AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Marcel Gauchet (46)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Pour une philosophie politique de l'éducation

Ce livre m'a mis en colère. Après un bla-bla abscons de chercheur de sciences de l'éducation, Marie-Claude Blais, avec un plan ( ? ), fait un historique intéressant sur le parallèle entre les partisans traditionnels de l'école républicaine et les pédagogues progressifs qui "mettent l'enfant au centre du système éducatif". Mais ceux-ci n'ont pas fait avancer le schmilblick, l'auteure a l'honnêteté de le reconnaître.



Pourquoi suis-je en colère à l'issue de ce livre ? D'abord le style est un discours de fac, avec des "postures", des "ruses", des "systèmes", du conformisme", bref, des concepts aux limites trop floues. Pourquoi un style aussi abscons et technocrate ? Eh bien, je pense que les les chercheurs en sciences de l'éducation (que je connais , puisque j'ai fait un DEA de didactique) voient un " progressisme" des enfants dans la liberté et leurs droits, sans contraintes. Je pense à Maria Montessori, à Alexander Sutherland Neill ("Libres enfants de Summerhill") ou à Ivan Illich ("Une société sans école"), qui m'ont certes influencé, et à mai 68 ("il est interdit d'interdire"). Je fais remarquer que, dans les trois écoles sus-citées, la population scolaire était particulière, et ne concernait pas la nation entière.



Pourquoi un style tellement flou ? Je pense que l'auteure est partagée entre les deux "écoles" ; elle ne prend pas parti. Les tenants de la démocratie sont des écorchés, très "à cheval", et toute attaque contre eux est susceptible d'être créditée d'autoritarisme, et de contrainte injustifiée. Donc, ce langage de chercheur a le mérite d'être accrédité dans les hautes sphères technocrates, et il permet de contourner les reproches éventuels de certains, mais il a l'inconvénient de n'être ni clair, ni direct : diable, appelons un chat "un chat" ! Mais dans notre milieu, on n'a pas le droit de dire les tabous. L'enfant est devenu roi.

.

Dans le contenu du livre, l'auteure oppose l'école républicaine qui privilégie des savoirs, les contenus, à l'école des pédagogues, " laboratoire de la démocratie", dit-elle, qui se préoccupe des « besoins » des élèves.



Pestalozzi (1780), et Marion sont partisans des savoirs, ainsi que maintenant, après la révolte de 1968 pour tuer le père, Jacqueline de Romilly , Alain Finkielkraut, Elisabeth Badinter, Bernard Lahire.



Mai 68 a fait beaucoup de mal.



De l'autre côté, nous avons les partisans du puérocentrisme que sont Edouard Claparède, qui s'appuie sur la psychopédagogie (1900), et dans les années 1970, des chercheurs qui attaquent l'école républicaine : Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron ("La reproduction" ...des élites par l'école), Christian Baudelot et Roger Establet ("L'école capitaliste en France"). La sélection est mise sur la sellette, et on baisse le niveau.

.

Mais ce qui fait le plus de mal, c'est cette notion d'égalité. On sait qu'elle est impossible, et cependant les « pédagogues » s'y accrochent, et gagnent l'écoute du ministère, toujours fervent de récupérer les voix des parents, sans s'occuper des conséquences pour notre jeunesse.

.

Au début, l'instruction des enfants partait d'un bon sentiment : Condorcet (1792) institue l'école primaire nationale. Guizot (1933) améliore le système scolaire, et Jules Ferry (1882) le rend gratuit, laïque et obligatoire.

Ces républicains, privilégiaient les savoirs, LES DEVOIRS et L'EFFORT.

.

L'égalité : après la massification dans les années 1950-60, la réussite scolaire n'est pas au rendez-vous pour tous ! Cependant, sur le tabou "égalité des chances" qu'on n'a pas le droit de critiquer, les pédagogues ne veulent pas en démordre : on saute à pieds joints sur les propositions de John Rowles (1971): il faut de la discrimination positive ! Les bourses pour les élèves défavorisés, c'est bien, mais créer des ZEP en 1981, accepter l'enfant roi, et privilégier la parole des enfants et des parents sur celle de l'enseignant, est ce la solution ?

Je connais bien une REP+, je peux en parler.

.

Les savoirs reproduisent-ils les élites ?

La réussite scolaire des élèves de base ne donnent pas les mêmes métiers gratifiants que ceux des élites ?

Les élèves s'ennuient ?

Alors vive les parcours diversifiés ! " La reproduction" a dévalorisé la république des savoirs : comme on n'arrive pas à l'égalité, on fait le procès du savoir, et aussi, parfois, celui de l'enseignant.



Puis l'auteure parle du métier d'enseignant qui a évolué.

1) La massification pose le problème d'enseigner avec hétérogénéité, étant tabou de faire des classes de niveau.

2) Les médias influencent les élèves : ils ont fasciné les enfants et pris le pouvoir par rapport aux familles et à l'école (Postman, Popper). Les jeux vidéo,peuvent engendrer la violence.

3) Il faut lutter contre l'ennui des élèves. Mais enfin, les enseignants ne sont pas là pour ça, enfin ! Nous ne sommes pas des "animateurs", ni des assistants sociaux !

4) L'auteure dénonce aussi la peur des autorités : les élites ont peur d'une bombe à retardement : ils ont peur de "la fracture sociale".

