« Je ne juge personne », dit Jésus, parce qu’il sait combien profondes sont nos ténèbres et terrifiante cette vie crue à laquelle nous sommes nés. Il sait aussi que nous avons plus d’aptitude à consolider nos malheurs qu’à les consoler. Il sait que les enclos fermés de nos systèmes nous projettent plus loin dans nos enfers que le malheur lui-même, que nous sommes la seule espèce vivante qui double sa peine à se sentir maudit en plus que d’être malade. Il sait – et n’est-il pas d’ailleurs venu pour cela ? – que les significations perverses que nous donnerons aux événements nous feront plonger en désespoir plus sûrement que les événements eux-mêmes. Il sait notre faculté à nous mettre au ban, à ployer sur le regard imaginaire d’un Dieu totalitaire. Il connaît nos incompressibles relents de religiosité, notre compréhension pathétiquement binaire et notre quête folle d’un coupable.