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Citations de Marie Uguay (63)


Marie Uguay
Maintenant nous sommes assis...

maintenant nous sommes assis à la grande terrasse
où paraît le soir et les voix parlent un langage inconnu
de plus en plus s’efface la limite entre le ciel et la terre
et surgissent du miroir de vigoureuses étoiles
calmes et filantes

plus loin un long mur blanc
et sa corolle de fenêtres noires

ton visage a la douceur de qui pense à autre chose
ton front se pose sur mon front
des portes claquent des pas surgissent dans l’écho
un sable léger court sur l’asphalte
comme une légère fontaine suffocante

en cette heure tardive et gisante
les banlieues sont des braises d’orange

tu ne finis pas tes phrases
comme s’il fallait comprendre de l’œil
la solitude du verbe
tu es assis au bord du lit
et parfois un grand éclair de chaleur
découvre les toits et ton corps


« Maintenant nous sommes assis... »,L’Outre-Vie dans Poèmes, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2005.
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il fallait bien parfois
que le soleil monte un peu de rougeur aux vitres
pour que nous nous sentions moins seuls
il y venait alors quelque souvenir factice de la beauté des choses
et puis tout s'installait dans la blancheur crue du réel
qui nous astreignait à baisser les paupières
pourtant nous étions aux aguets sous notre éblouissement espérant une nuit humble et légère et sans limite
où nous nous enfoncerions dans le rêve éveillé de nos corps

(Extrait du recueil "Autoportraits")
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tout ce qui va suivre
maintenant t'appartient
des traces du rideau
et de la surface du sol
des plis du clair-obscur
à l'étang parfait de la nuit
et le mouvement très pur des respirations
le destin imaginaire des mains

c'est pour toi qu'il tremble
ce passage furtif et dérisoire
de clartés aux profondes strates
et l'ombre s'agrandit
au-dessus des montagnes
pour toi ce tremblement
qui complique l'espace
inaugure le déclin
de tant de splendeurs
toute la vacance
qui juge ses fleurs
et prépare ses fruits

dans la chambre
s'allume l'incarnat d'un tissu
ou l'eau contenue dans un verre
l'oiseau signe le ciel
d'un geste prompt
qu'aucune mémoire ne sait retenir

(les saveurs semblent si frêles
qu'un seul corps les tient toutes)

clapotis ramené par le basculement
du froid indigo
un visage paraît au coin du portique
respire l'herbe répandue
les feuilles brûlées
contemple les signaux familiers qui s'irisent
se laisse à son rêve
le temps qu'il le sent
si proche et si volatil à la fois.


(extrait de "Autoportraits") - pp. 115-116
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des fleurs sur la table d’une terrasse
des verres tintent
mais où est-elle donc cette ancienne histoire
de bonheur et de malheur cette pièce taillée dans le jour
où se tressent tant de propos et de songeries
et nous allions vers l’or la source et le rideau qui se lève
ou parfois une maison que l’on aurait connue en été
passant d’une chambre blanche à une chambre plus blanche
encore
l’esprit s’ouvre
quand nous longions les vagues
l’air avait des lèvres
     
Recueil « Autoportraits », p. 118.
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Il y a parfois dans le paysage atrophié de la ville une certaine fraicheur des bois. Malgré le vacarme dément, un certain silence d'ailes. Cela tient au miracle du vent, il passe sur nos pieds, il est vivifiant comme une mer soudaine. Il fait se retourner les feuilles qui nous montrent leur face argentée, et c'est un autre courant de mer que je vois filtrer dans le ciel, il glisse par le grillage, rend sa timidité au rideau, redonne souffle aux objets usuels. L'absence s'oublie. Ce matin j'ai sous les yeux ces larmes que je n'ai pas versées, au ventre cet émoi du songe que je n'ai pas assouvi. Vos mains sur moi, vos mains. Et l'air dans sa douceur de fleurs est une source vivante, il réanime les textures, cristallise la lumière, me réapprend les pierres, le souffle secret de la matière. La vie semble éternelle. (Les plis d'un tissu sur une chaise font une sculpture, les couleurs sont des tableaux, le vent une pastèque. Brusque atteinte du songe mon amour pour vous contient tous les étés.)

