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Critiques de Marceline Loridan-Ivens (297)
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Et tu n'es pas revenu

Ils ont été déportés ensemble dans les camps de la mort en avril 1944. Elle, Marceline, 15 ans, à Birkenau. Lui, Schloïme, son père, à Auschwitz. Seulement 3 kilomètres les séparaient. 3 kilomètres de barbelés, de champs, de blocs, de crématoires. Comme il le lui avait prédit lorsqu'ils étaient encore à Drancy, elle en reviendra seule.



Rare survivante, elle écrit aujourd'hui une lettre ouverte à son père, écrite à quatre mains avec la romancière Judith Perrignon. Une longue lettre pour celui qui n'est pas revenu.

Elle raconte, tout en émotion, les quelques mois passés là-bas. Elle se rappelle cette missive reçue un dimanche par un électricien. Quelques mots de son père dont, aujourd'hui, elle a oublié le contenu. Elle suppose aujourd'hui qu'il a dû lui supplier de survivre et de tenir bon, que certainement la fin de la guerre approchait et leur libération avec. Elle se rappelle les tentatives pour essayer, ne serait-ce que de l'apercevoir. Les coups reçus lors de cette étreinte ô combien précieuse et à jamais gravée. Mais aussi les chambres à gaz, les tranchées creusées pour enterrer les corps, le vol des dépouilles, la promiscuité, les maigres rations et la faim qui tenaille... et le retour en France dans sa famille. Sa mère n'était pas là pour l'accueillir sur le quai de la gare, seuls son oncle et son petit frère, Michel, étaient présents. Michel, déçu, qui cherchait des yeux, en vain, celui qui n'est pas revenu avec elle.

Puis, elle raconte l'après. La culpabilité de ceux qui en sont sortis vivants, les suicides de ceux qui, sans avoir été déportés, ne s'en remettent pas, les cauchemars, les souvenirs inracontables et la vie qui va cahin-caha.



Marceline Loridan-Ivens nous livre un témoignage émouvant d'une rare intensité et montre une fois de plus combien tout n'a pas encore été dit sur cette période tragique. L'on plonge presque en apnée dans ce récit à la fois personnel et universel et les mots résonnent encore le livre refermé. Un témoignage en toute sincérité porté par une écriture franche et touchante. Une belle déclaration d'amour à son père parti trop tôt.
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L'amour après

Marcelline Loridan-Ivens, de son nom de jeune fille Rozenberg, est née le 19 mars 1928 et elle est morte le 18 septembre 2018. Elle est déportée à Auschwitz-Birkenau à l’âge de quinze ans.

À son retour des camps, elle se jette dans l’existence, le cinéma et les amours, à corps perdu. Elle se cherche follement. Ce qu’elle veut, c’est ne plus subir, jamais.

De cette expérience, ô combien traumatisante, elle a réussi à se relever à travers les mots et les images. Ses premiers amours, elle les cherche d’abord parmi les autres survivants. Si, très vite, elle a des amants, c’est aussi pour s’émanciper de sa mère qui veut absolument la marier. Mais comment aimer, s’abandonner, jouir au retour des camps ?

Qu’est-ce que le désir quand on revient de si loin ? Pour elle, la nudité reste associée au regard humiliant des nazis. Elle a dû accomplir un long chemin pour renaître à l’amour. Elle écrit la difficulté à trouver ce lâcher-prise et l’abandon. Pour le raconter, avec la complicité de Judith Perrignon, journaliste et écrivaine, elle va s’aider de « sa valise d’amour ».

Elle a retrouvé cette valise dans laquelle sont conservées les lettres, les petits mots échangés avec les hommes de sa vie. Elle nous offre d’ailleurs quelques passages de sa correspondance, notamment avec Georges Perec qu’elle ne pouvait aimer, celui-ci l’attirant inexorablement vers son passé.

De ces hommes qui ont traversé sa vie, elle en épousera deux. Le premier se nomme Francis Loridan mais c’est le second, Joris Ivens, qui sera le grand amour et avec qui elle coréalise une série de documentaires dans les années 1970.

Cette femme d’acier qui avait une énorme soif de culture, grâce à une force de vie incroyable a dû accomplir un long chemin pour renaître à l’amour après avoir vécu l’inacceptable. L’amour après nous parle de son inlassable quête de l’amour, de son apaisement impossible et de sa soif d’aimer.

Cette femme exceptionnelle et insoumise se livre sans fard et nous offre une véritable ode à l’amour et à la liberté. Tout au long de son livre, elle prône la liberté, la liberté de l’esprit.

Ce livre éblouissant, écrit par l’un des derniers passeurs de mémoire, est un livre intime, puissant, bouleversant, un roman vrai sur le corps, la féminité, la sexualité, qui parle essentiellement d’amour.

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Et tu n'es pas revenu

"Toi, tu reviendras peut- être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas",lui a dit un jour son père , alors qu'à Drancy, début 1944, ils attendaient par centaines, par milliers,comme d'autres Français juifs, le convoi qui allait les emmener vers l'est. Salomon ( de son prénom Shloïme en yiddish ) Rosenfeld et sa fille Marcelline, 16 ans, étaient déportés en Pologne, lui, à Auschwitz, elle à Birkenau......

Il ne s'est pas trompé, il n'est jamais revenu...." Je t'imagine silhouette d'une cohorte d'hommes décharnés et chancelants poussés à bout par des SS. Auchwitz.Mauthausen.Puis Gros- Rosen, Quel chemin tu as parcouru !".......lui écrit sa fille , 70 ans plus tard, une lettre ouverte... une lettre d'amour....pour ce père adoré, écrite à quatre mains avec la journaliste Judith Perrignon.

