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Citations de Marion Messina (25)


On vante le libéralisme à l'américaine, la liberté de mener sa barque mais le modèle émergent est un hybride de laisser-faire et de despotisme administratif - on reste de grands enfants levant le doigt pour demander la permission d'aller pisser.
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Retourner travailler lundi est impossible. Les arrêts de travail se négocient comme des otages. Elle doit démissionner. Elle n'a plus envie de composer avec une administration lâche qui lui envoie des courriels truffés de fautes. Elle n'est plus en mesure de supporter des parents odieux convaincus d'avoir enfanté Einstein ; endurer la compagnie de parents gentils mais qui ne comprennent pas un mot de français ; mettre à jour son lexique professionnel comme une commerciale ; accueillir des enfants qui auraient été mieux ailleurs ; essuyer les remontrances des uns et des autres ; passer pour une privilégiée ; faire un peu de tout, mal, sauf son travail correctement.
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Constance était tombée amoureuse comme on tombe dans les escaliers.
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Alejandro s’était réveillé avec la bouche sèche et la mi-molle des matins maussades. Il s’était étiré péniblement, la paume dorée de ses mains fines avait touché la poutre qui traversait l’unique pièce de son appartement. Il avait faim, le frigo acheté chez les Compagnons d’Emmaüs dégageait une odeur âcre de pâtes aux lardons. Il avait remis le même caleçon que depuis trois jours, enfilé un pull trop fin pour supporter les hivers grenoblois et regardé la liste de ses téléchargements. Il observa d’un œil torve et d’une main agitée la sodomie d’une quadragénaire en porte-jarretelles et talons aiguilles, sortit s’acheter un kebab avec un ticket-resto et rentra dans son dix-huit mètres carrés poussiéreux. Il était déjà 17 heures, c’était un samedi pluvieux et froid de décembre. Il ne travaillait pas les week-ends. La prochaine beuverie chez ses amis compatriotes ne commencerait pas avant 21 heures. Il se roula un joint et s’allongea.
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Les conversations au téléphone s'articulaient autour de ruptures que l'on voyait venir dès le premier jour, d'envies d'enfants pas vraiment sincères- un moutard sur le tard, pour ne pas mourir idiote, pour voir ce que ça fait: une nouvelle expérience consommateur à évaluer. Un gosse banal au prénom extraordinaire, un petit être fabriqué dans le moule unique duquel on extrait les éléments de la société tertiaire, un être humain monitoré dès la conception, assommé de musique classique censée rendre intelligent, conditionné pour racheter les échecs des parents, formaté pour être présenté au monde comme un génie, biberonné à l'ambition et au fiel, amorti comme un investissement dans les clubs de sport dès 3 ans, invité à tous les anniversaires, à l'aise dans la foule et le bruit, future star de n'importe quoi pourvu qu'il eût été une star. Le genre de gosse absolument normal, sursocialisé, que les parents rêvaient de faire un jour diagnostiquer haut potentiel intellectuel. Un enfant pataugeant dans la dissonance cognitive dès le berceau, encouragé à être le meilleur partout mais bercé par des discours anti-compétition.
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Dans cette civilisation du faux-semblant, l'homme sain est condamné à l'asile. Seule la culture de la liberté pourrait l'en extirper. Mais Sabrina a bien vu dans quel état sont les enfants, désireux, avides d'intégrer cette ronde macabre.
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Il y avait un blocage, une envie de ne pas s'exhiber, un désir profond de ne pas tout donner à des inconnus, ni son amitié ni son cul trop facilement.
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On n'avait jamais autant parlé de cul de manière libérée mais elle ne voyait que des célibataires décomplexés, obligés de consacrer une part non négligeable de leur revenu dans des sorties en quête du partenaire de débauche d'un soir ou d'un mois, délai maximal toléré. p. 104
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Heureux de se délester de leurs mioches, bambins sur-stimulés dès le stade fœtal par des procréateurs compétitifs et hargneux, ils ne manquent pas de comparer l'école à un système carcéral tout en concoctant à leurs lardons des agendas de ministre. Ces semi-éduqués, seconds couteaux de boîtes de communication ou de publicité, ne cachent pas leur mépris pour Sabrina qui a enduré le même nombre d'années d'études qu'eux; ils la considèrent comme une nourrice que l'Etat met à leur disposition et entretiennent avec elle un rapport de client insatisfait.
