Quelques gouttes dans un verre, ou un côté "si-je-prenais-soin-de-mon-corps" conjugué à un "si-je-me-faisais-une-couleur" me poussent à pénétrer l’antre de ce Salon de beauté. Un accueil chaleureux, couleur chatoyante, calmitude et zénitude pour profiter des rayons de soleil qui se couchent avant la nuit chaude qui m’attend dans les ruelles mexicaines. Tenu par un travesti extravagant mais avec l’âge introverti, il a le sens de la déco et l’amour de son prochain.
Pour l’ambiance, des dizaines d’aquarium, les poissons ça calme, ça rend serein, ça rend zen ? Ça aide à oublier le monde et sa relative cruauté. Il m’explique qu’il a commencé avec des guppies, parce que c’était plus ou moins faciles à élever, avant de relever le défi sur des poissons plus colorés ou plus carnivores.
Un mal incurable, poisseux, quelques pestiférés tabassés dans les rues. Pour l’amour de son prochain, ses activités de « salon de beauté » ont dérivées pour prendre en charge des personnes dont personne ne voulait, des malades, des vieux, des fins de vie que l’on souhaite se décharger. C’est mieux qu’une décharge, mais cela reste quand même un mouroir. Mais un mouroir humain.
C’est un beau texte, auteur mexicain, qui pousse à la réflexion sur notre corps et notre déchéance, et par conséquent sur notre société. Le pathos qui pourrait facilement s’écouler dans ce genre de sujet n’est jamais présent. A la place, je trouve de la compassion et de l’humanité. Quelques scènes autour de la tenue des aquariums et des différents poissons que l’on peut y trouver, comme un parallèle à la vie humaine. Le dernier aquarium s’éternisera-t-il dans une décharge à ciel ouvert ? Je me dis d’ailleurs que ça pourrait faire un beau film chiant, et moi j’adore les films chiants, ça me repose et surtout il y a tant d’âme dans les films chiants, bref, je ne vais pas étaler ma vie cinématographique sur la place publique, j’ai mieux à faire comme de finir ce Diplomatico, place centrale, trompettes mariachis, vue sur les chiottes, au coin du mouroir, ce « salon de beauté » de dernière génération.
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Avant d'ouvrir la boîte de ce puzzle 243 pièces, aux bords incertains, parlons de son éditeur, Passage du Nord-Ouest, dont la mairie d'Albi (Tarn) aurait facilement pu allouer une partie du budget de disneylandisation de la ville à la sauvegarde de cette maison, responsable de sorties parmi les plus marquantes de la littérature hispanophone contemporaine (Fresàn, Benet, Sada, Vila-Matas, etc.), sans nouvelles depuis 2014… (bon, faut dire qu'ils ont fait un beau boulot avec la restauration d'un des plus beau édifice religieux du monde, la cathédrale Sainte-Cécile); mais je suppute, n'ayant trouvé davantage d'informations sur cette cessation d'activité (?).
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Et un petit coucou à la bibliothécaire de la médiathèque François Mitterand de Saint-Priest (Rhône) dont ce livre est à nouveau issu. Son coup de tampon est beaucoup plus doux et mesuré que celui de sa voisine majolane.
