Grand-père c'était mon nid, ma poupée, mon sucre. Il ne me refusait rien, me défendait toujours, cédait à mes caprices d'enfant. Je lui coupais les cheveux, le peignais, le lavais; il acceptait tous mes jeux, dans une totale abnégation. (p.33)
Quel dénominateur commun entre l'immensité du continent indien et l'île ? La Corse est une Inde en miniature. on y trouve des lingams ** cachés dans des sous bois humides, des sanctuaires érigés au coeur des montagnes ou sur des routes asphaltées, une lenteur propre aux âmes conscientes de l'éternel présent.
A cause des difficultés de communication, les trajets ne se calculent jamais en kilomètres mais en heures. ON ne gaspille rien, ni les restes de nourriture, ni les bouts de bois, de laine ou de ficelle. Ici et là-bas tout a son utilité. Rien ne se perd, tout se transforme. (p.27)
*** Symboles phalliques vénérés par les adeptes du Dieu Shiva
Durant ces escapades Vincenti me demandait d'être attentive au geignement des arbres. Dans la nature, disait-il, il faut tendre l'oreille, ouvrir son cœur car tout est langage. certains arbres pleurent, d'autres se lamentent, d'autres rient. Selon le langage de chacun, tu apprendras à leur donner un nom. Chaque marche est une reconnaissance, il te faut cheminer à pas de loup sans effrayer le monde alentour; tout est à voir, à découvrir. (p. 22)
- La route sera longue, disaient-elles, mais ta soeur vivra.
La médico-magie était pratique commune en Corse, visiter -i Signadori- [initiées pouvant conjurer un mauvais sort ] un acte courant. Ces femmes conjuraient le sort par l'-incantesimu- [Prière particulière et tenue secrète utilisée par -u signadori-], et bon nombre possédaient des dons de voyance.
Avec elles j'appris les prières qui apaisent et guérissent. Transmis le soir de Noël, près de l'âtre, les mots chuchotés, répétés, pénétreront la chair de l'âme. (p.30)
Fil d'Ariane, le train se dénoue et me ramène sans cesse aux blessures de ma terre intérieure. Dans cette solitude émaillée de braillements d'enfants, les montagnes de la Rocca surgissent. elles m'ont toujours parlé de la liberté d'âme, le Valincu, lui m'insufflait l'âme de la liberté.
Enfant nourrie de tant de contrastes, je me demandais: quel voyage choisir ? p. 28
Grand-père c'était mon nid, ma poupée, mon sucre. Il ne me refusait rien, me défendait toujours, cédait à mes caprices d'enfant. Je lui coupais les cheveux, le peignais, le lavais; il acceptait tous mes jeux, dans une totale abnégation. (p.33)
[cf. Lève-toi et va : Une femme corse sur la route]
C'était au coeur de l'hiver 2005. La Cinarca étouffait sous la neige et je crevais de solitude dans la maison vide, prise entre les feux d'une sociabilité impossible, lourde de ragots, d'ordure télévisuelle et d'ennui, et cet ermitage radical qui décourageait ma soif de vie. Ici, les hommes ont les cafés, les chants, la chasse, tout un réseau de solidarités et d'oeuvres communes. Aux femmes, la tâche d'élever la famille. Pas de famille ? Va pour l'errance. (p.11)
Etait-ce l'omniprésence du granit qui donnait sa vibration rugueuse à la Corse ? fallait-il chercher dans la mémoire des pierres la cause de tant d'excès ? (p. 24)
Le désert n'appartient qu'à celui qui l'a vu naître. Il n'appartient qu'à l'homme qui s'est frotté à sa solitude et s'est lavé de sa terre.En Afghanistan, le soleil ne brille pas, il brûle et ses brûlures lacèrent le visage des hommes, incendient leur regard.
Bouleversée, le coeur couvert de glaise, je quittai Herat, le 17 juillet 1973. (p.79)
[Afghanistan]
Ces hommes silencieux au regard déroutant m'invitaient à des randonnées intérieures: immersions dans l'univers charbonneux de leurs insistances là où le geste est vain, la parole inutile. (p.78)