Ce passage me précipite dans un gouffre de peur: j'imagine la vie de ma Léa gâchée par son frère handicapé qu'elle devra assumer tout sa vie, j'imagine la responsabilité qui lui incombera le jour où nous ne serons plus là, j'imagine sa souffrance.Peur et culpabilité. Je ne veux pas que la vie de ma fille soit gâchée par son frère... Mon imagination s'emballe, comme dans un rêve. Des bribes de phrases et d'images se heurtent dans ma tête, plus noires les unes que les autres.
Parfois, une simple phrase peut changer le cours d'une vie. Pour moi, elle a été prononcée à Jérusalem, un matin de février de l'année 2000, par le professeur Reuven Feuerstein: "C'est à vous de choisir: soit vous prenez le parti de la vie et vous laissez une chance à votre fils, soit vous l'enfermez pour toujours..."
La décision s'est imposée d'elle-même. Nous allions entreprendre ce voyage pour Anton et avec Anton. Voyage qui allait être une trêve. Une aventure familiale qui devait permettre à Anton de se construire et, à nous, de nous reconstruire. Voyage qui allait durer un an et demi et qui allait nous mener, chacun d'entre nous et tous ensemble, au de-là de ce que nous pouvions imaginer.
Nous sommes forcés de constater que,aujourd'hui, nous sommes plus proches des gens croyants,comme le professeur Feurerstein ou Soeur Françoise.