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Tant qu'on y est, pourquoi ne pas s'intéresser à l'un des plats les plus littéraire et patrimonial de la gastronomie française, le lièvre à la royale, dont l'évocation nous renvoie aux livres d'histoire…
En voici la recette, tirée de l'excellent Renards Gourmets:
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« Lièvre de Beauce à la royale, essences de chartreuse et de poivre long »
(4 personnes - - difficulté : très difficile - - coût : cher - - préparation : +/- 3 jours)
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INGREDIENTS :
Pour le foie gras :
125 g de foie gras de canard cru
1,25 g de baies de genièvre
1,25 g de bâton de fenouil sec
1,25 g de poivre de Sarawak
1/4 d'écorce de macis
2,5 g de gingembre frais
250 g de gros sel
100 g de sucre
1 cl d'huile de pépins de raisin
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Pour le lièvre :
deux tranches de jambon de pays
un râble de jeune lièvre
2,5 cl de Chartreuse verte
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Pour la farce à gratin :
15 g de lard de Colonnata
15 g de foie de volaille
15 g de chair de lièvre
0,5 cl de Beaumes-Venise
une gousse d'ail
un brin de serpolet
un brin de romarin
un brin de sarriette
un brin d'hysope
une feuille de laurier
fleur de sel
poivre long
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Pour la farce fine :
10 g de filet de lièvre
10 g de crème liquide
1 g de sel
0,5 g de poivre long
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Pour la farce mêlée :
150 g de chair d'épaule de lièvre
50 g de lard gras
25 g de lard de Colonnata
20 g de trompettes-de-la-mort sautées
20 g d'épinards blanchis
une gousse d'ail blanchie
fleur de sel
poivre long
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Pour la sauce royale :
1,5 kg de carcasse de lièvre
7 cl d'huile de pépins de raisin
40 g de beurre
250 g d'échalotes
1,5 têtes d'ail
un bouquet des mêmes herbes
5 baies de genièvre
5 cl de cognac
110 cl de vin rouge
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Première liaison :
3 gousses d'ail
1/2 échalote
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Seconde liaison :
0,5 cl de vinaigre de Barolo
40 g de foie de lièvre
30 g de foie gras confit
1,5 cl de sang de lièvre
1 cl de crème double
0,5 cl de Chartreuse
pointe de couteau de gelée d'églantier
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sauce miroir :
75 cl de Beaumes-de-Venise
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Pour la garniture
500 g de pommes de terre Bintje
120 g de farine type 00
30 g de semoule extra-fine
un oeuf entier
15 g de parmesan
muscade
poivre blanc du Penja
sel fin
50 cl de crème fraîche
50 g de mascarpone
25 g de jus de truffe
huile de truffe
quelques champignons de Paris)
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RECETTE :
1. Préparation du foie gras
Chambrer le lobe de foie gras pendant une vingtaine de minutes. Retirer ses vaisseaux puis lui donner la forme d'un boudin à la dimension du râble de lièvre. Réserver pendant une heure au réfrigérateur pour le raffermir. Faire torréfier les épices sauf le gingembre. Mélanger le sucre, le gros sel et les épices, ajouter enfin le gingembre fraîchement râpé. Disposer la moitié de cette préparation dans un bac. Poser le foie gras dessus puis l'emprisonner complètement avec le restant de sel. Réserver pendant une heure au réfrigérateur. Débarrasser le mélange, rincer abondamment et délicatement le foie gras puis le faire sécher parfaitement. Disposer dans un sac de cuisson sous-vide en enduisant le foie d'huile de pépins de raisin. Faire le vide puis faire cuire au bain-marie pendant une heure à 60°. Rafraîchir immédiatement dans une glaçante et réserver pendant une nuit au réfrigérateur.
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2. Préparation du lièvre
Rincer abondamment le râble de lièvre, le sécher et le disposer dans un bac, le badigeonner de Chartreuse, masser, filmer au contact et réserver toute une nuit.
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3. Préparation de la farce à gratin
Faire fondre le lard de Colonnata dans un petit poêlon, faire sauter le foie dans cette graisse chaude. Détailler la chair de lièvre en petits cubes et la faire suer. Saler et poivrer vigoureusement puis ajouter la gousse d'ail en chemise. Mélanger et verser le vin. Ajouter l'ensemble des herbes et laisser mijoter pendant deux minutes à feu très doux. Débarrasser sur une plaque posée sur de la glace. Laisser refroidir puis retirer les aromates. Mixer et tamiser. Filmer au contact et réserver au réfrigérateur.
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4. Préparation de la farce fine
Mixer la chair de lièvre avec le sel et le poivre. Ajouter la crème puis mixer pendant une minute. Racler les bords avec une maryse et mixer de nouveau pendant trente secondes. Tamiser, filmer au contact et réserver au réfrigérateur.
