Le 1.10.2022, Nassima Taleb présentait dans "Un livre un jour" (Radio Zinzine) l'ouvrage de Marcel Mauss et Henri Hubert Essai sur la nature et la fonction du sacrifice.
l'avare a toujours peur des cadeaux.
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Voilà donc ce que l'on trouverait au bout de ces recherches. Les sociétés ont progressé dans la mesure où elles-mêmes, leurs sous-groupes et enfin leurs individus, ont su stabiliser leur rapports, donner, recevoir, et enfin, rendre. Pour commencer, il fallut d'abord savoir poser les lances. C'est alors qu'on a réussi à échanger les biens et les personnes, non plus seulement de clans à clans, mais de tribus à tribus et de nations à nations et - surtout - d'individus à individus. C'est seulement ensuite que les gens ont su se créer, se satisfaire mutuellement des intérêts, et enfin, les défendre sans avoir à recourir aux armes. C'est ainsi que le clan, la tribu, les peuples ont su - et c'est ainsi que demain, dans notre monde dit civilisé, les classes et les nations et aussi les individus, doivent savoir - s'opposer sans se massacrer et se donner sans se sacrifier les uns aux autres. C'est là un des secrets permanents de leur sagesse et de leur solidarité.
« Quand une science naturelle fait des progrès, elle ne les fait jamais que dans le sens du concret, et toujours dans le sens de l’inconnu. Or l’inconnu se trouve aux frontières des sciences, là où les professeurs « se mangent entre eux », comme dit Goethe [...]. C'est généralement dans ces domaines mal partagés que gisent les problèmes urgents » ("Les techniques du corps", p. 365)
Une partie considérable de notre morale et de notre vie elle-même stationne toujours dans cette même atmosphère du don, de l’obligation et de la liberté mêlés. Heureusement, tout n’est pas encore classés exclusivement en termes d’achat et de vente. Les choses ont encore une valeur de sentiment en plus de leur valeur vénale, si tant est qu’il y ait des valeurs qui soient seulement de ce genre. Nous n’avons pas qu’une morale de marchands. Il nous reste des gens et des classes qui ont encore les moeurs d’autrefois et nous nous y plions presque tous, au moins à certaines époques de l’année ou à certaines occasions.
Et pourtant le droit de propriété "in abstracto" n'existe pas. Ce qui existe, c'est le droit de propriété tel qu'il est ou était organisé, dans la France contemporaine ou dans la Rome antique, avec la multitude des principes qui le déterminent.
"p. 57 : les trois lois dominantes de la magie :"Ce sont les lois de contiguïté, de similarité, de contraste : les choses en contact sont ou restent unies, le semblable produit le semblable, le contraire agit sur le contraire."
La vie privée se passe ainsi :
on invite les gens de son clan, quand on a tué un phoque, quand on ouvre une caisse de baies ou de racines conservées ;
on invite tout le monde quand échoue une baleine.
Ce qu'ils échangent n'est pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles économiquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des foires, dont le marché n'est qu'un des moments, et où la circulation des richesses n'est qu'un des termes du contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent.
Si le don est sujet d'émulation, et s'il est motif d'opposition, il est aussi moyen d'association. Il exalte les vanités, mais cimente les amitiés. Donner et rendre engage les intérêts ; mais c'est aussi lier les volontés.
Ce sont justement les Romains et les Grecs qui, peut-être à la suite des Sémites du Nord et de l'Ouest, ont inventé la distinction des droits personnels et des droits réels, séparé la vente du don et de l'échange, isolé l'obligation morale, et surtout conçu la différence qu'il y a entre des rites, des droits et des intérêts.