Elle raconte sobrement sa propre captivité, la maladie, les coups, les interminables attentes à moitié nue, le froid, la faim, la dégradation du corps, la promiscuité mais aussi le hasard ou la chance pour certains , parfois...son retour en France, sa vie d'après .....un récit trés personnel, poignant, fort, digne,douloureux, sans espoir, un constat laconique, sans illusion.....Elle jette un regard en arrière,intelligent , cruel, sur la destruction de sa famille, un regard de "Survivante" sur son voyage au cœur de l'enfer, et surtout sur sa reconstruction lente, longue, difficile, intense, dérisoire,une impossibilité absolue de communiquer et de transmettre aux autres......." J'aurais aimé te donner de bonnes nouvelles, te dire qu'après avoir basculé dans l'horreur, attendu vainement ton retour, nous nous sommes rétablis."

"Mais je ne peux pas. Sache que notre famille n'y a pas survécu . Elle s'est disloquée. Tu avais fait des rêves trop grands pour nous tous, nous n'avons pas été à la hauteur ."

Un texte qui noue la gorge, qui touche au cœur , (après pourtant tant de livres lus sur ce sujet Charlotte Delbo et bien d'autres).....une femme fragile vue à la grande librairie.....une femme inconsolée....les yeux secs ......un texte de toute beauté, cruel qui devrait être lu par tous et toutes,.....untémoignage sublime,édifiant,sur la nature humaine, le devenir et le destin......il est trés délicat d'écrire une chronique à propos d'un tel récit! Je ne suis pas certaine d'avoir réussi à convaincre les lecteurs! J'ai hésité avant de le faire .....
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Et tu n'es pas revenu

Le 29 février 1944, Marceline Loridan-Ivens est arrêtée avec son père dans leur propriété du Vaucluse. Elle n'a que quinze ans et elle va être déportée à Birkenau et son père à Auschwitz. Des années plus tard, elle adresse une lettre à celui qui n'est pas revenu des camps.



Ce père qu'elle va chercher toute sa vie, à qui elle raconte son retour parmi les siens. Sa famille brisée par son absence. Son envie de mourir par deux fois après l'innommable, la barbarie, la mort dans les camps. La solidarité aussi avec Ginette, Dora, Simone... celles qui sont devenues ses amies pour toujours.



Marceline n'a jamais renoncé à vivre, même lorsqu'elle était au plus près du gouffre. Une envie de vivre qui ne l'a presque pas quittée dans une vie bien remplie, mais sans enfant. Elle n'en voulait pas. Elle disait ne rien avoir à leur transmettre, qu'elle n'était pas sûre que la barbarie ne recommence pas un jour...



Marceline a survécu à l'enfer et a tout osé. Marceline si sauvage, si petite et pourtant immense qui nous enseigne une autre façon d'être au monde. Sans peur et sans concessions inutiles. L'esprit ouvert, l'âme et le cœur libérés. Et c'est formidable.



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Et tu n'es pas revenu

Âgée de quatre-vingt-dix ans, Marceline Loridan-Ivens s'en est allée cette semaine. Sa compagne de tous les jours l'année de ses seize ans, lui aura finalement octroyé un sursis de… 74 ans. La grande faucheuse a parfois, et c'est heureux, d'étonnants ratés !



D'avril 1944 à mai 1945, Marceline a connu plusieurs univers concentrationnaires : d'abord l'immense camp d'extermination de Birkenau en Pologne (situé à 3 kilomètres d'Auschwitz), puis les camps de concentration de Bergen-Belsen et de Raguhn en Allemagne, et enfin le camp-ghetto de Terezin près de Prague libéré par l'armée soviétique le 9 mai 1945.

Seulement 3% des 76 500 juifs de France déportés de Drancy à Auschwitz-Birkenau, sont revenus de l'enfer nazi. Seuls les plus vigoureux, ceux dans la force de l'âge, avaient une chance infime de sauver leur peau.

Dans le wagon plombé qui les emmenait vers le grand Est, la jeune Marceline entend son père lui dire qu'elle rentrera peut-être un jour de cet effroyable voyage mais que lui, en raison de son âge, ne reviendra pas. Prémonition, lucidité, réalisme : Szlama Rozenberg a survécu 9 mois à Auschwitz et serait probablement mort en février 1945 à Gross-Rosen, un camp situé au nord de la Pologne.



“Et tu n'es pas revenu”, rédigé sous forme de lettre, est un témoignage bouleversant de Marceline à feu son père. Ce père à la prophétie funeste dont la présence aurait été si précieuse pour l'aider à se reconstruire dans les années d'après-guerre.

Ce récit, rédigé avec la journaliste Judith Perrignon, est d'un format court ; les deux femmes avaient probablement à coeur d'éviter au maximum tout pathos. Le pari est gagné. Si le quotidien dans les camps est d'une épouvantable brutalité, les années de l'immédiat après-guerre où l'opinion publique se désintéresse du sort des déportés sont évoquées avec justesse ainsi que le parcours de vie de Marceline qui va à l'essentiel. Ce livre-témoignage traitant de l'horreur absolue est conçu avec intelligence et se lit donc d'une traite.

En seconde partie du livre, un dossier d'une trentaine de pages rédigé par Annette Wieviorka vient apporter un éclairage précis sur la Shoah. Prenant appui sur la lettre de Marceline à son père, l'historienne explique à grand renfort de dates et de chiffres les conséquences de la “Solution finale” mise au point par les dignitaires nazis le 20 janvier 1942. Elle s'interroge aussi sur le devoir de mémoire qui, avec la disparition des derniers survivants des camps de la mort, risque malheureusement de s'étioler dans le temps.