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5. Préparation de la farce mêlée
Dénerver parfaitement la chair de lièvre, la couper en cubes réguliers. Détailler le lard gras et le lard de Colonnata aux mêmes dimensions. Placer ce mélange au réfrigérateur avec le hachoir pendant une heure. Hacher avec une grille N°5. Assaisonner de fleur de sel et de poivre long. Ajouter les champignons, les épinards et la gousse d'ail puis mélanger longuement à la main. Incorporer à cette préparation la farce fine ainsi que la farce à gratin. Mélanger de nouveau longuement pour obtenir une préparation liée et collante. Filmer au contact et réserver au réfrigérateur.
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6. Montage du lièvre à la royale
Disposer une couche de film alimentaire supportant la cuisson sur le plan de travail. Coucher dessus les tranches de jambon puis le râble de lièvre, disposer les filets mignons entre les filets puis ajouter un tout petit peu de farce entre les filets. Poser le foie gras dégraissé dessus. Couvrir de farce puis replier les débords. Serrer le film pour obtenir une ballottine très ferme. Piquer le film et disposer dans un sac de cuisson sous-vide.
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7. Cuisson du lièvre à la royale
Faire cuire la ballottine pendant 24 heures à 64°. Rafraîchir immédiatement dans une glaçante et laisser totalement refroidir pendant 4 heures au réfrigérateur. Débarrasser le sac sous-vide, disposer la ballottine de lièvre dans son film sur une couche de film propre et rouler de nouveau en serrant pour obtenir un résultat très net. Réserver à nouveau une nuit au réfrigérateur.
…
8. Préparation de la sauce royale
Porter la bouteille de Beaumes-de-Venise à frémissement dans une large poêle. Faire réduire longuement à feu doux pour éviter de brûler les tanins. Après une longue réduction, la sauce ainsi obtenue doit être d'un noir implacable et avoir la consistance d'un sirop. Réserver le résultat ainsi obtenu.
Porter le vin à ébullition, le flamber et le réserver de côté. Concasser les carcasses et parures de lièvre. Disposer sur une plaque, enrober tous les éléments d'huile et de lamelles de beurre et faire cuire au four à 200° jusqu'à ce que les carcasses soient bien dorées. Ajouter les échalotes émincées et l'ail non pelé, disposer le tout dans une cocotte en fonte, dégraisser la plaque et la déglacer avec le cognac et le vin rouge. Ajouter ce jus à la cocotte, porter à frémissement, écumer régulièrement puis ajouter le bouquet et les baies. Sceller la cocotte avec une pâte morte et faire cuire pendant 6 heures à 130°. Chinoiser en foulant vigoureusement. Dégraisser si nécessaire puis porter la sauce ainsi obtenue à ébullition.
Hacher très finement l'ail et l'échalote et ajouter à la sauce en fouettant. Laisser mijoter à feu doux pendant une heure puis chinoiser. Écumer toutes les impuretés.
Mélanger le vinaigre, le foie gras confit, la chartreuse, la gelée d'églantier, le foie de lièvre pilé au mortier, la sauce miroir à base de Beaumes-de-Venise, le sang et la crème. Verser une louche de sauce chaude sur ce mélange et fouetter pour faire épaissir la sauce. Chinoiser et verser la sauce ainsi obtenu dans le restant de sauce réservé. Vérifier l'assaisonnement, saler et poivrer si nécessaire. Tenir chaud sans ne plus faire bouillir.
