avec Marie-Charlotte Delmas
Écoutez l'intégralité de la conférence sur : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2017-La-France.html
p.159.
La nuit appartient aux morts, et si l’on en croit le nombre important de récits qui nous sont parvenus, le terroir est alors peuplé de milliers d’âmes en peine condamnées à errer jusqu’à ce que se termine leur temps de pénitence. […] Solitaires ou en groupes, les âmes en peine se présentent sous différents apparences. Ce sont parfois des formes blanches qui volent au-dessus des marais ou sont agenouillées sur les tombes ou au pied des croix. Certaines errent sous l’aspect d’insectes, de souris blanches ou encore de biches blanches ou de juments. Il ne faut surtout pas les déranger. Si un importun les interrompt dans leur pénitence, il provoque le prolongement de leur temps d’épreuve et risque pour cela d’essuyer leur courroux.

p.89.
Si les paysans craignent ses agissements malfaisants, ils y ont pourtant fréquemment recours. Outre le fait qu’elles font souvent office de sages-femmes, les sorcières connaissent les secrets des plantes qui guérissent ou qui tuent, de celles qui font passer la douleur, et on les consulte à cet effet. Elles fabriquent également, à la demande, des charmes amoureux pour aider les jeunes filles à trouver un mari ou des « charges » maléfiques pour se débarrasser d’un ennemi.
[…]
Par ailleurs, la différence suffit bien souvent à ranger un individu dans le placard du diable. L’infirmité ou l’imperfection physique déclenchent les soupçons. Tous ceux marqués du B, comme on disait – bossu, boiteux, bègues, borgnes, bigles –, sont d’emblée suspectés de sorcellerie. On se méfie aussi des forgerons, manieurs de feu, et des prêtres défroqués. On redoute les étrangers de passage. S’ils viennent à mendier un morceau de pain, on s’empresse de le leur donner afin d’éviter une éventuelle vengeance, un sort qu’ils jetteraient avant de quitter les lieux.
p.131.
Les signes néfastes qui révèlent une mort à venir sont nombreux. Aux superstitions collectives s’en ajoutent d’autres d’ordre individuel et familial. Le moindre petit événement qui précède le décès de deux ou trois parents est susceptible de s’ériger en superstition dans une famille et de prendre place dans la longue série des présages de mort.
Pointe d'un continent lancée vers le large, voici des terres où l'on sait bien ce que conter veut dire. Au rythme des marées, qui douterait entendre encore parfois sonner les cloches d'une cité engloutie ? Près des falaises et des récifs, les souvenirs et les légendes maritimes étreignent toujours les coeurs. Combien de marins, combien de capitaines...
Mais la mer n'est pas tout. Comme pour raviver l'empreinte celte qui marque à jamais la terre, un sourd galop fait frissonner les ajoncs, les bruyères et les genêts, au risque de réveiller elfes et korrigans. Jaillissant des futaies de Brocéliande, les chevaliers de la Table ronde font trembler le sol tandis que, là-bas, comme un contrepoint de la mort qui rôde - en Bretagne, l'Ankou n'est jamais loin -, la fée Viviane et l'enchanteur Merlin disent malgré tout la douceur et l'espoir.
p.47.
On a beau avoir envie d’être riche, on a encore plus envie de ne pas être dévoré.
Une femme avait un fils qu'elle avait fort mal élevé. C'était un fainéant et qui ne voulait rien faire
Quand il fut en âge de choisir un état, sa mère lui demanda ce qu'il voulait être
- Je veux être voleur.
- Bon Dieu! bonne Vierge! mais ce n'est pas là une profession! Je ne te permettrai jamais d'être un voleur.
p.152.
Certains revenants n’apparaissent que dans le but d’annoncer un événement. C’est le cas des messagers de la mort, connus en Écosse sous le nom de banshies

p.144.
Ce qui est particulier au département de la Manche, ou plutôt à une paroisse de ce département, à Créances, arrondissement de Coutances, c’est la manière de célébrer la fête des Morts. Là ce n’est pas avec des couronnes que l’on se rend au cimetière où reposent des parents et amis, c’est avec des vivres. On s’installe sur la tombe même, et l’on fait un repas auquel les morts aimés sont censés participer. On verse du cidre sur leur tombe et l’on boit à leur santé comme s’ils étaient présents.
- À ta santé, frérot !
- À votre santé, mon père, ma mère, mon oncle, mon cousin, etc.
On cause avec eux, on rit même, on plaisante. C’est un repas de famille dans lequel la tristesse et les pleurs ne sont pas admis. Les défunts sont tous simplement absents. De dessous la terre, où ils reposent, ils sont supposés entendre les vivants et se réjouir avec eux. Cet usage remonte évidemment au paganisme, à une époque où l’on admettait que ce qui suit la mort est purement et simplement la continuation de la vie qui la précède, car dans cette fête fraternelle l’idée de purgatoire et de l’enfer est complètement absente.
[Jean Fleury, Littérature orale de Basse-Normandie, 1883.]
p.66.
Au fil des récits folkloriques, le diable apparaît comme un grand bâtisseur. Tous les pays de France sont parsemés de monuments qui lui sont attribués et dont beaucoup portent son nom, rappelant ainsi la légende qui accompagne leur construction. De nombreux menhirs se nomment également « Pierre du Diable », Satan était associé à l’édification de ces anciens lieux de culte païen.
p.73.
À défaut d’entretenir des rapports amicaux, Dieu et diable cohabitent néanmoins en bonne intelligence dans les légendes populaires. On prétend même en Bretagne qu’ils se partagèrent la création du monde physique. Quand Dieu fit le cheval, le diable créa l’âne […] On prétend même en Auvergne que le singe est une imitation ratée du démon lorsqu’il voulut faire un homme.