.

Mais la CULTURE, bon sang ! Il faut prendre compte des racines ! On dirait qu'on a honte de notre histoire, d'être Français !



.

En fin de livre, l'auteure consacre un chapitre à l'éducation civique.

Depuis la fin du XXè siècle, les pédagogues se sont enfin aperçus que certains élèves faisaient des incivilités, et même des violences. Tiens donc !

Alors pourquoi pas un peu de morale, cette « nouvelle-ancienne matière » ?On ne va quand même pas déterrer la morale, c'est un fossile !

.

Erasme et Montaigne, vers 1500, savaient prendre les choses à l'endroit. de même, Arnaud Berquin, vers 1780, prévu pour éduquer Louis XVII, écrivait :



"Rosalie prit le billet et lut :

"Pour une petite fille grognon, qui reconnait ses défauts, et qui, en commençant cette nouvelle année, va travailler à s'en corriger."

-- Oh ! c'est moi ! c'est moi ! " s'écria t-elle en se jetant dans les bras de sa mère, et en pleurant amèrement.

Madame de Fougères versa aussi des larmes, moitié de chagrin sur les défauts de sa fille, et moitié de joie sur le repentir qu'elle en témoignait."



Ils savaient, par maints exemples, remettre les enfants dans le droit chemin, apprendre le contrôle de soi. On ne sait plus l'éduquer.

.

De nombreux parents, pour de multiples raisons, n'éduquent plus leurs enfants dans le RESPECT. Ce mot a mauvaise presse en France.

Donc, nos pédagogues du « vivre ensemble », qui ont "gagné" sur les républicains, sont pris à leur propre piège : ils n'arrivent pas à s'en sortir, avalés par leur flou et leurs contradictions : leur maître mot est "pas de contraintes pour les élèves !"

Mais comment éduquer les enfants avec leurs seuls droits et sans aucun devoir ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! On fabrique des révoltés.



L'auteure pose la question : l'apprentissage de la démocratie dès le primaire, est-ce la solution ?

Il y a peut-être d'autres priorités.

.

Puisque l'auteure et les pédagogues n'ont aucune solution, je propose un cours d'éthique obligatoire et important, qui consiste par exemple en :

1) Au primaire, apprendre et appliquer les règles de politesse.

2) Au collège, apprendre la prise de conscience de son propre état (colère, agitation), maîtrise de soi, autonomie.

3) Au lycée, apprentissage de la démocratie.



En fait l'auteure, et je pense qu'elle n'est pas seule, confond éducation et instruction. Notre travail, c'est d'instruire, et là, sans moyens supplémentaires, nous sommes aussi obligés d'éduquer : nous faisons le grand écart !
Commenter  J’apprécie          2825
Que faire ?

Je remercie Babelio, dans le cadre de Masse Critique, et les éditions Philosophie magazine de m’avoir permis de lire et de faire la critique de Que faire, Dialogue sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie, d’Alain Badiou et de Marcel Gauchet.



« Que Faire », cette question renvoie à un opuscule écrit par Lénine en 1902 dans lequel, il évoque déjà l’idée d’un parti révolutionnaire d’avant-garde, mais où il demande aussi aux intellectuels de fournir une aide, une analyse face à la domination de la politique économique.



Martin Duru et Martin Legros, journalistes à Philosophie Magazine, dans un hors série intitulé « les philosophes et le communisme », ont jugé pertinent de faire se rencontrer deux philosophes que tout semble opposer, Alain Badiou philosophe partisan du retour de l’idée communiste, et Marcel Gauchet, penseur de la démocratie libérale. Leur premier entretien, positif, a été prolongé deux fois, et au final, a donné naissance à cet ouvrage. Les deux journalistes ont fait appel à Alain Badiou et à Marcel Gauchet pour tenter de répondre à certaines des interrogations de Lénine, transposées à notre époque : « La démocratie libérale n’est-elle pas ébranlée dans ses fondements même par l’emprise du capitalisme et celui-ci n’est –il pas miné de l’intérieur par le poids de la finance ? La politique n’a-t-elle pas perdu tout pouvoir d’orienter l’Histoire ? L’hypothèse communiste, débarassée de ses oripeaux totalitaires, permet-elle d’offrir une solution crédible ? Ou la démocratie est-elle capable de se réinventer pour répondre aux défis de la mondialisation ?



Il s’agit d’un débat de grande qualité, brillamment arbitré. Les deux philosophes s’affrontent à la manière de deux joueurs d’échecs, chacun appréciant l’érudition de son partenaire, tout en réfutant son analyse. J’ai apprécié ce débat, et mesuré la qualité des opposants, tout en le trouvant extrêment abstrait.



Je pensais trouver dans cet ouvrage un éclairage d’intellectuels sur notre époque, ses enjeux, ses difficultés. Le débat a porté sur tout autre chose. Les deux philosophes ont semblé heureux de s’affronter, pour l'affrontement en lui-même. Et pourtant, de manière étonnante, la conclusion du débat porte sur la complémentarité de leurs analyses, et sur le pouvoir qu’il faut redonner à la politique « Même les adversaires les plus acharnés peuvent se retrouver s’ils savent identifier ceci : qu’au final, chacun de leur côté et avec leurs armes propres, ils combattent le même ennemi ».



