Il est compréhensible que les limites de la résistance humaine sont rapidement atteintes.
On se trouve devant une seule alternative, soit : les aveux ; la séance est close et on rejette l’homme au fond de sa cellule. Dans quelques heures il n’y paraîtra plus, car cette opération a le mérite de ne laisser aucune trace. On n’aime guère, en ces lieux, laisser deviner de tels procédés. Le commun mortel, lecteur assidu des rubriques de faits divers, sait bien que, d’eux-mêmes, tous les prévenus passent rapidement aux aveux. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on les appelle « aveux spontanés ». Il reste seulement à se mettre d’accord sur le sens des termes.
Quand ça sent le sous-off’… il vaut mieux rengorger sa haine. La vengeance, plus tard, sera meilleure. Je pense qu’ainsi, la rubrique des faits divers ne manquera pas d’éléments de qualité.
C’est le déshonneur qui s’abat sur toute ma famille. Mon père va mourir de honte. Dans notre province – la ville du crime – il était estimé de tous. C’est comme l’écroulement d’un bel édifice, toute cette honte qui tombe par ma faute ; la faute du fils qui a mal tourné.
Il est facile d’entrevoir ainsi les choses, lorsqu’on a l’esprit dégagé de toute contrainte ; mais, comment échanger des idées générales sur la politique ou l’instabilité de la monnaie, lorsqu’on a les mains jointes comme pour une prière, par l’artifice des menottes ?
On ne peut pas détourner la tête devant la main qui se tend.
C’est une torture digne des plus odieuses trouvailles de la Gestapo. Elle pourrait être inspirée des pratiques d’autrefois. Sa simplicité n’a d’égale que sa férocité. L’être soumis à cette « question », s’il n’est de fer, ne peut qu’avouer, coupable ou non.
Chacun se noie dans sa solitude. Rien n’est plus favorable à la rêverie qu’une cellule chargée d’hommes avachis.
Il vaut mieux s’en tenir aux subtilités du vocabulaire. Tant qu’on se bat avec des mots, il n’y a d’ecchymoses que pour la dignité et, dans une cellule où de chaque mur sourd l’offense, bien sot est celui qui en est chargé.
Quand on se mêle de parlementer, la colère tombe et les coups ne partent plus. C’est le pas nécessaire à l’apaisement.
La vie m’emporte. Tout se déroule comme au théâtre, une scène bien montée. La vie ! Ce grand guignol des pauvres mecs.