pourquoi dire le monde
quand il passe en nous
continu
nous habite sans
autre demeure que le passage
quel besoin
de nommer l'émoi
du ciel
du corps épris de bleu
et d'air
jusqu'à
oublier qu'il existe oublier qu'il est là
on rêve alors de se dissoudre
dans la présence
de tenir tête à l'étirement du temps
et de répondre à l'appel des étangs
derrière la mer
.
Extrait 3
jours de pluie
les fenêtres sont nos miroirs
le temps se tait
tu ne comptes plus tu hésites
et tu voudrais écrire ––––– mais
il pleut et cela suffit pour l’écriture
le dehors te dit l’inutile
détrempe tes poèmes
c’est lui qui fait la boue l’arbre la lumière
pas toi
toi tu hésites hors les mots parce que tu regardes
et cela seul dans ton regard est l’écriture
qu’aucune encre ne retient
poète en cet instant
où tu t’acceptes inutile
tu n’ajoutes rien au monde
en silence tu le regardes
il pleut et c’est l’hiver
––––– je regarde tomber l’écriture dans le jardin
Extrait 7
On patiente dans les choses, qui bruissent.
On écoute – rien ne se dit ; un murmure pourtant convoque l'oreille qui s'ébroue dans la couleur, les plis, le temps. On respire avec elle, la toile. En nous, elle ne force rien, s'immisce sans parole dans la matité du corps ; elle se tient là, debout, sans mystère. Elle ne nous cache rien.
Elle nous apprend la patience
Extrait 2
je voudrais dire la langue en nous
comme une marée
le magma osseux qui charpente et dévie
jusqu’à nos corps
les organise et les rend fous
la langue en nous fait les corps
les habite
et ma parole
à la surface
surnage
au-dessous ça parle en silence
la nuit j’écoute
la langue en moi qui danse
––––– et me fait peur
…
Extrait 1
cette chose-là, écrire,
comme s’il fallait ne pas céder, à quoi, à qui,
tout autour des ombres, des voix, les accueillir,
leur dire mais prenez la peine de vous asseoir,
à demeure chez moi, chez vous, ––––– au-dedans
les reconnaître, d’abord, préciser leurs contours, qu’elles
acquièrent forme, consistance,
cessent de flotter, se densifient,
opaques,
merveilleuses de netteté mais sombres, sombres,
à portée de mots à naître, pour l’heure inarticulés
le rêve se précise c’est un rythme sans images, c’est après
qu’elles viennent,
bien après que tu comprends,
même les tâtonnements guidés par quoi les mots ce sont
des sons qui viennent pas toi qui vas les chercher, pour
qui te prendrais-tu, un rythme sans pourquoi qui s’impose,
à ne pas déformer (la tâche c’est cela)
…
Extrait 4
c'est toi
qui m'as
ouvert la porte
pourtant
tu n'y étais pas
et il n'y a pas de porte
juste
le passage d'un corps
le mien s'est glissé
entre les feuilles et la lumière
(il y est toujours)
Extrait 5
Un sourire ça ne se refuse pas, c'est l'acquiescement au monde, la complicité des êtres mortels qui savent qu'il n'y a rien d'autre à faire qu'à s'aimer. Tu l'entends mon sourire ?
Extrait 6
Mon sourire est posé sur le monde il te regarde il ne t'oblige pas il te dit qu'il sait et qu'il sait que tu sais