« Que faire » est un ouvrage de grande qualité ; il s’adresse à un lecteur érudit, historien, maîtrisant parfaitement les concepts, et à même d’apprécier un débat entre spécialistes. J’avoue que ce n’était pas mon cas. Pourtant je ne regrette pas d’avoir lu ce livre qui m’a laissée souvent perplexe, déconcertée.

C'est surtout le prologue rédigé par Martin Duru et Martin Legros « L’avenir d’une alternative » qui m’a intéressée et m’a paru plus accessible.



Que faire ? la question reste ouverte, et l’aide des intellectuels plus que jamais nécessaire.

Commenter  J’apprécie          150
Macron, les leçons d'un échec

En lisant Stefan Zweig louangeant Maxime Gorki à mon étonnement, parce que c'est le premier prosateur russe issu du peuple à écrire sur les siens, sur la misère des petites gens, et à accéder à la notoriété dans son propre pays, ce qui fut vrai d'ailleurs, mes divergences ne portant pas là-dessus, mais plus sur la qualité de celui qu'il nomme de génie intérieur à la rencontre de son peuple avec une empathie extraordinaire.



On ne peut s'empêcher d'établir des passerelles avec le passé d'il y a un siècle fût-il russe vu par un bourgeois autrichien et je me dis qu'on n'a même pas ça nous, même pas un écrivain aujourd'hui qui écrit sur le peuple français dont il est issu, peuple sur le chemin du même désarroi, humilié plus que jamais par le pouvoir macronien jacobin, non personne. On écrit contre, on n'écrit pas pour, mais une grande voix du sérail qui s'élève avec éloquence et force pour soutenir le peuple : nada ! PG 18 09 2022
Commenter  J’apprécie          142
Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Robespierre est assurément la figure la plus controversée de la Révolution française. D'un côté, il incarne une fidélité aux principes de la Déclaration de 1789, une probité, un désintéressement qui lui ont valu non sans raison le surnom d'Incorruptible ; de l'autre côté, il est devenu après sa chute en 1794 l'incarnation du tyran, pour certains une préfiguration des dictateurs du 20ème siècle. L'essai de Marcel Gauchet n'est pas une biographie de plus sur Robespierre mais un essai qui cherche à restituer la cohérence de la carrière du révolutionnaire.

L'auteur rappelle que Robespierre a exercé en fait très peu le pouvoir, et encore moins de façon solitaire (ils étaient une dizaine au Comité de salut public dans lequel il n'est entré qu'au bout d'un an). C'est par le verbe (plus de 1000 interventions dans les diverses assemblées où il a été élu, en 5 ans) qu'il a exercé son magistère moral et intellectuel sur nombre de ses contemporains.

Dans les premières années de la Révolution, on découvre un homme déterminé dans ses principes, mais hésitant quant à la forme de gouvernement que doit adopter la France. Il défend la liberté de la presse, combat la peine de mort, il est hostile au suffrage censitaire, mais il ne fait pas partie des audacieux comme Condorcet qui défendent le droit des femmes. Il reste en marge du combat pour la suppression de l'esclavage.

Même après le retour sous escorte du roi après sa fuite stoppée à Varennes (juin 1791), Robespierre n'est pas favorable à la République. Pour lui, les mots république et monarchie ne s'opposent pas : "une nation peut être libre avec un monarque". Comme ses compagnons au sein du club des Jacobins, il est en butte à un obstacle épistémologique. Par quoi peut-on remplacer le roi ?

C'est à la fin de l'année 1791, dans le grand débat sur la guerre, que son art oratoire se cisèle face à son adversaire Brissot qui veut confondre le roi en déclarant la guerre aux monarchies européennes. Robespierre redoute une agrégation contre la Révolution des forces qui lui sont hostiles : les monarchies à l'extérieur ; les adversaires de la Révolution à l'intérieur. L'avenir lui donnera d'ailleurs raison. La Terreur, qui est aussi une conséquence de la guerre, n'est donc pas imputable au seul Robespierre, même si ses discours enflammés et la loi des suspects vont envoyer de grosses charretées de citoyens et de ci-devants à la guillotine.

A partir de 1792, les discours de Robespierre prennent un tour plus personnel, voire "égolâtre" selon les mots de Gauchet. Il affirme le caractère surnaturel de la Révolution, il confond son destin personnel avec celui du peuple, il adopte la posture victimaire employée 2 décennies avant lui par Rousseau dans ses Rêveries. Ses contemporains sont frappés par sa propension à se mettre en scène.

En 1793, les événements s'emballent et les discours de Robespierre aussi. Les Girondins sont exécutés après une mascarade de procès (octobre 1793), les Enragés (mars 1794) puis les Indulgents (avril 1794) sont exécutés. Dans cette lutte entre factions, Robespierre doit composer avec la Commune de Paris et les sections révolutionnaires. En juillet après une période d'absence, Robespierre revient à la Convention et annonce une nouvelle conspiration contre la République : ses allusions ne prennent pas. Cette fois-ci, ceux qu'il vise, parmi lesquels se trouve Fouché, prennent les devants et retournent la Convention contre Robespierre.

"Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. » Dans cette phrase tirée d'un discours de février 1794 résident toutes les contradictions de Robespierre. Décidé à faire triompher la Liberté une fois la victoire acquise, il était prêt à en suspendre le cours le temps qu'il fallait.