(Extrait des poèmes en prose)
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Je voudrais fléchir ma joue
sur la joue des peupliers
dans le réconfort de leurs jointures enlevantes et nubiles
sortir un lundi matin dans une autre ville
aux canaux maritimes peut-être en banderoles
portes surannées
cette journée serait une caravelle
s’acheminant vers le cœur intact des galets
les lèvres qui offrent tous les paysages
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Je suis l’amphore
je vous porte dans vos silences historiques
dans vos cloîtres dans vos fenêtres d’inquiétude
dans vos gestes séculiers
sur le lustre de vos tâches secondaires et pratiques
dans votre démarche tropique
ou lorsque vous êtes assises sur les paliers
incises enflées mutilées
seules
privées du monde et du corps
et les plus belles aussi
qui ont gravé leur visage dans l’argile
dans vos coquillages à tisser des toiles
et toujours à naître dehors sur l’océan
     
     
Recueil « L’Outre-vie », p. 54
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6 mars [1980]

J'ai un goût puissant d'écrire un poème, mais la forme est toujours inexacte, toujours loin de mon désir, si peu réelle, si peu percutante. Je voudrais que le poème surgisse avec grâce et désinvolture, qu'il soit une pierre taillée donnée immédiatement, dans un rythme proche du pouls, un rythme multipliant les résonances, mais jamais brisé. Le poème tourne en rond, le lyrisme sonne faux, l'idée me fuit, la sensation se fait de plus en plus évanescente. Je suis loin du poème, pourtant, pressée par le temps, j'aspire à lui, à sa liberté, à sa prodigalité, à sa fécondité. Ce que je n'ai pas, comment le donner ; je voudrais peut-être que le mot transforme mon monde. Si je me tourne vers moi-même, je ne rencontre que l'aspiration à aimer, à vivre.

pp. 203-204
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Marie Uguay
Poétique de l’hiver
     
II
solitude
les racines engendrent
l’eau et la plaine
     
tout se déverse
dans le blanc
où la nuit se fend
et devient une chute
     
D'abord nommer la longue marche que pose l'hiver à l'intérieur de l'année, cet aspect inabordable qu'il étale comme si le silence soudainement avait pris forme, s'était incarné dans le blanc, dans le rayonnement subtil de la neige.
     
Puissante pénétration de l'hiver jusqu'à l'intérieur de nous, il nous semble devenir ce dépouillement des formes, ce profond retirement de la vie jusque sous le sol. Un secret réside dans le blanc, un puissant appel; l'absence n'est qu'un temps.
     
Le froid délimite notre espace, nous devenons ce regard qui contemple dans la gerçure des vents. L'hiver est cet épanchement subtil et continu de la lumière qui élargit l'horizon, métamorphose toutes choses familières. Les pierres fendues des nuits, le scintillement de certains matins, l’appesantissement bleu du soir, quelques beautés chaque heure changeantes, ont rendu l'hiver solitaire, nous ont fait baisser la voix malgré nous, comme pour des confidences. (...)
     
I
intimes sollicitudes
scissions végétales des givres
aux amples vibrations des arbres
au travers l’écorce se voyait
les rivières embâclées
     
III
stries ardentes du froid
aux descentes des jours
     
le fleuve allonge la rive
repose la marche
étend sa fine gerçure
dans un contemplement séculier
     
IV
de longues distances
dans l’engourdissement des heures
ont créé ce subtil effarement
de l’espace
ont élargit notre œil jusqu’aux
douceurs du silence
     
VII
barres enneigées
des aubes
     
secret gercé du regard
enflammement des bois
demeure de la pierre
     
IX
tout s’étale dans le blanc
et s’intensifie
nous songeons longtemps
dans les beautés délimitées
de nos attachements-obstination-
l’hiver nous retire
vers la mémoire
     
VIII
tout repose
dans le plein songe
âpres démarcations
des paysages
nous allons
aux solitudes quotidiennes
de nos proches départs
intérieurs
     
     
Texte de Marie Uguay accompagné des Photographies de Stephan Kovacs.
Revue Vie des Arts volume 21, no 85, Hiver 1976, 1977, p. 12-15.
https://id.erudit.org/iderudit/54946ac
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Souvenir odorant des pages
lecture derrière les vitres trempées
languissement des caresses
plusieurs envols ont créé ce tremblement des mots
brèche lourde du soleil

(" Signe et rumeur")
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L’Outre-vie

« Ecartelée entre les termes du désir, sa démence est d’avoir cru possible, même le seul temps de son cri, que cet écartèlement pouvait se rompre pour l’accueillir. » Marguerite Duras La femme du Gange

