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Citation de Ziliz


- [...] J'ai cru que je pouvais faire confiance à ce connard [d'instituteur]. J'ai tout balancé. J'ai expliqué que ma mère se faisait défoncer la gueule tous les jours, et que pour mes frères et moi c'était à peine moins souvent, et que si on y échappait, c'était souvent parce que ma mère s'était interposée pour prendre les gnons à notre place. Parce que le paternel, c'était deux gros poings au bout d'une machine à pas réfléchir. Il avait tellement de rage et tellement pas d'éducation qu'il pouvait pas faire autrement. Il savait rien de rien, mon père. Sauf qu'il avait tout donné pour qu'on quitte l'Italie, tout. Et la misère qu'il trouvait en France, c'était la même, exactement la même, que celle qu'on avait quittée. Bref, cet instit'... Bon, il a sûrement fait ce qu'il a pu, mais... il a convoqué la mère, direct. Elle captait rien, ma mère, elle parlait même pas un italien correct, elle baragouinait un patois vénitien. [...]
Ma mère, quand elle a su pour la convocation, elle a mis sa plus belle robe et elle est allée au rendez-vous en me jetant des regards furieux sur le trajet de l'école, et en me demandant quelle bêtise j'avais faite pour qu'elle soit convoquée comme ça. Et quand le maître a commencé à parler des violences... comment t'expliquer ? J'ai vu tellement de terreur sur son visage, et tellement d'incompréhension - on ne parle pas de ce qu'il se passe à la 'casa', surtout pas à un étranger, comment j'avais pu ? Alors j'ai eu peur. Et j'ai nié.
- Comment ça ?
- J'ai dit que j'avais menti. Que j'avais tout inventé, pour me faire remarquer, pour faire comme mon copain.
- Mais il t'a cru ?
- Oui. C'est ça le plus fou, et le plus triste, dans cette histoire. Il a pas vu les cernes de ma mère, son regard coupable, son silence coupable. C'est comme s'il était soulagé de m'entendre dire ça. Il m'a hurlé dessus, m'a traité de menteur, et il a continué de le faire durant toute l'année... devant les autres élèves. C'était mort : j'étais un menteur. Je suis plus vieux [que toi] tu sais, à l'époque, passer pour un menteur, c'était vraiment la honte.
- Et ta mère ?
- Ma mère, elle a rien dit jusqu'à la maison. Et puis avant d'entrer, elle m'a retenu par le bras et m'a glissé 'Grazie per tuo padre', merci pour ton père. Voilà. C'est tout ce qu'elle a dit. Et elle a continué à prendre des coups, et à serrer les dents. Sans pleurer. Parce que chez moi, c'est pas juste les hommes qui pleurent pas, tu vois. C'est tout le monde.
(p. 83-84)
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