Après le désastre du corps à corps, Arès me fait travailler mes muscles. Il veut que je sois tonique pour pouvoir grimper n'importe où et soulever n'importe quoi. On peut toujours rêver ! Au bout de la cinquième pompe, mes bras se décrochent et après quinze secondes de gainage je prie le ciel pour mourir plus vite. Tant de torture, ce n'est pas humain ! Pour la série d'abdos, je me révèle être un peu moins mauvaise, mais je reste très très(ai-je oublié un "très" ?) loin des trois-cents imposés par mon coach.
Un peu avant midi, Arès m'abandonne alors que j'agonise, allongée à moitié morte, sur le parquet de mon salon.
_ Je repasserai dans la soirée pour la suite de ton entraînement au tir, dit-il en me quittant.
J'ai vraiment hâte...
Mon époux fait irruption dans le bureau, tout branlant, et sa canne à la main. Il a une dégaine à faire peur à un mal voyant.
Je lui arrache le parchemin et la fleur des mains pour les fourrer dans mon sac. Ma relation compliquée avec son frère ne le regarde pas.
_ Je n'allais pas te les voler ! Je déteste les fleurs. C'est beaucoup trop vivant à mon goût, se moque-t-il.
_ Qu'aimes tu offrir aux femmes alors ?
Il n'y a qu'Hadès pour penser que les fleurs ne sont pas un cadeau adorable.
_ Des pierres, Perséphone ne se plaint jamais quand je lui offre un beau diamant.
_ Évidemment ! je réponds en levant les yeux au ciel.
Par urgence , j'entends les tentatives de suicide. J'en ai pas mal au téléphone des comme ça. C'est une clientèle de choix pour les réseaux de téléphone rose : des mecs qui veulent vivre une dernière fois le grand frisson avant de se jeter d'un pont... Dès que j'en ai un en ligne, je contacte immédiatement les secours. Je ne veux pas avoir de mort sur la conscience. En plus, quand on sait à quoi ressemblent les Enfers, on n'est jamais trop pressé d'y aller en long séjour. Hadès n'est pas spécialement connu pour son hospitalité.
Je suis méfiante. Que va-t-il me demander cette fois-ci ? Hadès n'accorde aucune faveur s'il n'y trouve pas son compte. Jamais.
_ Une fiole de ton sang dit-il avec un sourire carnassier.
_ Que vas-tu en faire ?
Le sang d'un Dieu est puissant. Une seule goutte de cet élixir et un humain devient Immortel. C e breuvage sauve les humains, mais c'est un poison pour les Dieux. Quelques gorgées et ils peuvent perdre la raison.
Je prends les présages très au sérieux. L'aube à peine levée, j'ai trouvé un oiseau mort devant ma porte. Ce n'était pas annonciateur de bonnes nouvelles. Et même si je suis bien contente que le pigeon qui a cogné pendant trois ans à ma fenêtre, toutes les nuits ait rendu l'âme, je regrette qu'il l'ait fait sur mon paillasson Ça porte malheur. Stupide volatile ! Même mort, il continue de me pourrir la vie.
— Je n’ai pas voulu t’étouffer. Tu t’es offerte à moi, explique-t-il avec sérieux.
Offerte à lui ? Ben voyons !
— Tu as bu trop d’eau salée, ne prends pas tes rêves pour des réalités !
— C’est toi qui as bu la tasse, pas moi, se moque-t-il.
— Je t’ai juste regardé dans les yeux et puis ton foutu raz-de-marée m’a engloutie, espèce de taré ! Je suis vraiment de très mauvaise humeur à présent.
— C’est aussi ce que j’ai ressenti… un raz-de-marée, murmure-t-il presque pour lui-même.
— Pourquoi as-tu fait ça ? je demande hors de moi. Ses prunelles turquoise se posent sur moi et comme je refuse de le regarder, il soulève mon menton jusqu’à ce que son visage se trouve à quelques millimètres du mien.
— Je n’ai rien fait. Absolument rien. Tu dois me croire, Aphrodite.
Son souffle me caresse et je me surprends à inhaler avidement son odeur de brise légère.
J’ai envie de poser mes lèvres sur les siennes pour pouvoir mieux y goûter.
Le matin, Arès me réveille à coup de boxe, judo et taekwondo pour m’apprendre à me défendre. Il ne manque plus que le krav maga pour faire de moi une vraie badass !
Après les arts martiaux (que je ne maitrise pas du tout), je maudis les deux heures de musculation corsée. Je deviens une professionnelle des pompes : je ne m’effondre plus que vers la douzième ! Seul point positif de ma nullité notoire, aucune épaule carrée de nageur ne m’apparaîtra de sitôt. (…)
(…) Le soir, j’ai droit à quelques cours de tir avec toutes les armes possibles et imaginables. J’ai même quelques bases de combat à l’épée maintenant ! J’ai été agréablement surprise de découvrir que je suis plutôt douée pour viser une cible, sauf avec un arc. Je n’arrive pas à bander assez pour que la flèche s’envole, c’est désespérant. Arès dit que je devrais faire plus de pompes. Il rêve !
Il parle d’Artémis, sa jumelle. A eux deux, ils sont la Lune et le Soleil : opposés, mais indissociables. Tandis que l’un s’acharne à briller de mille feux, l’autre préfère scintiller discrètement dans la nuit, à l’abri des regards. Aussi différents que semblables, l’un ne peut exister sans l’autre.
Jamais un baiser ne m’a autant poussée dans mes retranchements. J’en veux plus, toujours plus... Je suis incapable de lui refuser quoi que ce soit. La bouche de Poséidon a le goût iodé de la mer, l’odeur des vagues au soleil et elle m’entraîne vers les abysses.