Citations de Maria Ernestam (308)
Qu'advient-il des larmes qui ne quittent pas le corps ?
Quand vous tailladez un cerveau à coups de mots, vous êtes considéré comme innocent, alors que si vous utilisez la lame d'un couteau, vous êtes coupable.
Le deuil m'est familier. Je sais ce qu'on éprouve quand on perd un être aimé, quand une existence claire et paisible est obstinément broyée par l'absence. C'est l'instant où on se jette dans le gouffre. Il est trop tard, on ne peut plus faire marche arrière. Il faut désormais voler de ses propres ailes.
A un moment ou à un autre, toute relation connaît un tournant. Celui-ci se produit le plus souvent quand l'amour est devenu une habitude et une évidence. Lorsque nous ne comprenons pas que les rituels quotidiens, la fierté que l'on éprouve l'un pour l'autre et les petites attentions inaccoutumées que l'on se témoigne, sont des choses aussi belles et précieuses que les expériences sexuelles ou le champagne le plus coûteux. (p. 60)
Chacun doit affronter seul la vieillesse. Il paraît qu'on garde toujours une part de l'autre au fond de soi, mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression du contraire. Nous sommes seuls. Nous venons seuls au monde et nous le quittons seuls, même si nous vivons entourés d'amour, de dévotion et de bienveillance.
Une maison sans chat, ce n’est pas une vraie maison.
Peut-être existent-ils, finalement, les fantômes et les esprits, les spectres et les revenants ? Une chose est sûre, en tout cas, c’est que le désir et les rêves existent, brisés ou intacts. Surtout brisés.
La pire des maltraitances est celle qu'on ne cerne pas bien, comme si le cerveau conservait le souvenir du mal jusqu'à ce qu'on soit suffisamment mûr pour le réaliser. Cet effet à retardement est plus destructeur que l'effet immédiat. Le poison agit plus longtemps.
Pourquoi n’avais-je pas compris – pourquoi personne, en fait, ne comprenait que la vie ne dure qu’un instant, et que repousser l’essentiel équivaut à le nier ?
Nos sentiments nous glissent trop facilement des mains. Mais c'est ainsi. La vie nous joue des tours. Nous sommes écartelés. Les passions nous entrainent dans un sens et nous tirons sans répit dans l'autre, jusqu'au jour où nous comprenons. Mieux vaut ne pas être trop attentif à ses états d'âme. Nous nous contentons alors de poursuivre notre chemin, en cueillant les sentiments comme on cueillerait des pommes.
Nous ne voyons des autres que ce qu'ils nous montrent. Chacun de nous existe dans sa propre tête et dans son cœur, les seuls lieux où nous apparaissons tels que nous sommes, sans promesses et sans fard.
Je compense mon absence de sentiments en dorlotant mes rosiers pendant des heures. (...)
Dans ma jeunesse, j'ai lu quelque chose sur de vieux officiers de l'armée britannique qui, une fois retraités, se mettaient à cultiver des roses. Je trouvais remarquable qu'on passe ainsi de la guerre aux fleurs, et je me retrouve dans le même cas. (p. 61)
Nous n'avons besoin de rien ni en venant au monde ni en le quittant. Entre-temps, nous remplissons frénétiquement notre existence d'objets, d'événements, d'expériences. Nous comblons le vide. Sans cela, il faut dire qu'elle sonnerait creux.
Les méfaits des aïeux reviennent nous hanter, dit-on, mais je n'y crois pas.
Si des méfaits nous hantent, ce sont les nôtres.
Nos vies sont faites de hasards. Et d'occasions manquées.
Je me dis qu'il ne faut jamais perdre la musique que l'on a un jour possédée. Ou bien les mots. J'ai compris que nous sommes tous des accords brisés. Mais dans toute vie, il existe un son fondamental qu'il appartient à chacun de nous de trouver.
Je savais que la seule manière d'échapper aux tyrans est de ne pas montrer sa peur. Dès qu'ils la flairent, ils passent à l'acte. (p. 291)
A cet instant précis, ma haine pour Amanda Otto cessa de croître. Elle me faisait pitié. Je vis en elle la personne la plus malheureuse qui eût jamais arpenté les beaux salons. Toute pétrie de certitudes, de lieux communs et de convenances qu'elle fût, sa haine envers elle-même dépassait sûrement de loin celle que lui vouaient les autres. (collection Babel, 2014, p. 160)
Avec le temps, les choses deviennent de plus en plus prévisibles. Les saveurs perdent leur relief et la vision se trouble. Seules les odeurs persistent.
Pour lui, la musique, ce sont des mathématiques transformées en sentiments.