"Auschwitz-Birkenau. Camp De concentration et d'extermination allemand nazi (1940-1945)" (appellation de l'UNESCO) est aujourd'hui un musée du souvenir. Je l'ai visité il y a peu de jours. Alors que notre petit groupe s'arrêtait devant une potence, le guide polonais, un ancien professeur de français de Cracovie aujourd'hui à la retraite, nous raconta alors le fait profondément choquant qui s'est déroulé devant ses yeux quelques semaines auparavant :

“Un groupe d'hommes au crâne rasé, billet d'entrée en poche, est venu déposé une gerbe de fleurs au pied de la potence où fut pendu Rudolph Höss le 16 avril 1947, avant de sortir précipitamment du camp.

Höss était le commandant d'Auschwitz de 1940 à 1943, celui-là même qui s'attacha avec zèle à rationaliser au maximum l'industrialisation de la mort au sein de ce vaste complexe de 170 hectares.''



Vous aviez raison Marceline de toujours vous méfier de la bête immonde qui aujourd'hui encore se manifeste où elle peut et jusqu'à votre dernier souffle vous êtes restée sur le qui-vive sachant depuis l'enfance que “l'antisémitisme est une donnée fixe, qui vient par vague avec les tempêtes du monde, les mots, les monstres et les moyens de chaque époque”.



Puisse votre parcours de vie et ce livre-testament empreints de dignité pousser les jeunes générations à ne jamais oublier l'origine des périodes les plus sombres de notre Histoire !

Votre père aurait été fier de vous Marceline, de votre courage exemplaire.



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L'amour après

Retrouver Marceline Loridan-Ivens, toujours avec la complicité de l'excellente Judith Perrignon, est l'assurance de passer un moment très émouvant et plein d'enseignements sur ce qu'a vécu cette femme au retour des camps de concentration. Comment parler de l'innommable, de l'incroyable, de cette industrie de la mort de nos semblables, pensée, mise au point et réalisée par l'Allemagne nazie, au siècle dernier ?



Dans Et tu n'es pas revenu, elle s'attachait à parler de son père et voilà que dans L'amour après, c'est son intimité qu'elle dévoile avec spontanéité et franchise, ses amours, ses joies et surtout ses difficultés à retrouver du plaisir physique alors qu'elle ne peut plus supporter de se déshabiller devant quelqu'un d'autre.

Elle perd presque totalement la vue à Jérusalem, en pleine séance de dédicace. Ce qui lui arrive et le lieu où cela se passe déclenche en elle une cascade de souvenirs. Elle, une fille de Birkenau, regrette son nom, Rozenberg, car elle porte les noms des deux hommes qu'elle a épousés, le second étant son grand amour.

C'est en plongeant dans sa « valise d'amour » qu'elle retrouve quantité de lettres et de mots qu'elle ne peut lire qu'avec l'aide d'un appareil spécial. Elle cherche d'abord l'amour parmi les survivants mais c'est un échec. Comme elle fréquente Saint-Germain-des-Prés, elle rencontre et aime des personnages importants : Edgar Morin, Georges Perec… Elle est la copine de Christine Sèvres qui épouse Jean Ferrat et se lie enfin avec Simone Veil qui avait bien pris soin d'elle à Birkenau. Elle s'implique aussi dans la lutte pour l'indépendance algérienne, fait l'amour mais ne veut pas du mariage puis épouse successivement deux hommes.

Georges Perec était très amoureux d'elle, amour non partagé mais elle nous livre des passages de lettres de l'auteur de la disparition. Plus loin elle confie : « J'en ai voulu à Georges de s'être fait incinérer. Pourquoi as-tu donné ton cadavre aux flammes, comme là-bas ? » Ses confidences, ses réactions, sont spontanées, empreintes d'une extraordinaire franchise qui m'a beaucoup touché.

L'amour après est un livre tellement tendre, avec des confidences les plus intimes d'une femme immensément courageuse dont la vie n'a été que du rab, comme elle le confie à la fin. Savoir qu'on a été dénoncé par de « bons Français », être déportée, côtoyer la mort, l'horreur des camps, c'est inimaginable pour nous qui lisons cela aujourd'hui. Cela a broyé celles et ceux qui en sont revenus et qui disparaissent les uns après les autres aujourd'hui. Il faut lire ce qu'ils écrivent pour qu'ils vivent encore, que leur sacrifice ne soit pas oublié.



Marceline Loridan-Ivens a eu une vie pleine ensuite, beaucoup d'amours, donné toute son énergie à ses passions, surtout pour le cinéma. Elle est morte le 18 septembre 2018 mais lorsque je la voyais répondre aux questions de François Busnel qui l'invitait dans son émission, La Grande Librairie, je ne pouvais m'empêcher de l'admirer, de l'aimer.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Et tu n'es pas revenu

Et tu n'es pas revenu... rien qu'à la lecture du titre, mon coeur se serre, l'émotion m'étreint.

Je sais qu'elle écrit à son père.

Ce père qu'elle aimait tant, son roc, celui qui la comprenait, celui avec lequel elle a été déportée en avril 1944.

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Alors qu'il était détenu à Auschwitz, elle était à Birkenau.

2 kilomètres seulement les séparaient, mais ils ne se sont croisés que deux fois.

Et la première fois leur a coûté cher. Lors de la seconde, ils se sont regardés de loin.

