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Citations de Marie-Renée Lavoie (241)


Les mensonges, c'est comme tout ce qu'on regrette dans la vie, ça s'accumule dans l'estomac pis ça finit par faire des trous.
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Sur le calendrier de tout-nues épinglé au-dessus du grand coffre Mastercraft, une femme se vautrait sur le capot d’une voiture sport shinée comme un sou neuf. Ses seins-lunes défiaient magistralement la gravité, ce qui aurait scié mon prof de physique, assez porté sur l’étude des astres. Je me suis demandé comment une fille pouvait en arriver là, aboutir à une telle déchéance, un tel anéantissement, quelles humiliations elle avait dû endurer pour finir par trouver acceptable de se geler le cul sur du métal froid afin d’enjoliver les murs crasseux d’un garage. Dans quels ailleurs lointains fuyait-elle, cette fille, pour trouver la force de sourire ?
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A l'épicerie, dans la rangée huit, une petite dame bloque le passage avec son énorme chariot qui couvre à peine la largeur de son impressionnant derrière. Qu'elle m'empêche de circuler est une chose, plutôt normal même, vu les pyramides précaires d'articles en tout genre entassés dans le milieu de l'allée, mais qu'elle ne s'en rende pas compte et ne fasse même pas semblant d'essayer de se pousser un peu me tue. Son visage est crispé dans une moue de dédain apparemment provoquée par l'insatisfaction que lui inspire la lecture des ingrédients des produits sans exception. Elle les attrape un à un, les tourne dans tous les sens, s'attarde à tous les petits pourcentages de gras, de sucre, de sel et ne semble jamais trouvé là son bonheur ou quelque chose qui satisfasse son désir de se faire du bien. Son pouce et son index pincent sa bouche aux commissures pâteuses et viennent se rejoindre au centre de sa lèvre inférieure après avoir râclé les peaux mortes, les croutes séchées d'un rouge à lèvres à moitié effacé dans les teintes de mauve. Des traces tenaces d'un mauvais vin rouge bu la veille, peut-être. Par réflexe, fort de cette seule trace probablement mal interprétée, mon cerveau la transforme en une vieille alcoolique pas fine, facile à détester. Je m'avance en me traînant les pieds, pour faire du bruit, mais elle ne bouge pas. Sourde en plus. J'ai besoin d'aller tout droit, d'atteindre la section des desserts maison, pour ramasser trois tartes aux pets-de-soeur de la boulangerie Bouchard de L'Isle-aux-Coudres. [...] Une personne qui dort à peu près normalement se résigne sans regimber à changer de rangée pour éviter le problème. Je n'en suis pas. En passant près d'elle, en la frôlant sans délicatesse, dans ma tête je lui crie de toutes mes forces : "Mange de la laitue bio, crisse !" J'ai une voix intérieure qui porte, elle bouge, se dirige vers l'allée des légumes. Je me rends jusqu'au bout de la rangée, prends mes tartes, les paie et sors, sans détruire quoi que ce soit, sans tuer personne. Je suis parfois capable d'un contrôle absolument épatant.
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Sonia me le raconterait plus tard, quand sa mère et sa grand-mère s’étaient mises à se chicaner le titre de la plus endeuillée.
« C’est pire de perdre un enfant qu’un mari.
-Facile à dire quand on a encore son mari.
-Je l’ai mis au monde, cet enfant-là.
-Y est dans mon litte depuis 26 ans, ce gars-là.
-Tu trouveras ben de quoi d’autre à mettre dedans, t’avais pas de misère dans le temps.
-Crisse de langue sale, tu changes pas. »
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- Pis ton club de lecture ? [...]
- On va faire un Margaret Atwood dans deux semaines, je vais m'essayer avec les biscuits au beurre de la fournée bio au coin de la 4e.
- Pis, Gatsby ?
- Madame Poulin était déçue.
- Pourquoi ?
- A cause du mot "magnifique".
- Ah.
- Elle s'attendait à une histoire de magicien, quelque chose de même, je pense. [...]
Ma mère ne lit pas vraiment, elle ouvre les livres pour en respirer le parfum, flatte les pages amoureusement juste avant de les avaler tout rond, sans souci d'indigestion . Ainsi, quand nous étions petits, il lui arrivait d'ouvrir un livre le matin et de ne le lâcher qu'à notre retour de l'école, le soir, alors qu'elle revenait de très loin, étonnée de nous voir déjà là, catastrophée par la fuite du temps et le souper pas prêt. Puisqu'elle s'en voulait toujours un peu, après, elle demandait à mon père de bien cacher les autres livres, ce qu'il faisait volontairement très mal pour se voir de temps en temps forcé de commander une grosse pizza bien grasse de chez Giffard Pizza. J'ai d'abord aimé la littérature pour ces moments de béatitude alimentaire où nous étions soustraits aux tentatives sincères mais bien vaines de cuisiner de ma mère.