L’outre-vie c’est quand on n’est pas encore dans la vie, qu’on la regarde, que l’on cherche à y entrer. On n’est pas morte mais déjà presque vivante, presque née, en train de naître peut-être, dans ce passage hors frontière et hors temps qui caractérise le désir. Désir de l’autre, désir du monde. Que la vie jaillisse comme dans une outre gonflée. Et l’on est encore loin. L’outre-vie comme l’outre-mer ou l’outre-tombe. Il faut traverser la rigidité des évidences, des préjugés, des peurs, des habitudes, traverser le réel obtus pour entrer dans une réalité à la fois plus douloureuse et plus plaisante, dans l’inconnu, le secret, le contradictoire, ouvrir ses sens et connaître. Traverser l’opacité du silence et inventer nos existences, nos amours, là où il n’y a plus de fatalité d’aucune sorte. p 39
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A-t-on déjà vu quelque chose de plus pur que ce blanc qui ruisselle à l'appel du noir... Page blanche et la tache du mot en noir. Sur un rouleau qui défie et l'espace et le temps, rouleau de soie blanche où quelques feuilles de bambou comme une écriture nerveuse. Tout respire, n'est que rythme, comme un pouls, une marée. Source secrète rendue visible. Promesse tenue. J'ai le goût d'écrire rien que pour voir vibrer cette lumière autour. p 237
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Ecrire c'est une façon de connaître. Dans connaître il y a le mot naître. Naître sans cesse au réel d'une connaissance jamais intransigeante et dominatrice, mais toujours spéculative. C'est multiplier sa vie dans et par le langage, vivre comme dans un lieu où tout part et tout revient sans cesse. C'est approfondir la face autobiographique des rêves. C'est une autre forme de l'amour fou. p 182
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Aux matins d’eau morte
châssis d’abîme aux labours des mois et des amours
sous les paupières du demi-sommeil
j’entends ton souffle pénétrer la lumière

Le printemps rose et suant
monte des forêts
L’été chauffé à blanc
Octobre dans son sang
et ses écorces vermoulues
L’hiver avec le rythme sourd de l’espace

Mesures du temps et toi dans l’ardente substance

Tout un voyage est resté en nous
et notre rêve dérive
vers le reste du monde
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Marie Uguay
Le cri d'une mouette crée la profondeur de l'air
divise les rues en espaces incertains
le vent est gris et sans effusion
et nous sommes assis à la table
où l'on a déposé des tasses de café des fruits
nous ne parlons plus
attirés par la fraîcheur de l'herbe et des nuages
et tout ce qui passe
projette des ombres sur nos regards
la pièce sent le bois coupé et l'eau
dehors nous savons que tout se prépare
à paraître

(" Autoportraits")
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Au bord de quel rivage
ce détachement parfait
cette disponibilité nouvelle
cet apaisement des alentours
et de l'heure
cette très calme habitation de l'histoire

(extrait de "Signe et rumeur") - p. 27
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Attendre, l'esprit séduit par les reflets roses de l'averse nocturne. Et le vent devient une langue sur les paupières et sur les joues, passe dans le cou, raconte d'autres nuits. Certaines sont des draps tirés sur des cachotteries d'enfants, sur des sourires, gardiens involontaires, et d'autres bellement ridées sont des premiers secrets, des premiers loups. La ville se déplie et s'irise de tout l'ample délassement de l'air. Attendre n'a plus d'importance et la nuit se confie à nous avant le sommeil. La nuit est amoureuse confusion mentale. Et l'odeur de toi dans les linges de l'aube. p 185
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Printemps : plus beau mot de la langue française. La lumière s'en vient, ô quel espoir, la plus belle saison du monde, le miracle et l'amour fou. On a l'impression que l'impossible est derrière la porte.(...) Ce pays trop muet soudain me chante tant de murmure et me chante tant de douceurs. Mes racines s'allongent, que mes fruits se forment un jour à la plénitude du printemps et de la parole, que les étés les transportent sur leurs bras tendus vers le rire. La sève monte dans les érables, on entend gronder sa force ténébreuse qui nous nourrira de plaisir. Voici la grande respiration des érables en mars. p 206
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31 décembre [1977]

Je regarde la ville : envie enlevante de la nommer. Fascination de ses éclairages d'hiver, de ses lumières nocturnes, de ses multiples passants, porteurs chacun d'un halo de mystère : le battement même de leur vie. Mais je la vois à travers des mots fatigués, inexacts, porteurs ardents de petits mensonges creux. Je passe trop vite, je ne peux rien capter, je me laisse couler, entraîner par un étranger qui conduit la voiture. Je suis passive. Je vois la vie qui se dévide au bout de moi, l'amour multiple montrant ses beaux visages : les bavards, les secrets, les belles mains furtives de l'un et les tendres yeux maritimes de l'autre, et puis les bras, tout le beau corps rieur de mon amour.

p. 27
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Des ciels basculés ont longtemps transpercé votre visage. Ici des pierres tristes, des fossés et des autoroutes, et la largesse inutile d’un grand soir gris et rose où votre regard périt. Ici tant de rêves accumulés s’en sont allés, ne laissant au bout du temps qu’un grand été nonchalant et enfumé, une errance abasourdie, un refrain hésitant et mourant étiré de la nuit sans vous. Des pluies colériques répètent sans cesse votre absence. Mais vous riez.
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