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Ce père bien-aimé lui avait écrit une lettre, qu'un inconnu lui avait remise, mais elle l'a perdue cette lettre et elle en a oublié le contenu.

Elle l'a cherchée pourtant.

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Dans ce récit, Marceline Loridan-Ivens revient sur ses années de captivité, mais raconte aussi l'après Birkenau, et puis l'après, et encore l'après.

Je dirais qu'il complète le livre que j'ai lu auparavant, C'était génial de vivre.

On apprend encore d'autres choses, avec sa plume à elle.

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Marceline ne s'est jamais remise de la disparition de son père, d'abord l'espoir et l'attente, puis la résignation.

Elle n'est pas la seule à regretter ce père. Son petit frère Michel, qui le suivait comme son ombre a longtemps espéré et attendu aussi.

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Mal de vivre et désespoir pour sa soeur aînée et sa mère aussi.

Cette mère distante et froide. À croire qu'elle n'avait pas assez d'amour pour tous ses enfants puisque seuls les garçons en bénéficiaient.

Et puis comme je l'ai dit quand j'ai parlé de C'était génial de vivre, tout ce que Marceline avait vécu était tabou. Interdiction d'en parler, personne ne la croyait.

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Alors elle le dit à son père.

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Je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus sur ce récit poignant et bouleversant qui met les tripes à l'envers.

Peu de pages pour un contenu puissant et inoubliable.

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Et tu n'es pas revenu

Un livre en forme de lettre, en forme de cri. Un livre pour dénoncer les atrocités, les souffrances, l'horreur que certains nazis ont perpétrée lors de la deuxième guerre mondiale.

Le cri d'une jeune fille de quinze ans arrêtée et déportée avec son père qui sait déjà qu'il ne reviendra pas. Un livre pour lui dire tout ce qu'elle n'a pas pu lui dire alors qu'ils n'étaient séparés que de trois kilomètres : c'est la distance entre Auschwitz et Birkenau. Lui, arrivera à faire parvenir un petit mot, quelques lignes ... qu'elle perdra ... qu'elle oubliera ... était-ce réel ?

Une lettre d'amour pour témoigner de l'être qui lui manque depuis tant d'année.

Un livre qui ne sombre pas dans la tristesse mais les moments évoqués sont des moments très forts. Des mots simples puissants et délicats.

Un livre à faire lire à nos ados, pour que l'histoire se transmette et que l'humanité n'oublie jamais.

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C'était génial de vivre

Marceline Loridan-Ivens est morte à 90 ans. 

C’était génial de vivre constitue sans doute son dernier témoignage, livré au documentariste David Teboul et à l’avocate Isabelle Wekstein-Steg.

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Elle raconte son enfance, puis des éclats de sa vie, souvenirs clairs ou tronqués de l’enfer concentrationnaire, elle qui fut déportée à Auschwitz-Birkenau à 15 ans.

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C'était génial de vivre est un bouleversant combat, une injonction à "continuer".

Les mots et les phrases sont jetés là, bruts, francs.

Paroles d'une femme libre. Enfin.

Parce que ce n'est pas parce qu'on est libéré qu'on est libre. Encore faut-il se reconstruire.

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J'ai lu beaucoup de témoignages, je me suis rendue au camp de Struthof, en Alsace, seul camp de concentration ayant existé sur le territoire français.

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Je me suis documentée... je croyais tout savoir ou presque. Quelle prétention.

Chaque fois que je consulte d'autres ouvrages, j'en apprends encore.

Toujours plus horrible.

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Voilà, je ne savais que dire pour transmettre mes émotions, je suis encore à court de mots et j'en suis désolée.

Autant de souffrances, autant de courage face à autant de cruauté... et encore, cruauté est trop faible pour qualifier les atrocités commises.

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Ce livre est très court, je vous invite à le lire.

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Et tu n'es pas revenu

J'avais besoin d'une courte lecture avant le début d'une LC. Celle -ci est petite par le nombre de pages, par le temps que j'ai mis à la lire, mais pas par l'émotion qu'elle a soulevée en moi.



Marceline écrit à son père une longue lettre. Elle est revenue, pas lui. Elle ne s'en remettra jamais. Et elle qui a tout fait pour survivre dans ces camps de la mort, essaiera de se suicider plusieurs fois.



Elle lui parle de la vie dans les camps, de la chance qu'ils ont eu de se croiser à deux reprises. Et c'est un des passages qui m'a le plus émue, quand, encore si jeune, elle retrouve le temps d'un oignon et d'une tomate ce père nourricier et donc son coeur d'enfant.



Elle lui parle aussi de la vie d'après, de son retour difficile, de sa solitude au sein de sa famille, de sa visite beaucoup plus tard à Auschwitz.

Elle lui confie aussi ses craintes sur le retour de l'antisémitisme, sur le pays constamment en guerre que reste Israël, et les évènements récents montrent hélas que ces craintes sont justifiées.



Une lettre comme un cri d'amour qui résonnera longtemps en moi.





Merci a mon amie Nicola qui a attiré mon attention sur ce livre
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L'amour après

Marceline est haute comme trois pommes, elle a toujours sa tignasse rousse qui lui donne un air de petit faune ingénu et insolent, comme dans Chronique d'un été de Jean Rouch et Edgar Morin, où elle demandait à des Parisiens croisés au hasard: "Êtes-vous heureux?'.



Aujourd'hui, Marceline a 89 ans. Et cette fois c'est elle-même qu'elle interroge en fouillant dans sa "valise d'amour" qu'on imagine joyeusement bordélique.



