Mario Telò est président de l'Institut d'Etudes Européennes de l'Université libre de Bruxelles : un observatoire fondamental sur la politique européenne. Mario Telò pense que l'Union européenne pourra être relancée en partant de ses relations extérieures, car c'est dans ce domaine qu'elle a su le mieux montrer la cohésion de ses Etats membres. Les relations extérieures deviennent donc centrales pour faire fonctionner tout processus d'intégration interne à l'union.
[a Grande-Bretagne] joue manifestement un rôle de frein à la construction européenne, qu'elle considère comme une arène de négociations brutales entre les intérêts nationaux, commerciaux et financiers en compétition. Une telle situation rappelait la décennie gaulliste, mais sans que cette vision intergouvernementale et instrumentale de l'Europe soit compensée par quelque chose de semblable à la volonté française d'autonomie politique internationale.
C'est l'Europe qui a inventé l'Etat moderne, souverain, territorial, westphalien. C'est l'Europe qui au XXIème siècle a connu les pires perversions de l'Etat nationaliste. C'est l'Europe qui a communiqué depuis soixante ans un message nouveau, le message de la coopération institutionnalisé entre anciens ennemis comme voie royale pour consolider la paix, a démocratie et la prospérité socio-économique. Toute analyse sérieuse de la crise [de 2008] attire l'attention sur l'insuffisance de l'intégration et pas sur l'intégration régionale elle-même, comme cause interne de la crise.
L'Union européenne n'est pas et ne deviendra pas une puissance militaire classique : son système décisionnel est trop complexe, son multilatéralisme interne est complexe et approfondi, certes, mais exclut le jus ad bellum, acte suprême de souveraineté politique, où le pouvoir décide de la vie et de la mort de ses citoyens. [...] L'UE ne dispose pas de la centralisation du pouvoir nécessaire pour pouvoir déclarer une guerre.
Les années 60 marquent paradoxalement une victoire de l'intégration puisque même le plus nationaliste des gouvernements du pays le plus "souverainiste" [la France de de Gaulle] n'a pas osé remettre en cause les traités déjà existants, ni ce qu'on appellera l'acquis communautaire.
Il est indéniable que le cosmopolitisme du libre-échange trouve ses racines dans le siècle des Lumières, notamment chez Bentham, dans le protestantisme, ainsi que dans la conception de Ricardo et de Smith d'un progrès économique sans limites des nations.
Comme preuve de la supériorité de la "méthode Monnet", l'écrasante majorité des membres de l'AELE ont par la suite demandé et obtenu d'adhérer à la Communauté européenne et ensuite à l'Union européenne.
L'Europe n'est plus le centre du monde, mais l'histoire européenne est unique et importante pour le genre humain.