Commenter  J’apprécie          140
Comprendre le malheur français

Malgré tout l’intérêt et l’attention que je porte depuis longtemps à la pensée et aux écrits de Marcel Gauchet, j’ai hésité à acheter son dernier livre en apprenant qu’il s’agissait d’une interview, donc, pensais-je, d’une improvisation (même sur fonds de travaux antérieurs et solides), forcément un peu relâchée et superficielle. J’avais tort. Visiblement récrit et retravaillé, le texte bénéficie de la distanciation, de la pondération, de la précision, de l’approfondissement et des compléments d’information que permet seul le temps laissé au temps. Bref, même sous forme de questions-réponses, il s’agit d’un véritable livre, seulement plus ramassé et plus direct que l’essai ordinaire.



Observateur attentif de notre actualité et de l’état de nos sociétés, Gauchet fait entendre une voix différente dans le chorus journalistique et politico-médiatique grâce à l’originalité du regard qu’il porte sous sa double casquette. Philosophe en effet, il sait prendre la hauteur ou la largeur de vue nécessaires pour sortir du fouillis événementiel et dégager du sens, en synthétisant des concepts et en gardant le fil de principes théoriques. Historien, il garde pied sur le plancher des faits, mais il échappe à l’amnésie médiatique, en rappelant justement (sur la longue durée) comment ils se sont faits et en restituant ses profondeurs au temps qui court.



L’objectif ici est de « comprendre le malheur français », que d’autres ont appelé « sinistrose », c’est-à-dire le sentiment actuel, général et profond, que notre pays est foutu, qu’à l’échelle du monde et à l’aune des valeurs nouvelles il n’a plus aucun avenir devant lui. Sentiment de dépit, de trahison, de doute et de révolte, sentiment à la fois masochiste et vindicatif, qui prend la forme d’un divorce entre le peuple et ses élites, entre la nation et la nomenklatura européenne, entre l’attachement républicain et les sirènes néo-libérales. Loin (comme il est de bon ton) de condamner ce pessimisme, Gauchet lui trouve bien des raisons, en confrontant le destin qui fut historiquement celui de la France, de Louis XIV à Charles de Gaulle via la période révolutionnaire, et son déclin depuis un demi-siècle, avec le ralliement de la gauche comme de la droite à la Loi du Marché et à la mécanique européenne. Pour instruire le dossier, il traverse les siècles en montrant précisément ce qu’a été la vocation universaliste de la France, le fort sentiment d’identité qu’elle y a puisé, et toute la construction politique et idéologique qui en structurait l’exigence ; et il décrypte de même, plus près de nous, dans les différents septennats et quinquennats de la Cinquième République, les phases et processus qui en ont marqué l’abandon et le délitement.



On a qualifié Gauchet de « néo-réactionnaire » parce qu’il ne bêle pas à l’unisson des moutons du système et qu’il n’y crie pas non plus avec les loups. Mais, en penseur obstiné du politique, il garde le cœur à gauche et s’accroche aux fondements du vivre-ensemble républicain. Simplement, il résiste aux évolutions en cours et s’oppose résolument à la grande braderie qui, aujourd’hui, disperse et liquide l’héritage chèrement acquis : les « peuples souverains » dilués dans le grand melting-pot commercial, « l’État » reconverti en Conseil d’Administration de l’entreprise France, les « citoyens » transformés en électrons libres dans l’hypermarket des biens, des idées et des plaisirs, « l’intérêt général » ramené à l’addition de tous les intérêts particuliers, les « devoirs sacrés » dévalués par l’inflation galopante des droits, toute forme d’« institution » délitée sous l’effet conjugué de l’individualisme, de la mobilité et de la labilité ambiantes. L’analyse est précise, décapante, convaincante et, paradoxalement, de disposer d’un tel diagnostic, on se sent déjà quelque peu soulagé du poids du « malheur français ». Mais (en dehors du forcing et du blocage de la mécanique européenne pour la contraindre à repartir sur d’autres bases ou de l’exhortation finale à réveiller notre atavisme politique) j’ai cherché et attendu en vain les quelques pistes annoncées pour en sortir vraiment.

Commenter  J’apprécie          131
Le désenchantement du monde

Retracer les thèses fécondes de Marcel Gauchet n'est pas une tâche facile, tant son discours, auquel on finit par adhérer, se dérobe sous un style savant. Très compliqué et peut-être très simple. Une histoire politique de la religion, donc, mais aussi, une histoire religieuse de la politique.



Au commencement était la religion, le monde était coupé radicalement de son origine tout en en conservant les marques partout. Tout faisait sens, tout était magie. Le religieux était partout. Chacun était à sa place, à son rang. C'était comme ça. Dieu avait institué le monde à son idée, les hommes n'avaient qu'à suivre. (Ce que je raconte est d'une platitude invraisemblable, je résume et j'aplatis des idées bien plus élaborées, mais voilà, je fais ce que je peux, je traduis mal mais de manière à ce que peut-être j'en retienne quelque chose). Tout aurait très bien pu rester comme ça. Sauf que s'est développée une religion pas comme les autres, la religion qui a permis la sortie de la religion, qui la contenait structurellement en elle, le christianisme.