Une valise pleine de lettres d'amour et d'amitié.



Lettres de Loridan son premier mari lointain, de Georges Perec amoureux fou de ce petit bout de femme qui était revenue d'un enfer où sa mère à lui avait disparu, de Jean-Pierre Sergent, d'Edgar Morin, de Joris Ivens son deuxième mari, de trente ans son aîné, compagnon de luttes et de tournages engagés.



Lettres d'anonymes, parfois oubliés, d'amies tendrement chéries comme Simone Veil, comme elle revenue " du même transport, du même quai, du même camp".



Sortie de Birkenau, vivante, Marceline y a laissé son père, tendrement aimé. Et ce qui aurait pu être une adolescence heureuse a été tué avec lui. Elle se jette avec frénésie dans la vie, dans ce "ballet des hommes qui a chassé le nom de (son) père de (son) état civil."



Mais les lettres de la valise , parfois citées partiellement, ne sont pas l'objet du livre: elles tendent un miroir à la narratrice et lui posent toutes la même question : "Es-tu heureuse, Marceline? Peux- tu être heureuse? L'as-tu été ? "



Comment fait-on l'amour, comment ressent-on l'amour après les camps quand on y est entré enfant -elle avait quinze ans- et qu'on y a tout appris de la mort, rien de l'amour?



Sans esquive, sans effet, Marceline répond et dit la vérité d'un corps qui refuse de se dénuder, qui reste insensible, qui ne découvre le plaisir des caresses que dans un mélange troublant de sensualité et de violence.



Elle dit la quête effrénée de la liberté : plus personne ne lui donnera d'ordres, désormais. Et la griserie de la séduction.. .



Mais cette ivresse de séduire n'a pour objet que de s'apprivoiser elle-même. Bientôt elle retrouve la confiance dans la tendresse paternelle et amoureuse du grand Ivens, dont elle devient la co-scénariste.



C'est toute une époque effervescente qui revit en même temps qu'elle : effondrement de l'empire colonial, guerre d'Algérie, naissance d'une Chine nouvelle, luttes politiques , luttes sociales, luttes féministes.



Sortir du camp c'est aussi sortir de soi, donner la parole à ceux qui ne l'ont jamais, aller vers l'autre. Mettre en images et en mots les secousses du monde...et jusqu'au dernier souffle de l'homme aimé dans cette "Histoire de vent"dernier film du vieux lion à crinière blanche, qui m'a laissé un souvenir magique.



Une vraie leçon de vie, d' éternelle jeunesse.



Petit bémol : la co-écriture, qui me gêne toujours un peu. Mais j'ai entendu Marceline parler.. Elle parle comme elle pense et , sans doute, comme elle écrit : vite, juste, précis. Vivant.



Vivante Marceline.
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Et tu n'es pas revenu

« Je suis l'une des 160 qui vivent encore sur les 2 500 qui sont revenus. Nous étions 76 500 juifs de France partis pour Auschwitz-Birkenau. Six millions et demi sont morts dans les camps. »

Marceline Rozenberg et son père ont été déportés en 1944, ils se sont croisés quand elle était détenue à Birkenau et lui à Auschwitz. Il a eu le temps de lui donner un papier avec quelques lignes. Elle ne se souvient pas des mots, elle sait qu'il la suppliait de vivre. Il n'est pas revenu. Soixante-dix ans après son retour, elle lui écrit...



Récit sobre, intense et très honnête. Marceline Loridan-Ivens dit beaucoup en peu de mots. Le lecteur adulte saura lire l'horreur entre les lignes - le matricule, l'humiliation, la violence, l'extrême dénuement, la faim, la maladie, la mort... La difficulté de reprendre le cours de la vie, « après », de dormir dans un lit, de voir une douche, d'en parler avec les autres, ceux qui n'y étaient pas, d'accepter leurs attentes (se marier et avoir des enfants, par exemple). Les stigmates, à vie : « Je dîne une fois par mois avec des amis survivants, nous savons rire ensemble et même du camp à notre façon. Et je retrouve aussi Simone. Je l'ai vue prendre des petites cuillères dans les cafés et les restaurants, les glisser dans son sac [...] ; elle stocke encore les petites cuillères sans valeur pour ne pas avoir à laper la mauvaise soupe de Birkenau. »



L'auteur souligne la responsabilité des autorités françaises, évoque le sentiment de culpabilité de ceux qui en sont revenus alors que les autres y sont restés, les traumatismes aussi de ceux qui y ont perdu des proches, comme le frère de Marceline, « malade des camps sans y être allé » : « [...] il dessinait des croix gammées sur ma boîte aux lettres ou bien laissait des messages sur mon répondeur, il prenait une voix de SS et aboyait 'Vous prendrez le convoi 71 avec madame Simone Veil.' Il s'était même fait tatouer SS sur l'épaule. Il jouait au bourreau pour se rapprocher de la victime, toi [notre père]. Il m'en voulait de t'avoir accompagné, j'avais pris sa place, celle de l'enfant qui marche dans ton sillage. C'est en tout cas comme ça que je l'entendais. »



Ce qui m'a marquée à la lecture de ce témoignage, c'est la sincérité de Marceline Loridan-Ivens : « Alors, tels des animaux, les filles des wagons se battent pour la nourriture. Moi je regarde la scène, je ne me bats pas. Ça m'est peut-être arrivé d'être comme ça et j'ai préféré l'oublier aussi. »