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9. Préparation de la garniture
Brosser les pommes de terre avec leur peau et les faire cuire dans une casserole d'eau froide salée qui sera emmenée progressivement à frémissement. Les pommes de terre doivent être très fondantes. Les éplucher chaudes, les écraser au presse purée puis les remettre dans la casserole sur feu doux pour les faire complètement dessécher. Combiner la farine et la semoule et en disposer un tiers à plat sur une planche. Tamiser la purée de pommes de terre sur cette farine et laisser tiédir. Faire un trou au centre pour incorporer l'oeuf. Disposer un second tiers de farine autour de cette préparation. Ajouter le sel, le poivre, la muscade et le parmesan puis travailler cette préparation jusqu'à ce que la pâte soit lisse et homogène. Ajouter la farine graduellement jusqu'à ce que la pâte ne colle plus. Couper la boule ainsi obtenue en tranches, rouler en forme de boudin chaque tranche puis détailler en tronçons. Fariner légèrement et laisser reposer sur un torchon.
Faire réduire la crème de moitié puis ajouter le mascarpone en fouettant ce mélange. Ajouter le jus de truffe et tenir chaud sans ne plus faire bouillir.
Faire pocher les gnocchis dans une casserole d'eau salée à peine frémissante puis les immerger dans une glaçante dès qu'ils remontent à la surface.
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10. Finitions et dressage
Découper des tranches de lièvre en conservant le film alimentaire pour aider à le maintenir. Disposer chaque tranche dans un sac de cuisson sous-vide. Faire réchauffer pendant 40 minutes à 61°.
Faire égoutter les gnocchis et les réchauffer dans le mélange à base de crème et de mascarpone. Ajouter quelques gouttes d'huile de truffe et rectifier l'assaisonnement si nécessaire. Les gnocchis doivent être parfaitement enrobés de sauce.
Découper les champignons à la mandoline.
Disposer les tranches de lièvre à la royale sur des assiettes chaudes. Napper généreusement de sauce très chaude mais pas bouillante. Ajouter les gnocchis à peine égouttés dans une assiette à part et quelques tranches de champignons crus. Déguster très chaud.
…
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Bon, si vous êtes encore là, je ne vais pas vous faire la blague des courgettes, la poubelle étant déjà pleine.
Quoi ? le lièvre ? le livre ? (sic) oh bah vous verrez bien… il y est question de vieux chameaux, d'une secte nommée « universelle », de cette fameuse voisine qui veut protéger vos animaux à votre place, et de plein d'autres choses qui s'imbriquent au bon vouloir du lecteur et de l'auteur, dans cette forme éclatée mais cohérente, uniquement « expérimentale » pour les toqués de la soucoupe volante, pleine de jeux de miroirs et de références littéraires, dont on laissera à la préfacière Emilie Colombani, et aux éditeurs, le soin d'en citer une partie (comme souvent, faites-en une postface plutôt…). Délicieux !
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Voici un bien étrange petit livre. Qui se veut japonisant, mais écrit par un auteur péruvien qui habite à Mexico et est un héritier de Borges, comme beaucoup d'auteurs hispaniques.
Plusieurs références littéraires, déjà dans le titre avec Murakami, mais aussi en filigranes avec le fameux mais quelque peu hermétique pour nous Occidentaux, Eloge de l'ombre de Tanizaki.
J'ai eu l'impression de découvrir en littérature comme un faux marbre. Plus vrai que nature et pourtant l'on sait que ce n'est pas du marbre. Etonnant.
Et que dire de ces (fausses ?) notes de bas de page qui se réfèrent à une autre note à l'autre bout du livre en avant, ou en arrière ? L'on sent poindre un humour certain chez cet auteur, qui décidément n'a pas l'air de se prendre au sérieux. Et c'est tant mieux.
Le tout donne un court volume bien intéressant. Assez en tout cas pour avoir éveillé ma curiosité et tenter de trouver d'autres ouvrages de cet auteur.