Gauchet insiste sur les effets de structure, sur une certaine logique du changement, sur ce qui rend possible une évolution que l'Histoire, dans son indétermination, effectuera ou pas. Tout aurait très bien pu se passer autrement, mais pas n'importe comment. Qu'est-ce qui se passe avec le christianisme ? Encore une fois, simplifions à outrance en espérant ne pas déformer. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, s'est fait chair pour nous sauver. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que le tout autre, le Dieu qui, dans les religions d'avant, avait créé un monde au commencement pour nous l'avait laissé avec ses signifiances établies, devient le même, l'humain ici et maintenant. Dieu se rapproche. Il devient un autre en nous. Nous sommes Jésus, homme et Dieu, quand nous sommes chrétiens. Ce qui était extérieur devient intérieur. Le transcendant devient immanent. (Gauchet est beaucoup plus logique, cohérent que moi, il me semble que je résume en sautant des étapes et qu'il me manque quelque chose pour comprendre vraiment le processus de désenchantement du monde).



Bref, où en sommes-nous aujourd'hui ? Dans un monde qui n'a plus la religion comme fondement, dans un monde où tout est dans l'homme, le même et l'autre, dans un monde dynamique alors que le monde religieux était posé comme établi une fois pour toute. Nous vivions avant dans le passé qui se réitérait dans le présent, nous vivons désormais dans la construction d'un futur qui nous échappe, tendus vers ce qu'il est possible que demain soit mais à jamais dans l'ignorance de ce futur. Nous sommes condamnés sans fin à agir plutôt qu'à être, à ne plus savoir qui nous sommes mais à nous créer hommes, sujets libres, sans Dieu ni maîtres autre que nous-mêmes et donc d'autant plus soumis à des forces qui ont le défaut d'être cachées alors qu'elle sont nous. Bref, Rimbaud a dit en quatre mots ce que Gauchet dit en quatre-cent pages, je est un autre.

Commenter  J’apprécie          120
Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Le livre est intéressant dans la mesure où il est complémentaire d'ouvrages généraux sur la révolution, mais en contrepartie il suppose une bonne culture sur le sujet.

On perçoit bien à la lecture de ce livre très documenté, comment la personnalité de Robespierre et sa capacité à s'insérer dans les événements et les jeux de pouvoir ont pu lui donner cette dimension et cette influence déterminante pour la réussite de la révolution et la longévité de ses idées.

Un très bon travail d'enquête et de synthèse, une lecture tres pertinente de cette periode clé de la révolution (1791-1794) où tout était possible. Le style aurait gagné à être plus direct (beaucoup de phrases demandent de l'attention alors même que le propos est relativement simple, et les citations sont trop noyées dans le texte, ce qui les rend très difficiles à identifier et à comprendre)

Peut-être aurait il été intéressant également d'avoir en annexe quelques textes importants de Robespierre.
Commenter  J’apprécie          90
Que faire ?

Livre reçu dans le cadre de masse critique, merci à babelio et à philosophie éditions



Le titre de ce livre est naturellement une référence au livre de Lénine rédigé lors de son exil en Finlande, livre de réflexion de stratégie de prise de pouvoir écrit avant 1917.



Un livre dialogue entre les deux philosophes Alain Badiou et Marcel Gauchet sur « l’hypothèse communiste ». Pour l’anecdote les deux penseurs ont échangé dans les locaux du siège du parti communiste français à Paris, de l’hôtel Lutetia et des éditions Gallimard…. Le choix du second lieu a de quoi laisser perplexe eu égard au contenu des échanges, outre qu’il s’agit d’un établissement de luxe, ce fut aussi le quartier général de la gestapo.



Cette hypothèse communiste est le retour en force de Marx que les logiques mortifères du capitalisme financier ont réussi le tour de force de remettre en selle le vieux barbu. On se souvient que le système de Marx est fondé sur le matérialisme historique, c'est-à-dire sur une « loi » qui constituerait le moteur de l’histoire, le développement des forces productives permettrait aux classes sociales dominantes, à un moment historique, d’imposer un mode de production.

Dans ce déterminisme, le capitalisme après avoir imposé son hégémonie sur l’ancien régime est voué à connaitre des crises à répétition, jusqu’à la crise finale, en raison de la loi de la baisse tendancielle et inéluctable du taux de profit. Le prolétariat serait ainsi conduit le à prendre le pouvoir pour instaurer le communisme.



Or, la chute du mur de Berlin en 1989 semblait couronner le triomphe définitif du modèle capitaliste sur le socialisme à tel point que le philosophe Fukuyama énonçait avec autorité « la fin de l’histoire ».

C’est sur ces fondements idéologiques tous les acquis de l’Etat providence, institués pour éviter que les citoyens ne soient tentés par le « modèle » socialiste étatique alors en vigueur en URSS et en Chine ont été progressivement remis en question.

En 2008, il y a eu la chute de la maison Lehman Brothers et du modèle économique sur lequel la banque était adossée. Le système était réputé s’auto réguler, il était mathématiquement prouvé qu’une crise n’était plus possible, « l’optimisation des facteurs de production », garantie pour que l’Etat n’intervienne pas et abroge les réglementations mises en place à la suite de la crise de 1929 et du nouvel ordre mondial de 1945. Les algorithmes miraculeux veillaient à la place des réglementations désuètes.