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....elles étaient réellement heureuses pour moi. Comme elles avaient le bonheur simple, du genre qui ne dépasse pas la paie ni les contours d’un réel étriqué, il leur restait de la place pour vouloir celui des autres, le mien.
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La tête de Paul penche vers l'avant, lestée d'inquiétudes logées dans le front.
- Comment on fait pour élever des enfants ?
- Aucune idée.
- Moi non plus.
- T'es chanceux, t'as quatre essais.
- Y m'en reste trois.
- Y'a juste quinze ans.
- Y'a presque seize ans, pis y fout rien.
- Mais y'a rien à faire à quinze ans ! T'es toujours trop jeune ou trop vieux pour tout. Fait que tu t'assois sur ton cul, pis t'attends que ça passe.
- Je voulais tout faire, moi, à quinze ans.
- Oui, toi t'as tout fait, pis t'as tout réussi. Ça y laisse pas beaucoup de marge pour t'impressionner.
- Je veux pas qu'y m'impressionne.
- On veut toujours impressionner ses parents ; quand ça marche pas, on les fait chier.
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- Tiens.
- Encore toé…
- Tiens.
- C’é quoi ça ?
- Un livre.
- Un cadeau ?
- Mais non, franchement, c’est juste un livre ?
- Ah. J’en veux pas. Je lis pas.
- Pourquoi ?
- Parce que j’haïs ça.
- Pourquoi t’haïs ça ?
- T’aurais dû m’amener de la bière, une bonne ‘tite bière frette.
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- Y est ben de bonne heure pour boire une grosse bière de même !
- Sacrament, qu'est-ce tu veux, j'haïs le café. Ça me donne des brûlements d'estomac.
- Prends du Pepto-Bismol.
- Ha ! ha ! ha ! C'é quoi ton nom, p'tite vermine ?
- J'ai pas de nom, gros soûlon.
- Ha ! ha ! ha ! Une p'tite comique ! Je sens que j'vas aimer ça icitte.
- Tu vas-tu rester ici pour de vrai ?
- T'as-tu quèque chose contre ça, toé ?
- Ma mère aime pas ben gros le monde qui sacre comme toi. Tu vas te faire ramasser, tu vas voir.
- C'é ta mère tabarnak, pas la mienne.
- Ouin, mais ma mère est capable de runner le monde autour quand ça fait pas son affaire. Pis tu vas prendre ton trou avec elle. Tchèque ben.
- Ben content d'entendre ça, ça fait longtemps que j'ai pas pris mon trou.
A cet âge-là, je ne pouvais pas tout saisir, mais je comprenais très bien qu'il se foutait éperdument et de ma mère et de ma gueule.
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Je comprenais ça parce que j'étais à l'âge où la mort n'avait encore aucune prise sur moi. Je n'allais jamais mourir, moi, je n'avais même pas dix ans . Et, à cet âge là, on accepte d'emblée que les vieux doivent mourir, ça semble dans l'ordre des choses.
Après, le temps coule et ça se complique parce que ça se met à nous concerner.
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Madame Deslauriers se serait bien entendue avec Ron qui résumait ainsi sa philosophie de vie : « Dans’vie, t’endures, t’endures, t’endures, pis tu crèves. That’s it, that’s all. »
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- Je traverse à l'île pour voir descendre les glaces.
- Quelle île ?
- Haïti. La mer a gelé la semaine passée.
- ...
- C'est une blague. L'île d’Orléans. A la pointe Sainte-Petronille.
C'est le temps parfait.
- Y fait pas un peu noir ?
- Non, la lune est presque pleine, y'a pas de nuages.
Le canard m'apparait mal choisi pour décrire le froid qui nous pénètre les os à la pointe de l'île ; j'irais pour quelque chose de plus mordant, comme le brochet ou la mouche à chevreuil. A la pointe de l'île, la mer noire charrie des monstres de glace à tête lumineuse qui foncent sur nous et dévient au dernier instant de chaque côté. Je bouge la main pour faire comme si c'était moi qui décidais, façon Moïse. Les blocs semblent flotter au dessus d'une mer acide qui gruge leurs corps.
Ma fascination pour la mer glacée est à moitié faite de terreur : il suffirait de s'y laisser tomber pour mourir en quelques petites minutes.
Nageur ou pas. Bouée ou pas. La mer glaciale ne fait pas de quartier, elle mange les corps crus.
