.
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Une guitare sèche, un cavaquinho, un accordéon et un violon. Sur la bande magnétique, entre accents de gaieté triste et bouffées d'irrépressible nostalgie, toute l'histoire de l'archipel : exil et déracinement, famines et guerres, exil encore. Comment décrire avec les mots justes la musique qui vous serre la gorge, qui vous met au bord des larmes ? (Page 62)
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Les Nouvelles-Hébrides il y a un quart de siècle, il nous semblait à nous, anciens planteurs, nouveaux planteurs, que c’était pour toujours. Rien n’y bougeait. Rien n’y changerait parce que rien n’annonçait que cela pourrait changer un jour. Le pays dont personne n’avait entendu parler et où personne ne savait ce que voulait dire le mot indépendance. Mais donc c’était hier. Et aujourd’hui, dans trois mois, nous allons perdre les élections. Sauf que nous voulons les perdre en position de force.
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Nous pratiquons un journalisme d’opinion s’appuyant sur l’investigation, que nous voulons la plus rigoureuse possible, et nous sommes respectés pour cela.
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On n’oublie pas celui – celle, en l’occurrence – qu’on a si longtemps et obstinément ignoré durant les vingt minutes du repas qu’on prenait en sa compagnie. Mais Neuville est disposée au pardon, en échange de quelques mots, bien sûr.
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Car la légende et ses différentes bifurcations ne peuvent trouver qu’une conclusion heureuse. Sinon ce n’est plus une légende mais une nakba.
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Un prêtre. Non. Un prêtre aurait eu l’ostentation de la croix fichée au revers du costume, au moins, et la cravate n’a de toute façon rien à faire dans le tableau. Un pasteur, bien plus, qui peut nouer une cravate autour de son cou mais se passe de l’insigne religieux. Mais pourquoi lui avoir opposé pareille indifférence pendant la vingtaine de minutes qu’aura duré le dîner ? La femme sans âge et l’homme hérissé ont-ils fait vœu de silence pendant les repas ? Ç’aurait été sympa de l’en avertir, quand même, au moins pour qu’elle s’y prépare…
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Je suis journaliste, je ne prends pas parti. Je regarde, j’écoute et j’essaie de comprendre. Comment voyez-vous l’avenir de l’archipel, à moyen terme ? Après les élections de novembre, par exemple ?
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Quand un territoire et sa population sont soumis à l’administration de puissances étrangères, je ne vois pas quel autre mot employer. C’est pourquoi je tourne souvent mes yeux vers l’est, vers la singularité politique, ce régime si archaïque. Pas seulement pour son étrangeté, mais parce que ces jours sont comptés. Une transition est à l’œuvre, là-bas. Des élections prévues pour novembre, dont les résultats devraient entériner le principe d’une indépendance dans les 7mois suivants. Il sera intéressant d’observer le processus, pour ceux qui voudraient s’en inspirer ailleurs. Je suis moi-même très curieuse.
Pas autant qu’elle. Et curieuse n’est pas le mot. Elle est troublée. Incrédule. Une colonie encore aujourd’hui, une colonie française, même pour moitié. Mais elle pensait que son pays avait intégralement réglé ce passif. Qu’il avait rendu chacune à son destin toutes les pièces de ce qui constitua un jour l’Empire. Elle avait vingt-trois ans quand De Gaulle prononça son « Je vous ai compris », et ce qu’elle en avait compris, elle, étudiante à Sciences Po, c’était ce que tout le monde autour d’elle comprenait, le début de la fin de l’ère coloniale.
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Car le fond de la problématique calédonienne est d’une simplicité biblique : les Blancs contre les Noirs. Ou, exprimé localement, les Caldoches contre les Kanakes. Pas en termes de couleur de peau, mais de vision que les uns et les autres se font de leur avenir. Aussi limpide qu’irrévocable.
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