Mais cette nouvelle crise n’est en réalité que la plus violente d’une série à périodicité de plus en plus rapprochée, sans oublier toute les affaires (LTCM, Enron, Vivendi…) qui illustrent l’irrationalité des acteurs financiers et la prise de risques incontrôlée par appât du gain, susceptible de provoquer des crises systémiques. Nous sommes à des années lumière de la main invisible qui garantit les grands équilibres à la fois micro et macro économiques.



Les deux philosophes se rejoignent sur le caractère toxique du capitalisme financier,

Ainsi pour Gauchet « Nous avons aujourd’hui, avec la gangrène de la finance, un capitalisme de prédation, voué à la crise permanente du fait de sa perpétuelle fuite en avant, portée par des instruments de plus en plus déconnectés du réel et incontrôlables », difficile de faire un réquisitoire plus incisif.

De même, il semble y avoir consensus pour considérer qu’il y a une césure entre Lénine, et Marx. Le second n’aurait pas été favorable à une dictature de l’Etat, fut-elle imposée au nom du socialisme.

Cette appréciation est pour le moins discutable, Marx n’acceptait pas la contradiction et la biodiversité dans les différentes sensibilités de l’idée du socialisme, il avait une haute idée du caractère scientifique de ses conclusions. Le léninisme porte bien les gênes de Marx.



En revanche, la ligne de partage entre les deux philosophes passe par les moyens de réformer les défauts du capitalisme. Gauchet est persuadé qu’il peut être réformé dans un cadre démocratique conventionnel, ce qui n’est évidemment pas le point de vue de Badiou qui considère que les détenteurs du pouvoir ne renonceront pas à leurs intérêts.

Sans adhérer aux conceptions de Badiou notamment à l’égard du maoisme, on ne peut que relever que les espérances de Gauchet pêchent par optimisme.

Les plus grands progrès sociaux du XXéme siécle dans les pays industrialisés les plus modernes ont été rendus possibles, non par philanthropie ou sagesse des détenteurs du pouvoir financier mais parce qu’il y a eu une conjonction exceptionnelle de facteurs favorables en 1945 et dans les années suivantes pour mettre en place les fondations de l’Etat providence. Certes on peut espérer que les grands défis à affronter aujourd’hui puissent provoquer un électro choc dans les consciences collectives et individuelles, mais le chemin semble encore très escarpé, c’est un euphémisme.



Un dialogue de grande qualité entre deux grands esprits, qui met le doigt là où cela fait mal mais qui ne répond pas à la question « que faire ?»

Commenter  J’apprécie          80
Que faire ?

Un débat vif entre deux penseurs sur l'actualité.

Alain Badiou, qui, inspiré par Marx, Mao et Sartre, partage avec Slavoj Žižek et Antonio Negri des critiques sans concession sur le capitalisme. Marcel Gauchet, réformiste humaniste, espère que la démocratie permettra de limiter les excès du capitalisme.

‘Que faire?', un titre qui s'inspire de Lénine en 1902 et son appel à la Révolution à venir en 1917.

Mais l'échec de l'Union soviétique, entité plus étatiste que communiste, puis les revirements de la Révolution Chinoise, disqualifient-ils ‘l'hypothèse communiste' à jamais ? Des positions opposées ici, mais un débat de haut niveau à découvrir.

Vient ensuite une conclusion surprenante et positive autour d'une alliance tactique qui proposerait ‘la démocratie sociale sinon…. l'hypothèse communiste….'

Le Grand capital doit en trembler.

On évoque les totalitarismes sans un mot sur Hannah Arendt, peu ou rien sur l'Union européenne et son vaste espace de droit, sur les grands enjeux modernes tels l'environnement, le développement durable, le poudrier du Moyen- Orient ou l'avenir de l'Afrique.

Le spectre qui ‘hantait l'Europe' en 1848, peut-il et doit-il renaître à notre époque et sous quel avatar? Au lecteur de juger, seule l'histoire nous le dira.
Commenter  J’apprécie          80
Le désenchantement du monde

A ma première lecture de cet essai lors sa parution en 1985, l’abstraction du sujet et la complexité de la langue m’avaient contraint à l’abandon assez rapidement . Je prends donc la lecture achevée ce jour comme une preuve de maturation intellectuelle ( c’est flatteur) ,de patience acquise et surtout comme résultat du temps libéré par la retraite . Le projet de l’auteur (« une histoire politique de la religion ») m’apparaît plus clairement même si je ne prétends pas en avoir saisi la totalité et j’en saisis mieux l’aspect original , une bonne partie étant tout à fait contre-intuitive. J’en retiens des analyses intéressantes sur notre époque ( même si je ne les partage pas toutes) . Si vous aimez les vues « aériennes » de l’histoire humaine et ne craignez pas d’affronter un langage un peu jargonnant par volonté de rigueur , ce livre vaut d’être lu.
Commenter  J’apprécie          70
Macron, les leçons d'un échec

