Citations de Marina Diatchenko (55)
La mémoire d'un temps inexistant, transmise d'un porteur à l'autre et encodée plusieurs fois, à ce qu'il pouvait en juger, était inaccessible aux sens d'un humain normalement constitué.
Néanmoins c'était la sienne.
Un petit fragment : son dernier soir sur la terre...
Je ne peux rien pour eux. Je suis moi-même désolé pour cet imbécile.
L’amour n’est pas l’excitation qu’on éprouve pour une personne mais la crainte qu’il lui arrive malheur.
A ceux qui s'investiront honnêtement dans l'étude, en y consacrant toutes leurs forces, je garantis ceci : à la fin du parcours, ils seront vivants et en bonne santé.
On les a soumis à une influence… Mais ces gamins sont quotidiennement soumis à une influence cent fois plus forte ! Ils regardent la télé, ils vont à l'école, ils échangent des textos, ce n'est plus un cerveau qu'ils ont dans la tête, mais un cimetière de virus ! Chacun se sent seul, chacun veut être aimé, tout en étant incapable d'aimer en retour…
C'était le sixième gouverneur en cinq ans. Son prédécesseur avait été démis et croupissait peut-être encore dans un cachot de la prison impériale. Le quatrième gouverneur avait été empoisonné pendant son dîner. Le troisième avait été limogé lui aussi ; c'était bientôt au tour du moustachu d'être empoisonné, sans exclure l'éventualité d'un limogeable ni d'une flèche tirée par la fenêtre ni d'un coup de poignard dans le dos.
- Toutes les choses se reflètent les unes dans les autres. Vous vous en souvenez ? Le vent change de direction pour contourner le rocher, qui s'effrite en repoussant le vent. Le caméléon change de couleur pour refléter celle des feuilles... Le lièvre ordinaire devient blanc pour refléter l'hiver. Je me reflète en vous quand vous m'écoutez. Vous-même vous vous reflétez plus ou moins profondément dans beaucoup de gens. La Sacha Samokhina que vous connaissez n'est que le reflet de sa véritable essence. Maintenant que cette essence change, le reflet d'efforce de changer également.
Tout ce en quoi nous croyons existe.
Celui qui peut tout ne veut plus rien. Celui qui peut presque tout ne veut presque rien. Celui qui ne peut rien veut tout avec une extrême intensité, mais c'est hors de sa portée, tu comprends ?
- Le pauvre.
- Au contraire, il a une marge de progression, la place pour grandir... Le tout-puissant est moins bien loti. Sa toute-puissance a chassé le désir, il ne veut plus rien et bascule dans la dépression.
Krokodile ferma les yeux. Il se sentit soudain plus léger, bien plus léger qu'avant l'apparition du représentant du Bureau ; certains signes avaient trouvé leur place, certains engrenages s'étaient emboités et des pans du puzzle s'étaient assemblés avec simplicité et précision. "La peur importe peu, se dit-il, ce qui importe, c'est ce au nom de quoi on la surmonte."
Ça demande beaucoup de travail et d'énergie de numériser un être humain. Une individualité. Numériser l'humanité, cela équivaudrait à munir toutes les pelles d'un moteur nucléaire.
Le train s'arrêta. Les portes s'ouvrirent dans un grincement. [...]
Un homme en pantalon de jogging et en marcel inspira profondément, lâcha un "Ça, c'est de l'air pur !" et alluma une cigarette. (p.477)
Vivre, c’est être vulnérable.
Aimer, c’est avoir peur.
- Est-ce que je peux vraiment lire mon avenir ?
- Facilement. Quand tu achètes un billet de train, tu ne fais pas que lire ton avenir, tu le formes. Sur le billet sont inscrits l'heure du départ, le wagon, le siège... Cela signifie que, dans l'avenir le plus probable, tu te rendras à la gare et tu rejoindras le wagon dont le numéro est imprimé sur ton billet.
Rue « Qui-mène-à-la-mer », ce fut ainsi que Sacha décida de l’appeler. Les petites plaques qui portaient le nom mensonger de cette voie, un mot simple et repoussant, n’avait aucun sens. Il arrive que les gens donnent des noms stupides à des choses merveilleuses, et inversement…
Ce n’est pas possible à expliquer, cela ne peut qu’être compris.
Le monde tel que vous le voyez n'existe pas. Quant à l'image que vous vous en faites, n'en parlons pas. Certaines choses vous paraissent évidentes et acquises, pourtant elles n'existent pas. (p.103)
Chez nous, on dit qu'un voyageur dont on évoque le souvenir trouve une route sûre. Quand quelqu'un disparaît dans la forêt, on dit : personne n'a pensé à lui. Sache que tu ne te perdras pas dans la forêt. Sous chaque arbre tu trouveras une route.
Sacha se figurait ces définitions à rallonge comme des bébés dragons roulés en boule. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était trouver le bout de la queue puis dérouler le tout avec précaution : remonter le long de la colonne vertébrale jusqu'à la tête de la bête qui, bien des fois, se révélait polycéphale. Parfois elle retirait du plaisir de la seule compréhension de ce qu'elle lisait; en d'autres occasions, elle en éprouvait de la déception. À ces moments-là, elle avait l'impression que le manuel de philosophie était une brique d'aliments prémâchés et prédigérés, et qu'elle apprenait des définitions issues de la vie intérieure d'un autre, sans être capable d'appréhender les cheminements de pensée qui avaient abouti à ces conclusions.
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Parfois, pour renaître, il faut mourir