On perçoit ici le caractère paradoxal de l’expression antique vulgarisée par Nietzsche et si mal interprétée aujourd’hui : "Deviens ce que tu es", ne signifie pas "être soi-même", comme le veut l’idéal contemporain d’autonomie et d’authenticité, qui gomme l’aspect dynamique de la formule. Elle indique au contraire que la véritable liberté, qui n’est pas la liberté animale d’obéir à ses pulsions, fait l’objet d’un apprentissage. C’est même, sans doute, le premier des apprentissages, celui qui vise avant tout l’éducation. La liberté n’est pas donnée, elle suppose un travail, une progressive maîtrise de soi dont les parents sont les guides et les initiateurs.
S'il nous faut impérativement apprendre la langue, c’est parce que, contrairement à ce que nous raconte le mythe de l’expression, nous ne savons spontanément rien dire. Nous avons, certes, l’usage naturel de la parole, mais nous ne savons pas naturellement parler.
Mais ceux qui, dans la hiérarchie de l’Éducation ou parmi les parents d'élèves, profèrent des attaques répétées et globales contre "les enseignants" doivent savoir qu'ils détruisent ainsi la condition de l'effort qui est demandé à tout élève qui veut grandir : cette confiance qui lui permet, s'il ne voit pas le sens de ce qu'on lui propose, de s'en remettre à quelqu'un qui, lui, le connaît et s'en porte garant.
L'éducation a cessé de fournir un exemple probant à partir du moment où les sociétés ont commencé à développer systématiquement l'institution scolaire.
La critique de l’autorité s’accompagne toujours d’une reconstruction de l’autorité.