Interview de Marion Vernoux
Quand j'ai rencontré Jacques, j'avais vingt et un ans, mon père et ma mère étaient vivants, je n'avais pas encore réalisé de films, j'avais été plutôt malheureuse en amour, j'avais déjà mes copines. J'étais jeune. Aujourd'hui, j'en ai quarante deux. J'ai donc passé la moitié de ma vie auprès de lui. Le temps ne nous a pas épargnés, évidemment. Malgré la peur bleue d'être l'un sans l'autre. Nous avons décidé de nous séparer. Le dernier verrou a sauté, un lendemain de réveillon sous les tropiques. Une banale scène de ménage triste à pleurer.
J’envisage de faire un masque exfoliant. Dommage, cela n’atteint que les couches supérieures de l’épiderme. Comment désincruster la paresse, combattre l’angoisse, combler le vide vertigineux, se donner des airs de femme active alors que, regardons les choses en face : Moi, Marion V., quarante-neuf ans, femme au foyer, intermittente, chômeuse.
Je consulte mon téléphone portable dont la batterie est chargée à bloc : personne n’a encore eu l’idée de m’appeler. Mais c’est normal, il est 10h10, les gens normaux sont au boulot. Je les comprends. À leur place, je ne m’appellerais pas non plus. Regardons les choses en face : moi, Marion V., 49 ans, femme au foyer, intermittente, chômeuse.
J'ai la chance d'être blanche, d'avoir grandi dans l'hypercentre de la capitale, d'avoir fréquenté les meilleurs établissements parisiens, d'être dotée d'un physique agréable et d'évoluer dans un milieu bourgeois bohème. Finalement, le garçon manqué que je prétends être apparait plutot comme une jeune fille confrontée aux premiers émois amoureux.