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On connaît la tendance de Mario Bellatin à la contrefaçon littéraire, son goût de l'appropriation, et le brouillage qu'il applique aussi bien aux sujets qu'il traite qu'à sa propre biographie. Disons, sans trop d'assurance, qu'il naquit en 1960 à Mexico, s'intéressa de près à la cinématographie, à l'art de la photographie et à l'esthétique japonaise. Dans cette fausse biographie, plus vraie que nature, il s'attache obstinément à la figure de Shiki Nagaoka, écrivain japonais affublé d'une tare physique plutôt encombrante : un nez long de seize centimètres. Dans un Japon obsédé par les velléités belliqueuses de l'Occident, civilisation des " grands nez ", un tel appendice génère des réactions mélangées... et influence forcément le destin de cet écrivain renommé dont l'ouvrage essentiel, rédigé en une langue inconnue, reste malheureusement indéchiffrable !
L'écriture dépouillée, où affleurent des émotions simples et un humour subtil, évoque Kawabata ou Tanizaki. Le procédé littéraire rappelle les chausse-trapes de Vila-Matas, les chatouilles de Pessoa. On aurait tendance à vouloir tout authentifier, tant Bellatin manie l'éolienne à la perfection, changeant un courant d'air en générateur survolté, mêlant subtilement fiction et non-fiction, parvenant même à nous convaincre de la nécessité de cette biographie imaginaire ! Avec, en annexe, trente pages de photographies malicieuses légitimant la réalité de ce personnage de fiction (une paire de tongs, des portraits flous, une flaque d'eau...), ainsi que deux récits japonais soi-disant traditionnels sur le thème du nez, Mario Bellatin signe un livre curieux et ludique, d'une grande habileté technique, mais surtout une galéjade littéraire fonctionnant à merveille.
http://www.lmda.net
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Ce roman est construit autour de deux récits. Le premier raconte la vie d’un médecin quinquagénaire. Au fil des ans sa vocation s’est étiolée, la pratique de son métier qui l’avait longtemps exalté est devenu mécanique ; son couple s’est enfoncé dans la routine et c’est maintenant dans les maisons closes de la ville, qu’il fréquente avec assiduité, qu’il trouve un peu de plaisir. Sa fille a épousé un homme d’affaire mais ne semble pas très heureuse et son fils connait des troubles inquiétants et des accès de violence probablement liés à l’usage de drogues. Il décèdera dans des circonstances que l’auteur n’élucidera pas complètement. Et c’est ce décès aux conséquences funestes qui clôt ce premier récit. Lors d’une consultation, un enfant qui accompagnait toujours sa mère atteinte d’un cancer, raconte au médecin une histoire qui lui paraît très étrange et ce sera le second récit du roman, moins prosaïque, plus labyrinthique, plus sensoriel aussi, allant de digressions en digressions, à la limite du fantastique, sans pour autant être incohérent. L’enfant (il n’y a aucun nom dans le roman) est chez son oncle et reçoit une lettre adressée à son père, avec un retard qui lui permet de justifier d’un remboursement. Mais il lui faut pour cela se rendre à l’agence de la messagerie privée le jour même. Dans la file d’attente, l’enfant rencontre une vieille dame excentrique, qu’il compare à la vierge d’une chapelle qu’il avait visitée un peu plus tôt. La vieille dame étoffe le récit de ses souvenirs, surtout celui, tragique, d’une jeune fille qui, échappant à la vigilance de sa mère, s’était noyée, quelques années auparavant, sur une plage de la ville. Ce souvenir avait rejailli lorsque l’enfant lui dit qu’il avait tenté de joindre l’agence d’une cabine téléphonique située justement sur cette plage. L’enfant avait lui-même failli se noyer, lors d’une partie de pêche avec son oncle et son père. La vieille dame, quant à elle, est dans cette agence, pour récupérer des graines. Elle cultive des plantes dans des serres. On apprend aussi qu’elle a été internée suite à une maladie nerveuse, que son mari, avec lequel elle n’eut jamais d’enfant, est décédé, après qu’il l’eut quittée. Les évènements s’enchaînent ainsi autour de circonstances parfois banales, aux enchainements pourtant déroutants, de conversations, de souvenirs, de drames aussi, avec des émotions violentes. Des évènements qui gardent aussi leur part d’ombre et de mensonge, comme si celui-ci était profondément lié à la réalité. C’est le premier livre que je lis de Bellatin et j’avoue que je m’attendais à une telle découverte. Bellatin est bien un virtuose, bien qu’il dise n’avoir aucune recette pour écrire, et une sorte de figure de proue des avant-gardes contemporaines.