A une époque, on répétait naïvement que des textes comme celui-là empêcheraient l'horreur de revenir. L'auteur n'est pas dupe : « [le monde] est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l'extrême. Et plus il s'échauffe, plus l'obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs. Je sais maintenant que l'antisémitisme est une donnée fixe, qui vient par vagues avec les tempêtes du monde, les mots, les monstres et les moyens de chaque époque. [...] il ne disparaîtra jamais, il est trop profondément ancré dans les sociétés. »



- Merci Marina.
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Et tu n'es pas revenu

Marceline Loridan-Ivens raconte sous la forme d’une longue lettre à son père, son arrestation à l’âge de quinze ans lors d’une rafle dans le château familial alors qu’ils tentaient de fuir. Puis le long périple de Drancy vers les camps Auschwitz Birkenau, les mauvais traitements, les fours crématoires, puis la longue marche forcée vers Bergen-Belsen alors que les nazis sont en train de perdre la guerre puis le rapatriement et le difficile retour à la « vie normale ».



Elle se raccroche à l’espoir que son père est vivant. Il lui avait dit, à Drancy, qu’elle s’en sortirait car elle était jeune mais que lui ne reviendrait sûrement pas.



Ils étaient internés à trois km l’un de l’autre, lui à Auschwitz, et elle, à Birkenau et un jour il lui a fait passer un billet dont elle a oublié le contenu à son grand désespoir.



Marceline nous décrit l’horreur des camps, les liens qui se tissent avec ses copines, parmi lesquelles Françoise, Simone Jacob ; elles garderont des liens durant toutes leurs vies.



Elle aborde avec beaucoup de finesse, de pudeur, ce qu’on appellera plus tard, la culpabilité de survivant, comment accepter d’être revenu quand tant d’autres sont morts. Comment se construire une nouvelle vie, envisager de se marier et d’avoir des enfants, surtout quand on est obligé de se taire : personne n’a envie d’entendre ce qui leur est arrivé, ceux qui ont tenté de raconter ont été traités de fous…



Ses liens avec sa famille ne seront plus jamais les mêmes : son petit frère aurait préféré que ce soir leur père qui revienne, sa mère lui demande si elle a été violée par exemple car cela rendrait un mariage trop compliqué.



La question qui se pose au fil des ans est : « est-ce qu’on a bien fait de revenir ? N’aurait-il pas été préférable qu’on reste là-bas, qu’on meurt dans les camps ? et le passage de l’an 2000 montre bien que tout pourrait recommencer, avec la catastrophe du 11 septembre où le monde entier a assisté en direct à l’effondrement des tours du World Trade Center, où l’espoir de la Création de l’état d’Israël dont le père de Marceline avait tant rêvé ne soulèvera qu’une guerre permanente.



Une scène terrible : Mala, qui avait tenté de s’échapper du camp, a été rattrapée, et transportée sur une charrette, les mains ficelées dans le dos, vers la potence et jusqu’au bout, elle a injurié le commandant SS et ses sbires :



Elle s’est mise à parler en français, « Assassins, vous aurez à payer bientôt » et à nous toutes :N’ayez pas peur, l’issue est proche ; je sais que j’ai été libre, ne renoncez jamais, n’oubliez jamais ».



J’ai beaucoup aimé la manière dont Marceline Loridan-Ivens évoque la tragédie qu’elle a vécu, dans ce petit livre très court mais très dense. Elle ne se plaint jamais, ne se pose jamais en victime arrive même à faire sourire quand elle évoque Simone Veil qui « dérobe » les petites cuillères au restaurant, pour ne plus jamais avoir à laper la soupe.



A l’époque actuelle, il est important de lire ces témoignages, car le négationnisme à le vent en poupe et lorsqu’il ne restera plus de survivants, on imagine ce que les complotistes vont raconter. J’ai lu beaucoup de livres de documents sur la Shoah, vu des documentaires, des films, (il va falloir que j’essaie de trouver ceux de Marceline et Joris Ivens), entendu des témoignages, mais peu lu de témoignages écrits, du moins pas depuis de longues années et il est temps de s’y mettre de manière plus assidue.



Je ne sais pas si j’aurais le courage aujourd’hui de regarder la série « Holocauste » ou relire Primo Levi, mais j’ai en projet « L’enfant des camps » et « En classe avec Anne Franck » entre autres…
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Et tu n'es pas revenu

Dans un témoignage absolument bouleversant, véritable « lettre au père » adressée à celui qui n’est pas revenu, Marceline Loridan-Ivens se livre au fil des souvenirs, ravivant l’horreur de la déportation et expliquant l’impossibilité à vivre et à se reconstruire pour tous ceux qui ont survécu…



Déportée à Birkenau tandis que son père est envoyé à seulement trois kilomètres de là, à Auschwitz, Marceline n’a que quinze ans lorsqu’elle est séparée des siens. Soixante-dix ans après, une phrase prononcée par son père au départ de Drancy la hante encore : « Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas ». Une terrible prophétie qui présage déjà l’horreur à venir et qui la marquera à jamais.



A travers ce court texte, d’une rare intensité, Marceline Loridan-Ivens veut laisser un témoignage de sa vie afin de rappeler aux hommes les erreurs qui ont été commises et qui menacent parfois de se reproduire… Un témoignage qu’elle adresse à son père, mort durant la Shoah, comme si elle voulait faire un bilan de tout ce qu’il a manqué.