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J'entends le ton qui monte au deuxième, William veut finir sa partie, il joue en ligne et ne peut pas se débrancher comme ça, Léo cherche sa brosse à dents Starwaze, Xavier veut sortir aller rejoindre ses amis. Quatre personnalités, quatre univers difficilement conciliables. Je n'ai essayé qu'une seule fois de les faire asseoir tous en même temps autour d'une table pour jouer au Monopoly. Regrettable débordement d'enthousiasme de ma part. Le petit pleurait parce qu'il ne savait pas compter et voulait les cartes de trains, William chialait parce que j'avais amené la version de l'Ancien Temps avec des piastres en papier au lieu de celles avec des cartes de crédit électroniques, Romain faisait une moût de dégoût quand il tombait sur des terrains "couleur de fif" qu'il ne voulait pas acheter - sans pouvoir m'expliquer ce qu'est un "fif" - et Xavier avait décidé de quitter la table après dix minutes en lançant à la ronde que c'était un maudit jeu de "fucking capitalistes à 'marde". Même s'il venait de remporter quinze dollars pour un concours de beauté.
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Dans la file grouillante qui avançait en dodelinant, les gars rappelaient le protocole à Pichette, qui n'avait pas mis les pieds dans une église depuis sa deuxième année. Il n'avait même pas fiat sa confirmation. L'état de disgrâce dans lequel il se trouvait, et que les gars raillaient abondamment, s'est presque mis à l'inquiéter. Il était venu manger des sandwichs pas de croûte et se retrouvait avec une brique sur la conscience.
"Mets la droite en dessous, tu prends l'hostie avec.
- C'est ma plus sale, j'arrive pas à la décrasser.
- Là, le curé va dire quéque chose, me rappelle pus quoi...
- Le corps du Christ.
- C'est ça. Pis toé, tu réponds "Amen". That's it that's all.
- Ça veut dire quoi, "Amen" ?
- On s'en crisse.
- Ça veut dire "OK".
- Mais non, ça veut dire "merci".
- Merci pour quoi ?
- Pour t’avoir donner une hostie, calvaire.
- Qu'est-ce que ça fait si je prends la main gauche ?
- L'enfer direct, mon chum.
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C'était mon premier mort, et la toute première fois que je me pleurais, moi qui ne croiserais plus cette vieille branche rassurante sur la route , dans mes matins noirs.
C'est à la même époque qu'est morte madame Delaunais, l'une de mes clientes favorites. C'était un minuscule bout de femme qui s'attardait sans mémoire dans un siècle qui bougeait beaucoup trop vite pour elle.
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- Je peux t'offrir quelque chose à boire avec ta poutine, une bière, un drink compliqué avec des alcools forts, du vin blanc, rouge, bleu, un jus d'ananas...
- Du vin bleu ? Je suis partante.
Pendant que je jetais un œil émerveillé sur la fabuleuse collection de livres de toutes sortes étrangement classés par couleurs, il m'a dégoté quelque part, en un temps record, un verre de vin bleu. Le sien était verdâtre, eau stagnante.
- C'est quel cépage, ça ?
- Du sauvischtroumpf.
- Ah. Pis le tien ?
- Grenouille-aligotée.
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- C'est juste pour niaiser.
- J'aime pas ça, niaiser !
- C'est juste des grands niaiseux qui font des niaiseries.
- Pfff...
- Des grands niaiseux nonos qui font de gros niaisage de nounounerie de niaiserie.
- Pfff... 
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- Me semble que t’as l’air un peu maganée, ‘tite vermine.
- C’est parce que j’ai mal aux chevilles à cause des escaliers. C’est enflé de ce bord-là.
- Fais-toé une p’tite eau de mer pis mets-toé le pied dedans par shot de vingt minutes. Ça va désenfler assez vite.
- Où est-ce que je la prends, l’eau de mer ?
- Faut que tu la fasses, la mer est trop loin. Remplis une chaudière d’eau ben frette, pis mets ben du gros sel dedans. Ça va faire pareil.
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C'est bien connu, les malheurs se tiennent toujours en groupe pour se sentir plus forts.
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Il s'est empressé de sortir un autre disque de son enveloppe. Grésillements, crishs plus prononcés...
« Les doux doux doux arrivent après le premier couplet, écoute... She says, hey babe, take a walk on the wild side. Said, hey honey, take a walk on the wild side... Doux, doux doux, doux doux, doux doux doux doux, doux doux, doux doux, doux doux doux doux, doux doux, doux doux... »
On a recommencé à danser, les corps encastrés l'un dans l'autre, et à chanter en chuchotant jusqu'à ce que le soleil se lève. Les doux doux qu'il me susurrait à l'oreille me donnait la chair de poule. J'ai pensé « contraction des muscles horripilateurs ». Certaines notions de bio tardaient à s'effacer.
Le soleil nous a trouvés là, en parfaite symbiose.
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