Marcel Lourel

Dans tous les cas, la question que je me pose est double, d’apparence simple, mais ô combien complexe.
Elle est présentée ci-après :
« Comment puis-je avoir la moindre idée de ce qu’il y a après cette vie-là (Omega), alors que j’ignore tout de ce qu’il y avait avant elle (Alpha) ? »
Dans cet ordre d’idées, je sens de tout mon être que la recherche et la foi se tressent intimement pour atteindre un seul et unique objectif qui est la quête de la Vérité.
Elle se projette dans toutes les directions de l’espace telle une ligne de fuite, et sa source n’a pas de point d’origine puisqu’elle est le fruit de la nature elle-même.
Une quête inachevée.
À mon niveau, j’ai recherché le sens accordé à cette vie, ma vie, leurs contours, et ai tenté de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Le doute a envahi ma pensée de sorte que mes sens sont aujourd’hui bouleversés.
Conscient de mes limites, j’avance en droite ligne sur le sentier de l’existence dont j’ignore l’origine et ne comprends pas toujours les vicissitudes.

J’ai déniché cette œuvre sous un monticule de titres poussiéreux, logé au fond d’un placard.
Le mot « découvert » me semble fondamental. Ce n’est pas rien dans la bouche d’un petit con d’adolescent bagarreur, violent, Redskins au crâne rasé, d’extrême gauche limite anarchiste, cancre indiscipliné et tête brûlée que j’étais.
Ma mère vous le dira !
À l’issue d’une lecture approfondie de cet ouvrage, j’ai vraiment su ce que je voulais faire de ma vie.
Décision est prise, je ferai de la psychologie à la fac. C’est sans compter les conseillers d’orientation psychologues qui, parmi d’autres, nous rabâchaient les oreilles avec leurs discours « déclinologues » (un néologisme) sur notre incapacité à nous tirer de l’impasse.
De sorte qu’ils nous martelaient à quel point nous sommes bons à rien, inaptes pour le système scolaire, pour ne pas dire la vie en général.
Or, la fureur fournit des armes.

J’étais un innocent. Hélas, mon cœur d’enfant a été défloré trop tôt, contre mon gré.
Depuis lors, le pardon a été accordé à ces grands enfants, ensuite seulement les grilles sont tombées. Maintenant, je suis réconcilié avec le douloureux épisode.
De cette façon, la page est tournée, mais il n’en demeure pas moins que l’enfant blessé est aujourd’hui à l’abri, en plein dans mon cœur.
Même si je ne porte plus le collier de la servitude autour du cou, j’en conserve les traces dans la chair. Maintenant, mon dos est droit.
À présent, vous comprendrez que j’ai l’âme chevillée au corps, car j’appartiens à la famille de ceux qui marchent debout.

Aveugle et sourd, je poursuivis ma quête de connaissances qui, in fine, ne m’a pas conduit aussi loin que je l’espérais.
Commettant erreur sur errance, buvant à la coupe de l’orgueil, j’ai été de ceux qui creusent leur tombe avec les dents. Pire, avec acharrnement.
Jusqu’au jour où je compris qu’il n’y avait rien à comprendre.
C’est seulement maintenant que je conçois que la somme des savoirs ne vaut pas un instant passé avec l’être aimé.
(...)
Dans une certaine mesure, on peut dire imaginer que mon abnégation au travail a émietté ma vie personnelle, mon foyer et a probablement contribué en filigrane à éloigner mes enfants.

Voilà l’ossature de ma pensée au quotidien. Elle consiste à aimer, apprendre à aimer et rien d’autre.
En dépit des difficultés, tu peux démarrer avec un CAP et finir avec un doctorat et bien plus encore, à condition d’accepter de prendre des coups, également de les rendre. C’est pourquoi, je souhaite partager avec toi, jeunesse, une synthèse de mon parcours professionnel, afin de dire – avec force et détermination – qu’il n’y a rien d’impossible. Assurément, jeunesse mon amour, gamins de la rue, nous en viendrons à bout de tous ces empêcheurs de tourner en rond.

Ajoutons à cela que l’on me questionne sans arrêt : « T’es originaire d’où ? Tu es né là-bas ? Tu y retournes souvent et bla-bla-bla... »
Plus d’une fois, j’ai dû manier l’ironie.
Une image d’Épinal.
Comme si tous les noirs étaient nés, une banane coincée entre les dents, dans une case au milieu de la savane. Il ne manquait guère qu’un os suspendu aux narines en guise de piercing pour que je sois habillé pour l’été.
Ben voilà c’est raté ! Pas de bol puisque je suis né au cœur de la Beauce. Mieux, l’un de mes lointains aïeux est Breton ! Et j’en passe.

Dans cet ordre d’idées, on peut affirmer sans trop se tromper que le racisme, la xénophobie, l’homophobie ou l’antisémitisme comptent parmi les plus grands fléaux de l’humanité.
Bien sûr, nous sommes tous d’accord pour critiquer la pensée unique. Et pourtant, de la même façon que d’autres, j’ai vécu le racisme ordinaire.
Dès l’enfance, et ce, jusqu’à maintenant. Je croyais toutefois en être définitivement débarrassé.
À tort.
Je n’ose à peine imaginer ceux que nos aïeux ont dû éprouver en subissant de telles humiliations.

Après tout, quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, j’estime, à tort ou à raison, que la valeur d’un homme ou d’une femme se mesure au prestige ou au nombre de ses ennemies.
Et puis je pense que les convictions (ou les quolibets) sont l’apanage de ceux qui ne s’engagent.
Alors, je laisse les gens parler.
Au moins, cela leur change, pour certains d’entre eux, des conversations sur le sexe des anges pendant que la citadelle est assiégée.

Plus j’écris, plus j’oublie des détails. En définitive, vivre c’est avant tout apprendre à oublier.
Une évidence parmi d’autres, j’aime cette vie, ma vie, même si je me prépare, depuis le départ, à l’abandonner.
Si c’était à refaire, je n’y changerais rien. À quoi bon ? C’est quand même bien fait le métier de vivre.

On m’aime ou l'on m’exècre. Pour ce dernier vocable, je n’en ai cure. Pour le reste, je fais de mon mieux, malgré le fait que les résultats ne soient pas toujours à la hauteur.
Je me contente d’être ici et maintenant, à tous les temps et à tous les modes. N’en déplaise à mes détracteurs.