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Le sens de sa présence en Europe lui échappait, il était devenu un branleur stricto sensu, la masturbation et la recherche du plaisir sexuel occupant l'essentiel de son temps libre.
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L'aventure et l'imprévu laissaient la place à l'extrême planification, à l'angoisse du lendemain, les road trips avaient disparu au profit des stages de prévention, des spots télévisés de sécurité routière peuplés d'enfants aux destins et à la nuque brisés, il ne fallait plus faire l'amour sans connaître les antécédents du partenaire sexuel.
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Il n'y avait que des citoyens libres de s'amuser et de choisir leur solitude en se pensant maîtres de leur vie, quand celle-ci était rythmée par l'heure des passages du train de banlieue. Il y avait quelque chose de mortifère dans toutes ces pintes de bière exhibées sur les photos de soirées, dans les meutes de festivaliers qui criaient dans la rue, dans la recherche de l'approbation de centaines d'amis virtuels, dans les fêtards de trente cinq ans qui draguaient des élèves de terminale dans les bars, dans les cursus universitaires sans fin et dans l'adulescence jusqu'à la mort.
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Un Colombien sur le creuset français:

"En fait, vous n'êtes pas racistes, vous êtes des xénophiles. Vous voulez imiter les Etats-Unis tout en vous targuant d'une exception culturelle. Vous voulez le melting-pot, la diversité et toutes conneries, tout en reniant le communautarisme...Ces choses n'existent pas ! Au Brésil les descendants d'esclaves ont la même couleur que leurs ancêtres et les arrière-petit-fils d'Allemands sont toujours blonds. Les gens ne se mélangent pas. p.201
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Avec le temps et grâce à d'hypothétiques futurs amis, elle rencontrerait un gentil garçon de son âge, elle aurait des enfants aux alentours de vingt-huit ans. Sa vie serait paisible et indolore, comme celle de ses parents.
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Aurélie était à Paris depuis un peu plus de deux mois, elle avait validé sa période d’essai et pouvait se lancer dans la recherche périlleuse d’un logement. Elle avait été hôtesse dans un prestigieux cabinet d’avocats du VIIIe arrondissement, dans une centrale d’appels pour une chaîne de la grande distribution à Rungis, dans un musée très réputé, dans divers sièges sociaux, dans les locaux d’une société de production audiovisuelle. Elle avait traversé toute la petite couronne en bus, transilien et métro. Certains déplacements prenaient quatre heures aller-retour, ce temps de transport n’était jamais rémunéré. Elle avait fondu, il avait fallu changer deux fois de tailleur. Elle se nourrissait mal, irrégulièrement, de carottes râpées en boîte plastique et sandwiches au poulet recomposé ou au surimi. Elle avait promis à sa mère d’effectuer une prise de sang afin de détecter une éventuelle anémie. Le laboratoire d’analyses était ouvert sur ses horaires de travail, la secrétaire médicale aurait demandé une ordonnance. Elle n’avait pas de médecin traitant à Paris, pas effectué
les démarches administratives auprès de la CPAM.
Pour cela, elle aurait dû aller dans un cybercafé afin d’imprimer le courrier. Cela lui aurait coûté une journée.
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L'appendice érectile entre ses jambes lui imposerait de reconquérir un vagin. Il citerait alors Cioran en exagérant son accent, enfilerait un préservatif et assouvirait ses besoins. Il était impérieux d'éjaculer régulièrement, au même titre que manger et pisser. Seules les femmes, jeune de surcroît, pouvaient se permettre de mourir d'amour.
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Tous les mots avaient été salis, leur vocation était de faire tomber sa jupe sur ses chevilles ou de la relever sur son bassin pour présenter son vagin à celui qui lui offrirait la meilleure logorrhée sirupeuse.
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Le désir du consommateur de disposer d'une capacité d'achat vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept se retrouvait dans la volonté de ses contemporains de disposer d'amis, camarades de fêtes, plans cul et relations sentimentales à leur guise. Toutes les formules de la vie sociale étaient sans engagement, rétractables sans délai de préavis.
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Citoyen du monde, c'était le caprice ultime du peuple repu qui se déplace sans risquer sa vie. p88
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Elle trouvait les couples "officiels" ridicules, elle se réjouissait de pouvoir se soustraire aux convenances auxquelles elle aurait pourtant tant voulu se soumettre.
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