Loin de ne parler que de la vie dans les camps de concentration, Marceline L.I revient également sur son retour en France, sur la difficulté à revenir dans un pays qui les a abandonnés et qui est responsable de la mort de son père. Elle parle de l’incompréhension de sa famille par rapport à ce qu’elle a vécu, le mutisme, la peur et l’impossibilité à recréer une cohésion avec la disparition du père. Elle revient sur sa vie, son combat pour changer le monde aux côtés de son mari. Elle évoque les traumatismes qui ne disparaîtront jamais. Les mots sont justes, percutants et les phrases courtes. Elles s’impriment chez le lecteur jusqu’à l’étourdir. « Et tu n’es pas revenu » est une confession brutale mais nécessaire et cruciale ! Un texte terrible et bouleversant qui nous rappelle de ne jamais oublier…





Challenge Variétés : Un livre écrit par une femme
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L'amour après

Beau et énigmatique titre de ce récit paru chez Grasset en janvier dernier : L’amour après quoi me diriez vous ? Tout simplement et tout tragiquement, l'’amour après Birkenau, où la cinéaste fut déportée à l’âge de quinze ans et où son père fut tué.



Dans ce livre écrit avec Judith Perrignon L’Amour après, irrigue de façon aussi percutante que déchirante la voix de Marceline Loridan-Ivens écrivaine, une cinéaste, rescapée des camps de concentration. Et sans le savoir on la connaissait un peu puisque c’est la jeune femme qui, dans un morceau du dernier album de Vincent Delerm, demande aux gens s’ils sont heureux, extrait tiré d’un film de Jean Rouch.



A 15 ans, elle était à Birkenau. A la question que l’on se pose souvent : peut-on vivre après l’horreur, Marceline Loridan-Ivens en substitue plusieurs autres, peut-on aimer un jour après les camps ? Comment peut-on aimer quand son rapport au corps a été totalement ravagé ? Peut-on avoir un jour du plaisir ?

Aujourd’hui à 89 ans, et notamment il Ya un mois sur le plateau de l’émission La grande librairie, elle réaffirme sa conception de l’amour : un amour synonyme de liberté et sans possessivité. Marceline Loridan-Ivans dit se sentir toujours jeune dans sa tête, seul son corps ne suit pas. Une vision aussi libre que rebelle et surtout hors des sentiers battus de l'amour par une résistante dans tous les sens du terme.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Et tu n'es pas revenu

Ce livre écrit à quatre mains avec la journaliste Judith Perrignon est l'histoire poignante de Marceline Loridan-Ivens, rescapée des camps de la mort.

En 1944, Marceline a 15 ans et se voit déportée avec son père vers Auschwitz-Birkenau.

En transit à Drancy, son père lui dit" Toi, tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas".

La jeune fille survivra mais son père ne reviendra jamais et cette phrase hante encore Marceline.

Dans ce récit présenté sous forme d'une lettre à son père, elle raconte la captivité, le froid, la faim, la maladie, mais aussi le hasard, la chance (certains meurent et pas elle).

On ne peut s'empêcher d'être ému quand Marceline ne parvient pas à se souvenir du dernier message qu'elle a reçu de son père.

On assiste également à son retour en France, quand son oncle lui conseille de "ne rien raconter", l'incompréhension ou la gêne de sa mère, le chagrin de ceux qui ne sont pas partis; Sa famille est détruite et la reconstruction de Marceline sera longue et difficile. Y est -elle vraiment parvenue ?

J'ai lu de nombreux témoignages sur cette période mais celui-ci apporte une autre touche émouvante et personnelle et qui au delà de la question juive interroge sur la barbarie, toujours d'actualité, malheureusement.
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Et tu n'es pas revenu

Dans ce récit d'à peine cent pages, Marceline Loridan-Ivens, aidée par l'écrivaine Judith Perrignon, s'adresse à son père disparu pour lui dire ce que fut sa vie depuis ce jour d'avril 1944 où, arrivant ensemble de Drancy par le convoi 71 (celui aussi de Simone Veil et d'Anne-Lise Stern) ils furent séparés, lui envoyé à Auschwitz, elle à Birkenau, deux camps très proches l'un de l'autre comme elle pourra le constater quand elle y reviendra des années après la fin de la guerre.



Cette séparation d'avec son père tant aimé (qui, comme l'annonce le titre du livre, n'est pas revenu de la déportation) accompagne tout ce récit, lors de la période du camp mais aussi après, pendant le reste de sa vie. Et ce récit nous permet d'entrevoir pourquoi il fut si difficile pour tous les rescapés de la Shoah, et même impossible pour certains d'entre eux, de continuer à vivre, de "passer à autre chose", de profiter de l'existence tant leur existence avait été niée, n'étant plus pour les nazis que des "Stück", des morceaux, des déchets.



Marceline a des mots touchants pour évoquer son long compagnonnage avec le cinéaste Joris Ivens avec qui elle tournera de très nombreux documentaires, notamment sur la Chine communiste. Joris ayant une trentaine d'années de plus qu'elle, elle n'esquive pas la question de savoir si elle recherchait un père en lui. Cette liberté de ton (que l'on trouve aussi chez Simone Veil), cette audace toute naturelle, sont des ingrédients rares qui font de ce livre un document exceptionnel à plus d'un titre.
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Et tu n'es pas revenu

Marceline s'est éteinte ce 19 septembre, mais sa voix a pris son envol.



"Pourquoi une fois revenue au monde, était-je incapable de vivre ?" le récit de Marceline Loridan-Ivens, pose cette lancinante question page 72. Marceline continue, elle évoque "une lumière aveuglante après des mois dans le noir, c'était violent."



Ce livre "Et tu n'es pas revenu," témoigne d'une fracassante trouée dans l'horreur. Combien sont-ils ces revenants de l'enfer, incapable de formuler ce qu'ils ont vécu, car aucun mot, ni aucun récit ne peut traduire cette folie.