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Très bref roman ou nouvelle ou plutôt deux nouvelles. Comment définir ces courts textes. Ecrits inclassables dans le style propre de cet auteur, qui sort vraiment de toute catégorisation.
En digne descendant de Borges, il y a de la fantaisie un peu hermétique, l'amour de la langue et ce grain de folie que ceux qui aiment ce type de littérature comprendront.
Une oeuvre très particulière.
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Ce roman mexicain (qui ne vous fera absolument pas découvrir le Mexique mais le Japon) est assez intriguant. Il a des allures de fable, histoire calme et tranquille, avec de légers soubresauts (mais vraiment tout légers). le récit m'a fait penser à un lac tranquille avec parfois des petits remous. Il y a une quiétude paisible dans la narration qui est agréable, malgré finalement la chute de l'histoire.
Nous découvrons que la vengeance est un plat qui se mange froid !
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Un très court récit très étonnant.
Ambiance nippone, ce récit assez proche du conte nous livre l'histoire de la jeune Izu qui suit des études d'art à l'université et qui tente de faire évoluer la pensée traditionnelle artistique japonaise.
Indépendante, elle se risque à rédiger une critique acerbe sur la collection d'art de M. Murakami qu'elle décrit comme un collectionneur amateur au sens péjoratif du terme qui a classé sa collection de façon totalement désordonnée.
Entre tradition et modernité, cérémonie du thé, kimono traditionnel et volonté d'indépendance, Izu finira par épouser M Murakami.
C'est une relation dénuée d'amour et contrainte par les traditions que nous livre Mario Bellatin, auteur mexicain.
L'écriture est fluide et poétique, les traditions japonaises parfaitement représentées. Les notes de bas de page sont éparpillées dans l'ouvrage : aux lecteurs de les trouver.
Des questions restent sans réponse sur les relations réelles entre les différents protagonistes et comme un ultime pied de nez aux lecteurs, l'auteur apporte en annexe des additifs à l'histoire sous forme de notes numérotées.
Un auteur à découvrir - Mario Bellatin est auteur d'une trentaine de romans, je pense que j'irais plus loin dans la découverte de son univers.
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Je n’ai pas fait « Khâgne » ou la fac de lettres. Je n’ai pas de capes de lettres et encore moins une agrégation en ce domaine, bref il doit me manquer quelque chose pour apprécier ce genre de roman que je trouve « sans queue ni tête ». Pour moi, la lecture en a été aussi étrange et déroutante que celle de « Cosmos » de Witold Gobrowicz. J’ai eu l’impression de perdre mon temps. Je suis un lecteur boulimique qui ne lit pas que des œuvres « grand public », mais, hélas, trois fois hélas, j’ai sûrement dû louper quelque chose, je ne dois pas posséder ce qu’il faut pour apprécier ce genre de littérature.
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Je, est celui qui raconte son histoire. Il n’a pas de nom, il est seulement Je, un travesti, coiffeur et propriétaire d’un salon de coiffure. Bien que celui-ci soit mixte, ce sont essentiellement des femmes qui viennent s’y faire coiffer, car elles semblent « indifférentes au fait d’être soignées par des stylistes portant presque toujours des vêtements féminins ».
Pour se démarquer des autres salons du quartier, et lui donner un peu de luxe, Je, a choisi de l’équiper d’aquariums ou évolueront des poissons. Différentes sortes de poissons, non fragiles ne nécessitant pas de soins particuliers, dont la vue et les circonvolutions détendront ses clientes, « qu’elles aient pendant leurs soins l’impression d’être immergées dans une eau cristalline avant de réapparaître à la surface, belles et rajeunies ».