« Macron, les leçons d'un échec. » poursuit un premier ouvrage « Comprendre le malheur français ». Sous forme d’échanges avec Eric Conan (journaliste à l’hebdomadaire Marianne) et François Azouvi (philosophe et historien), Marcel Gauchet présente son analyse du quinquennat d’Emmanuel Macron. Paru en 2021, il est à resituer en un temps où le mandat du président se termine. La lecture demande donc à s’abstraire de la campagne 2022. L’intitulé éclaire d’emblée le propos : Marcel Gauchet analyse l’échec et en propose les causes, les effets... Il souligne l’ambiguïté de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 ; la vie politique traditionnelle explose alors que le président élu représente un groupe social dominant. Pour l’auteur, les contradictions entre les discours (sur l’Union Européenne, sur la place de la France …) et leur accueil dans le concert européen et mondial fondent les déceptions au terme du mandat présidentiel. Déceptions sur les bilans écologique, éducatif, social…Les crises des Gilets Jaunes, de l’épidémie éclairent le décrochement de la France et exacerbent les ressentiments. Marcel Gauchet a un regard aigu sur le fonctionnement de la société. Il approfondit et nuance les propos de ses interlocuteurs. Certes, ses positions eurosceptiques voire europhobes demandent un recul (éventuel…) à la lecture. Mais le propre d’un tel livre est de susciter une réflexion sur une période troublée. Le lecteur exerce son esprit critique…..
Commenter  J’apprécie          44
Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Gauchet/Robespierre. Pour certains, cela a du être vécu comme un blasphème et énervé les thuriféraires de l'homme de 1793. Soyons clair, j'ai une franche animosité pour le personnage et j'ai du mal à comprendre la passion qu'il engendre. Il n'empêche que sa personnalité reste un mystère. Gauchet nous propose une grille de lecture.

J'ai toujours appliqué à chaque homme politique celle de Freud dans Président Wilson. "Robespierre aimait la compagnie des femmes mais pas le commerce avec". Il est clair qu'il a orienté toute sa libido sur la politique, qu'il n'a trouvé d'épanouissement qu'avec le pouvoir. Le verbe dans lequel il excellait a été son organe.

Mais il y a un aspect qui m'avait échappé Cela m'a paru évident avec Gauchet, c'est la dérive Christique. Robespierre aurait fort bien pu déjouer le complot dirigé contre lui. Il se sacrifie et donne son corps pour que la Révolution lui survive.

Et Napoléon vint.

Commenter  J’apprécie          40
L'avènement de la démocratie, tome 4 : Le nouve..

une synthèse cohérente et argumentée du monde contemporain (économie, psychologie, société...).

Unique

Le style est un peu lourd mais peu importe, le fond réserve des découvertes à chaque page. Marcel Gauchet dévoile les mécanismes profonds à l'oeuvre dans notre monde.



Fatiguant à force d'intelligence (de ce fait je le lis à petites doses quotidiennes, avec un coup de crayon au minimum à chaque page, signe pour moi de "mais oui mais comme c'est vrai")

Commenter  J’apprécie          40
Pour une philosophie politique de l'éducation

Un ouvrage particulièrement riche, qui éclaire les enjeux de politique publique en ce début de 21ème siècle. Un livre qui met les Politiques face à leur responsabilités : qu'attendent-ils de l’École ? Qu'attend-on de cette institution républicaine qui ne saurait être le remède exclusif à tous les maux de la Démocratie ? Un essai également comme un vrai plaidoyer en faveur de l’École et de ses enseignants. Mais il n'est pas que ça, loin de là : c'est une très juste réflexion de société, tellement d'actualité. C'est une vraie satisfaction de renouer avec les essais par ce titre.



Un billet complet sur mon blog...
Lien : http://itzamna-librairie.blo..
Commenter  J’apprécie          41
Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Avec « Robespierre : L'homme qui nous divise le plus », Marcel Gauchet reprend le débat sur la responsabilité de l’Incorruptible dans la Terreur de 1793-1794. Depuis plus de deux siècles , la période a opposé de nombreux historiens, politiques … et ouvert des points de vue irréconciliables. Ici, point de biographie . La trame chronologique sert de marqueur sur le chemin d’une pensée convertie en actions tragiques.

A partir des discours, textes …de Robespierre, l’auteur suit la mutation du défenseur de la Déclaration des Droits qui, entré au Comité de Salut Public, se veut le gardien inconditionnel des droits de la Nation. Au nom de la Vertu, il soupçonne des complots au sein de tous les rouages de la République. Sans pouvoir réel sur les organes du pouvoir exécutif, il n’est pas le tyran présenté par ses adversaires. Ses armes sont la parole et les mots, dans un style aujourd’hui disparu. Marcel Gauchet insiste sur ce « mimétisme » entre l’homme Robespierre et la Nation, investi d’une mission d’intérêt général, il impose des lois liberticides au nom de la Vertu et de la Liberté . Cette contradiction sera au cœur des débats et des révolutions des XIX et XXème siècles.

Marcel Gauchet a déjà écrit plusieurs ouvrages sur la notion de démocratie, les problèmes et les difficultés à appliquer ses principes. Le style suit son raisonnement, il nécessite (parfois) une relecture… « Robespierre : L'homme qui nous divise le plus » est un livre utile dans une période où le collectif et l’individuel retrouvent le champ des débats.

