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Critiques de Marie Khale (1)
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Tous les Allemands n'ont pas un coeur de pi..

S'il existe de nombreux témoignages des rescapés de la Shoah, rares sont les témoignages d'Allemands s'étant opposés au régime nazi et/ou ayant fait les frais de leur abusive propagande et de leurs méthodes d'intimidation.

Tel est le cas de Marie Kahle, Allemande vivant à Bonn avec son mari et ses cinq fils.



Quel a été son crime ? Celui d'avoir seulement donné, avec son fils Wilhem, un coup de main à une commerçante juive dont elle était la cliente, mais aussi la voisine, à nettoyer et à ranger son établissement entièrement saccagé après la fameuse "Nuit de cristal" le 10 novembre 1938. Dès lors, ils étaient considérés comme des traites à la Patrie, des "traitres au peuple" (voir à ce propos le texte intégral de l'article -édifiant- paru dans le journal local le 17 novembre 1938 !).



Si cette fameuse nuit a été le point de départ de la mise au ban de la société des Juifs avant leur persécution et leur déportation, elle a été aussi pour la famille Kahle (comme sans doute beaucoup d'autres qui n'ont pas pris la peine de témoigner), le point de départ d'une descente aux enfers progressive faite de diffamation, d'intimidations et de menaces non voilées, d'isolement, d'exclusion, d'impossibilité à travailler, mais aussi de craintes pour sa liberté.



Alors qu'au départ Marie Kahle avait agi par pure charité chrétienne (c'est un fervente pratiquante) sans réelle préoccupation ou détermination politique vis-à-vis du régime (elle ne fait pas de politique), elle se retrouve face à un dilemme : soit "sauver" sa famille en entrant dans le rang (adhérer au parti, mettre ses enfants aux jeunesses hitlérienne, mettre un terme à ses relations avec ses amis juifs, etc.) et allant ainsi à l'encontre de ses convictions premières ; soit tenter de passer entre les gouttes, ne pas faire de vagues, mais ne pas s'abaisser à se compromettre intellectuellement et affectivement seulement pour conserver sa tranquillité et ses avantages acquis. C'est cette deuxième option qu'elle choisira. En cela, elle s'opposera de facto à la pression environnante (y compris celle de sa famille) et assumera ses choix.



Pourtant, bien vite, elle devra se rendre à l'évidence : le salut de sa famille ne pourra passer que par la fuite de son pays vers un pays d'accueil (l'Angleterre ? la Belgique ? les Pays-Bas ?), car progressivement, et considérant que la famille ne montre pas suffisamment rapidement et activement des preuves de son engagement pro-nazi, l'étau de resserre, les menaces se font plus insidieuses et précises, les risques d'une potentielle déportation sont plus présents. En lisant ces lignes, on a le sentiment de se retrouver en Russie, en plein régime stalinien.



N'écoutant que son courage, Marie Kahle décide donc de fuir avec son fils Wilhem qui lui aussi est dans le collimateur, pour tenter de trouver ici ou là, les moyens de travailler, de subsister et de vivre en toute sécurité. Mais, pour les pays alliés, ce n'est pas non plus évident d'accueillir des Allemands. Heureusement, le mari de Marie est un professeur émérite et reconnu mondialement dans sa spécialité.



Après un périple incroyable, les portes de la liberté s'ouvriront enfin. Mais, son mari qui n'a pas la même conscience qu'elle des dangers en présence rechigne à tout quitter (son pays, ses biens, son travail, sa renommée, son immense bibliothèque...) pour aller vers un ailleurs et un avenir aux contours indéfinis. Il la rejoindra finalement. Ses trois autres fils suivront également, mais il s'en est fallu d'un cheveu que la famille ne puisse être réunie dans sa totalité.



Ce très court livre (127 pages) n'est pas un roman écrit par une auteure qui maîtrise la littérature. Il a été écrit par une maman meurtrie et exilée, un petit peu comme un journal, initialement en allemand, a été traduit en mauvais anglais (d'immigré) en 1945, puis retraduit en allemand en 1998, puis en français en 2001... d'où parfois, le sentiment de ne pas être bien écrit.



Mais là, n'est pas l'important. Comme le dit Antoine Prost dans sa préface, bien que trop court et mal écrit, il s'agit "du témoignage exceptionnel d'une femme de conviction qui sut, non seulement à ses risques et périls mais à ceux de toute sa famille, dire "non" à la persécution des Juifs d'Allemagne. Témoignage exceptionnel et solidaire, qui permet de comprendre les mécanismes quotidiens par lesquels l'antisémitisme d'Etat a gangréné toute une société.

Mais, par-delà son intérêt historique, le récit de Marie Kahle présente une valeur plus éminente : il atteste que, même en Allemagne sous le joug nazi, il y eut des justes. Et les justes ne témoignent pas seulement pour eux-mêmes ; ils affirment un absolu plus fort que les contingences, une valeur qui transcende les pesanteurs sociales.[...] Marie Kahle était incontestablement un juste, de ceux qui sauvent l'humanité au sein même de l'inhumain en proclamant sans tapage, par leurs gestes quotidiens, alors même qu'il est trahi et bafoué, le respect intransigeant de la dignité des personnes créées par Dieu à son image et à sa ressemblance."



Je ne sais s'il s'agit vraiment d'une "juste", puisqu'elle n'a pas officiellement sauvé de Juifs, mais à n'en pas douter, elle était juste dans ses convictions personnelles et religieuses dès lors qu'elle plaçait sur un même plan toutes les personnes qu'elle était amenée à côtoyer, à aider et à apprécier.







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