Les règles applicables au secteur extractif forment une forteresse juridique érigée sur mesure par et pour les compagnies minières. Lorsque l’une d’elles demande l’autorisation d’explorer un site , l’État n’évalue la pertinence du projet qu’au regard des capacités techniques et économiques de l’entreprise. Les impacts environnementaux ne sont pris en considération que bien plus tard, au moment de la demande d’ouverture de travaux. La France s’est abstenue de mettre de quelconques garde-fous qui lui permettraient de refuser très en amont des demandes de titres miniers. Or, lorsqu’un exploitant disposant d’un permis d’exploration (c’est-à-dire du droit de prospecter sur le terrain) découvre un gisement, son titre est automatiquement transformé en permis d’exploitation (le droit d’extraire et de commercialiser les matières). Cela s’appelle « le droit de suite ». Cette législation sécurise les investissements des industriels, mais c’est aux dépens de notre souveraineté et de la protection de l’intégrité de nos territoires.
En quittant Bellevue par la route, je me rends compte à quel point Cécile et Franck sont cernés de toute part. En périphérie du village, l’agriculture intensive fait des ravages, des projets de biomasse s’installent de manière insidieuse et des terres ancestrales sont arbitrairement distribuées aux porteurs de projets sans que les représentants des peuples autochtones ne soient consultés. Obtenir des terres collectives restituées par l’État serait un moyen pour eux de préserver l’intégrité de ces espaces convoités. Selon les chiffres de la Banque mondiale, les terres des peuples autochtones couvrent un quart des territoires mondiaux, mais ces peuples sont les gardiens de 80 % de la biodiversité mondiale. Force est de constater qu’il y a bien d’un côté, un modèle de société dit « moderne », mais qui repose sur l’exploitation de la terre et de l’autre, une civilisation ancestrale qui vit, agit et pense en symbiose avec la nature. L’un est condamné à muter ou disparaître car son modèle de fonctionnement dépasse les limites planétaires et compromet la pérennité de ses propres conditions d’existence. L’autre est résilient et s’attache à trouver un équilibre entre les humains et leur écosystème. Nous devons trouver les modalités pour réconcilier ces deux mondes et échanger notre modèle de domination pour devenir à notre tour des gardiens et gardiennes de la nature.