Je, nous détaille ses choix sur les futurs occupants des aquariums, les soins prodigués, mais également leur mort somme toute assez tragique. Parallèlement, il se laisse aller à des confidences sur son passé, sa vie, et ses frasques avec les 3 autres coiffeurs. Sur le changement qui s’est opéré sur le salon et la tâche qu’il s’est donnée d’accomplir.
Ce salon initialement destiné à la beauté, s’est transformé, un peu par hasard, en mouroir, non pas en un hôpital ou une clinique, mais seulement en mouroir – le premier pensionnaire qu’il a accepté, l’a été à la demande d’un des compagnons qui travaillait avec lui. Le jeune homme avait été abandonné par son ami dès que celui-ci avait appris sa maladie, aucun hôpital, ni sa famille ne voulaient l’accueil ni le prendre en charge. Privé de ressources, il ne lui restait qu’à mourir dans la rue -.
Les règles sont très strictes. N’y sont admis que les malades en phase terminale, les dons d’argent en espèces, les confiseries, et le linge de lit. Pour faire face à cette nouvelle étape du salon, tout le matériel professionnel a été vendu, pour acheter, des lits métalliques, des matelas de paille, des ustensiles. Les miroirs ont été retirés pour éviter la vue de la multiplication de l’agonie des occupants.
Je, s’active seul - Surtout pas d’associations, ni de sœurs de la charité, qui viendrait prier pour les malades, pas de femmes, aucun médicament. - auprès de ses pensionnaires, ceux-ci ne manquent de rien. Il va jusqu’à affronter les habitants du quartier qui veulent faire brûler le mouroir mais qui s’arrêtent à la porte, rebutés par l’odeur qui y règne. Un jour, Je se sens plus faible. Il découvre des taches sur sa peau, et comprend alors que son tour est venu, mais que lui sera seul, ses compagnons étant déjà morts. Il s’inquiète alors du devenir de son salon lorsqu’il sera trop faible pour se lever. Je, pense qu’il fermera toutes les ouvertures, n’ouvrira à personne. Et peut -être que les institutions pour qui aider est une forme de vie, défonceront la porte. On comptera parmi elles, « les Sœurs de la Charité » et les associations à but non lucratif. Mais le plus probable est que quelques jours plus tard, ils défonceront la porte et « me trouveront mort, mais entouré de la splendeur d’autrefois ».
Ce n’est pas un livre larmoyant, ni même triste. L’auteur maintient une distance entre l’écriture et le tragique de la situation. Son personnage semble indifférent et résigné à l’inéluctable. C’est beau, c’est fort, ça vous prend au creux de l’estomac. J’ai adoré ce récit, bien qu'il m'ait bouleversé !
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lecture rapide, jolie petite histoire, je suis restée un peu sur "ma faim à la fin" car on perd le fil de l'histoire du personnage principal en dérivant sur celle de cet enfant... Mais sympa quand même.
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Un auteur s'attache-t-il à rendre ses personnages, sinon charismatiques, tout du moins attachants ?
Assurément pas Mario Bellatin.
Ce roman sombre narre l'histoire d'un travesti mexicain apathique qui a l'idée de transformer son salon de beauté en mouroir pour malades en fin de vie.
Les règles y sont strictes : que des hommes qui sont infectés par cette maladie que l'auteur ne nomme jamais.
A lire bien disposé moralement.
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La vie d'un gynéco n'est pas celle que l'on croit. La deuxième partie du récit éclaire singulièrement la folie rampante du personnage. Le terme "dames" est à employer dans tous les sens : des femmes oui, mais aussi un jeu et encore un outil à écraser tout ce qui dépasse, enfouissant un peu plus profond dans l'inconscient l'indicible.
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C’est un véritable exploit d’arriver en seulement quelques pages à créer un univers aussi riche de détails et d’émotions, et à donner vie à un narrateur avec autant de dimensions. Une très belle réussite.
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