La grande force de cet ouvrage, est justement d'avoir écrit l'insupportable, se battre ou mourir, sauver sa peau ou mourir, chiper un quignon de pain ou mourir, dans ces camps, l'enfer c'est les autres. Page 28 elle pose ces mots, " il n'y avait plus d'humanité en moi, j'avais tué la petite fille". " J'étais au service de la mort".



En lisant ses propres aveux, on peut se demander si les récits des survivants avaient malgré eux, occulté des douleurs ultimes, caché les plus dégradantes des saletés commises pour survivre, oublié les lâchetés puériles.



Ici dans ce texte, presque intime, Marceline lâche toutes les vannes de l'horreur, car il faut bien à un moment ou à un autre, tout dire, et peut-être plus, redire qu'elle était devenue une bête affamée, sans avoir la force d'incliner la trajectoire.





Il n'y avait qu'un homme capable de me rendre ma dignité, mon père, pense Marceline, "pour qu'il vive je suis prête à me sacrifier" avouait-elle.



Page 18 elle écrit, " tu as dû me supplier de vivre". Aussi quand Marceline, est éblouie, aveuglée par les phares de la liberté, toute sa vie bascule car » tu n'es pas là », Marceline ajoute alors, " j'ai toujours pensé ta vie contre la mienne".

"Tu aurais dû revenir, ils avaient besoin de toi pas de moi.p 73"



J'ai tenté "d'éloigner Birkenau, je cachais mon numéro" p85, puis basculant dans le vide, Marceline est devenue incassable , avec l'envie de découvrir le monde, se fondre dans des combats censés dissoudre le passé.



Toute la vie Marceline à recherché la lettre que son père lui a adressée à Auschwitz, la suppliant de se battre et de vivre.





À 86 ans elle pense encore à son père, et lui fait cet aveux, " je t'aimais tellement que je suis contente d'avoir été déportée avec toi page 102."



Ce livre est d'une sublime émotion, comme s'il existait des gestations aussi longues pour avouer son amour.

Elle restera toujours vivante, paradoxe de notre humanité,

avec son rire fracassant tous les nuages, et plus encore ceux du passé, et ceux de son adolescence,
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Ma vie balagan

"Comme Imre Kertész, j'ai envie de dire : "Vous voulez entendre l'horreur, ça vous plaît ? Eh bien, je vais vous raconter autre chose". Parce que les gens ne nous demandent pas comment nous avons vécu pendant tout ce temps-là. Ils nous demandent : "Raconte-moi les horreurs. Ils te battaient ? Et comment ? Et qu'est-ce qu'ils te faisaient ?" La seule question de ma mère, c'était : Est-ce que tu as été violée." La seule chose qui vous intéresse c'est l'horreur. Mais ça suffit. Vous ne comprendrez rien, vous ne voulez pas comprendre, vous ne faîtes pas l'effort. Et l'horreur que je vous décris, ce n'est pas l'horreur, pour vous, puisque ça vous régale. Autant vous parlez du bonheur des camps".



Voilà ! Ça c'est dit ! Maintenant vous pouvez ouvrir ce livre et mesurez la force incroyable de ce petit bout de femme ! Elle en a fait grincer des dents, Marceline, jamais la langue dans sa poche, toujours un mot plus haut que l'autre. Rebelle et indignée. C'est peut-être cela sa revanche, prendre toutes les libertés, même et surtout, celles qu'on lui refuse...



Elle évoque ses souvenirs, les hommes de sa vie, ses combats et bien sûr les camps. C'est une révoltée, une rebelle, Marceline. Insaisissable, toujours en mouvement : une valise toujours prête au cas où, ses marches folles jusqu'à l'épuisement et ce désir de foutre le camp ! "Oui, foutre le camp, comme dit Myriam dans la petite prairie aux bouleaux", ce film qu'elle a tourné avec Anouk Aimée que j'aimerai tant découvrir... Et cette femme après la projection qui lui demande si elle en a fait exprès d'utiliser cette expression "foutre le camp". "Vous vous rendez compte ?" Non elle ne s'était pas rendu compte...



On connait tous son amitié pour Simone Veil : les pages qu'elle lui consacre sont emplies de sobriété et de pudeur. On y découvre Simone comme elle aimait la raconter. Et d'autres anonymes également, auxquels elle tente de rendre justice, avec cette peur et cette tristesse que sa mémoire n'y suffise plus...



L'âge lui vole ses souvenirs, elle s'en plaint à la fin du livre, mais certainement pas sa détermination et son indignation ! Ma vie balagan n'est pas un mémorial où reprendrait vie ceux qui ne sont plus, ma vie balagan est une formidable ode à la vie, à la détermination et à cette ténacité qui fait que vivre, c'est ne rien lâcher, ne pas plier. Tenir bon ! Toujours !



"Je pense que la mort arrive à un moment du chemin où ça va comme ça. Ça suffit. Mais je n'en suis pas sûre non plus. Il y a des gens qui ont très peur de mourir. Moi, je ne peux pas dire que je n'ai pas peur. J'aimerai encore simplement être. C'est tout. Pas faire. Être."
Lien : https://page39web.wordpress...
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Et tu n'es pas revenu

Un étrange sentiment accompagne la lecture de cette lettre. Celui d être spectateur d un tendre mais si douloureux au revoir d une fille à son père. Accolade de mots pudiques qui noue les tripes, reflétant subrepticement le malheur des survivants.

Pour ne jamais oublier , l'écriture en témoigne des années après. L'amour fait continuer.
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