Commenter  J’apprécie          30
Robespierre : L'homme qui nous divise le plus

Je viens d'écouter sur France Inter la rediffusion d'une émission de "La Marche de l'histoire" consacrée au livre de Marcel Gachet sur Robespierre: "Robespierre, l'homme qui nous divise le plus". Les propos de l'auteur font écho à la lecture du livre, que j'ai achevée il y a un peu plus d'un an, je le ressort de mes rayonnages pour vous en dire quelques mots:

Notre histoire politique fait de Robespierre le parangon de la terreur et s'arrête majoritairement à ce constat. Ses partisans, quant à eux, peinent à se défendre d'un procès en "autoritarisme".

La force du livre de Gauchet c'est qu'il reste à l'écart de ces divisions et se place d'emblée au plus près des textes, pour faire parler ce personnage singulier que fut Robespierre. Il réussit ainsi à nous faire le portrait d'un homme complexe, victime en fait des contradictions de son époque:

Ce conventionnel qui commence sa vie politique sur les bancs des Etats Généraux, est profondément pétri des idées des lumières et parmi celles ci , c'est la Liberté qui retient son attention, cette liberté qu'incarne le peuple souverain face à un roi dont il faut réduire le pouvoir.

Il n'est pas révolutionnaire dans ses propos, pas d'égalitarisme, des réticences à taxer les marchandises, de la méfiance vis à vis des sans culottes,

Mais face à l'Europe monarchique armée contre la Révolution, il a le souci de tout mettre en oeuvre pour que la Révolution gagne. La centralisation du pouvoir pour y arriver devient un enjeu. Le Robespierre du Comité de Salut Public ne ressemble plus à celui des Etats Généraux, médiocre orateur, détestant l'ambition politique, il va prôner une vertu révolutionnaire, et légitimer pour y parvenir, des moyens extrêmes , mais ce n'est pas un projet politique, c'est plutôt une "dérive" dicté par les circonstances et dont il n'est pas, de loin, le seul partisan.

Un livre intéressant, qui donne à penser aux valeurs dont la vie politique se réclame, en posant une question centrale: quels en sont les acteurs? où le peuple se situe t-il?
Commenter  J’apprécie          30
Le désenchantement du monde

Bien que philosophe de formation, puis enseignant un certain temps, j'ai trouvé ce livre aride, ardu et très souvent abscons, planant à haute altitude dans le ciel pur des idées.Elles s'y réfrigèrent et s'y dessèchent. "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement"; ce n'est pas le cas ici...Sans doute une concession à la mode intello jargonnante de l'époque permettant de se distinguer à peu de frais du "vulgum pecus"! A vrai dire, et sur le fond, je n' ai pas retenu grand chose de ce livre qui demande beaucoup d'effort pour peu de résultats.Une enquête sociologique ou historique documentée nous en dirait beaucoup plus, je pense. Beaucoup de théorisation dans l'abstraction la plus éthérée. Quasiment pas d'illustrations ni d'exemples pour appuyer sa thèse; une théorie des relations entre politique et religion dont on ne comprend pas vraiment la base concrète. Il faut souvent s'y reprendre à 3 ou 4 fois pour saisir un paragraphe. Et quand on l'a enfin saisi, on se dit: "Ah bon!..c'est tout..." On aimerait savoir ce qui, dans le réel, étaye sa théorie.On a envie de dire; des preuves!! Rien n'est contestable, puisque rien n'est prouvé... Donc c'est un livre incontestable! Formidable... Ma déception provient sans doute aussi du fait que j'ai lu ce livre -réputé- en 2018, alors qu'il a été écrit en 1985, dans un autre contexte (même s'il a servi de base à toute la réflexion ultérieure de Marcel Gauchet sur politique et démocratie.) Je peux me tromper, mais on n'y trouve pas à mon point de vue, la réflexion stimulante qu'on pourrait attendre aujourd'hui pour réfléchir sur la place du religieux à notre époque. Ça ne m'incite pas à lire sa production ultérieure sur la démocratie! En même temps, c'est un peu le défaut des "philosophes" de tourner en circuit fermé.! A mon avis, c'est le type de livre pour lequel un bon résumé devrait suffire.(Quelque-uns s'y sont essayé ici, je vois. Je les remercie.Pour moi, c'est au-dessus de mes forces...) Je retourne à mon Régis Debray.
Commenter  J’apprécie          30
Comprendre le malheur français

Un de ces livres qui vous rend intelligent. Lumineux dans la grisâtre des prêches de la clique des journaleux bien pensants bobo-gaucho qui passent leur temps à pérorer dans les médias.
Commenter  J’apprécie          30
Mai 68, Le débat

Pour le 40eme anniversaire de Mai 68, la revue le Débat a rassemblé dans cet ouvrage quelques discussions entre "soixante-huitards" précédemment publiées par la revue avec une grande diversité de point de vue sur cette révolte étudiante et son impact sur la société française, notamment.
Commenter  J’apprécie          30
Que faire ?

Le titre renvoie bien sûr à Lénine, mais, pour moi, dans la mesure où il touche à une grande quantité de sujets allant de l'éducation au politique, il est plus proche de l'essai Que Faire? de Tchernishevsky...qui a téerminé le titre de l'essai de Lénine.
Commenter  J’apprécie          30




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Marcel Gauchet (352)Voir plus

Quiz Voir plus

Le roi Arthur ( Michael Morpurgo)

Qui sont Morgane et margawase ?

Les femmes de Merlin
Les demis sœurs d’arthur
Les filles de dame Nemue
Les sœurs de Gauvain

2 questions
83 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}