AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Mariusz Wilk (18)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Dans le sillage des oies sauvages

Dans "Le sillage des oies sauvages" est dédié à la petite fille de Mariusz Wilk, Martoucha, née trois ans avant sa parution. Tout ce livre va nous conduire progressivement vers celle qui n'apparaît que dans la troisième partie intitulée "L'outre-miroir"

Le prologue est placé sous le signe du vagabondage et de sa belle rencontre avec Kenneth White au festival Étonnants Voyageurs 2007

..."vagabonder est un état d'esprit, ce n'est pas une activité comme voyager. Ryszard Kapuscinski fut un grand voyageur du XXe siècle. Kenneth White, à mes yeux, est le modèle du vagabond contemporain."

Lors de sa lecture de la route bleue en mai 2006, il sait qu'il a rencontré un frère :

(...) Dès la première page, je fus totalement transporté par ma lecture. Parvenu à la phrase : " Peut-être l'idée est-elle d'aller aussi loin que possible -- jusqu'au bout de soi-même -- jusqu'à un territoire où le temps se convertit en espace, où les choses apparaissent dans toute leur nudité et où le vent souffle, anonyme", je sus que j'avais trouvé en lui un nouveau frère, un homme "prisonnier de l'exil occidental", pour reprendre ses mots, qui devait passer par le Nord pour trouver son Orient. p 10

(...) Nous citions les mêmes auteurs, de Thoreau à Bashö, et appartenions à la même compagnie des "oies sauvages" humaines.

Et leurs deux maisons vagabondes se rejoignent : La Maison des marées pour Kenneth White et La Maison au bord de l'Oniego de Mariusz Wilk. p 12



Des nombreux fils de trame qui composent Dans le sillage des oies sauvages, les deux qui s'y croisent le plus souvent sont le miroir et "la tropa" :

Le miroir apparaît dans le titre des 2 parties qui entourent le récit central du voyage au Labrador sur les traces de Kenneth White intitulé "Le hachis de caribou"



Dans la première, "Le miroir d'eau", Wilk nous parle de Petrozavodsk la ville la plus proche de Konda oú se situe sa maison

p.22 Située au bord du lac Onega, Petrozavodsk se mire en permanence dans ses eaux comme dans un miroir et, selon la grosseur des vagues ou l'angle de chute des rayons du soleil, la ville découvre son visage dans des torsions, des reflets, des foyers lumineux et des masques de toutes sortes. L'été, les nuits blanches y sourdent d'un halo mat (les maîtres anciens obtenaient le même effet en utilisant la tempera à l'oeuf), sous l'effet duquel les choses se transforment pour n'être plus que leur ombre.

Le miroir d'eau traverse aussi la route du Labrador lorsque Denise Robertson, une belle rencontre faite le long de cette route parfois décevante où "le tourisme tue le mystère de la route", lui offre l'une de ses photos "la photo du miroir d'eau sur lequel les esprits de ses ancêtres indiens regardent du haut d'un arbre, et où la surface du lac pourrait aussi bien être le ciel."

On le croise en cours de route avec le peintre Balthus. Et il sera toujours là dans l'ultime partie "L'outre-miroir".



Quant à la tropa, c'est un mot qui recouvre le chemin et la manière de le fouler :

"J'ai trouvé le mot tropa dans le Dahl (Dictionnaire raisonné du russe vivant ...).

Du verbe tropat', dans le dialecte du Pomorié, qui signifie "fouler". C'est le sentier, le chemin de la vie qu'on foule avec ses pieds au rythme de son sang. de la cellule du père Guerman aux îles Solovki, où j'ai commencé à fouler le mien, j'ai emporté comme un viatique cet aphorisme qu'il avait énoncé : "On peut voyager toute une vie sans quitter sa cellule."

Au départ, c'est mon ego personnel qui a constitué la nature de ma tropa. C'est moi qui foule mon chemin ! (...)

Ensuite, j'ai trouvé une vieille maison au bord du lac Onega et c'est elle qui est devenue ma tropa. (...) Chez les Samis, j'ai compris que ce n'est pas moi qui foule le chemin mais le chemin qui me foule. C'est la loi des nomades. Tu vas dans une direction, tu ne vas pas à un but. p 153

Et p 163 ... un aspect très important de la tropa, du chemin, à savoir la possibilité de la fouler dans les mots.

Et puis je viens d'avoir une fille, une petite Martoucha ; c'est désormais elle qui sera ma "tropa". Où me conduira-t-elle ? Je n'en sais rien. p 154



Voilà dans ces quelques phrases, soulignée la progression de toute une vie.

Mais ne vous y trompez pas, la fantaisie est toujours là et Mariusz Wilk n'aime rien tant que de vagabonder. C'est la forme du journal qui lui permet de donner libre cours à sa fantaisie et sa curiosité sans limites pour les êtres, la beauté de son environnement et la poésie qui émane aussi bien du quotidien que de l'inattendu.



" Je prends plaisir à traîner ! Dans l'espace ou dans le temps, dans une ville ou dans la toundra, en passant d'un individu à un livre ou l'inverse, peu importe. Mon chemin suit de véritables méandres car à chaque tournant s'ouvrent de nouveaux horizons, surviennent des rencontres inattendues, de nouvelles lectures par dizaines. Il arrive qu'en chemin je doive m'arrêter : c'est le ferry qui tombe en panne, un bonhomme qui est en retard, un livre qui manque et qu'il faut commander dans une autre bibliothèque située dans une autre ville. Rien ne se fait de force, dans la précipitation. le vagabondage enseigne la patience." P47



J'aime particulièrement cet écrivain car il ne se laisse pas enfermer dans une catégorie. Mais c'est aussi l'une des raisons qui font qu'il est très difficile de rendre toute la variété et la beauté qu'il offre à ses lecteurs avec beaucoup de générosité. Son dernier livre, La maison du vagabond, s'inscrit dans la continuité de celui-là. Il y a une unité qui leur est donné, en partie par la présence de la petite Martoucha qui tient une place grandissante.

Commenter  J’apprécie          402
Le Journal d'un loup

«A Solovki, on voit la Russie comme on voit la mer dans une goutte d’eau. L’archipel des Solovki, en effet, est à la fois la quintessence et une anticipation de la Russie ; c’est depuis des siècles, un centre de l’orthodoxie et un important foyer de la nation russe dans le Grand Nord. Ici, au monastère de Solovki, dans ses cellules et dans ses cachots, s’est écrite pendant des siècles entiers l’histoire de la Russie.» p 19



Après s’être longuement déplacé dans toute La Russie comme correspondant d’un journal polonais «le quotidien de Gdansk» et avoir fréquenté aussi bien les «nouveaux riches» russes que les plus marginaux Mariusz Wilk s’installe pour une dizaine d’années dans une maison en bois sur une île des Solovki :

«Les fenêtres de notre maison donnent sur la baie de la Prospérité, la mer est dans le prolongement de la table sur laquelle j’écris. Pendant l’hiver, ma feuille de papier et la blancheur de la glace, de l’autre côté du carreau, se confondent et les traces de tchernilo (encre dont il donne la recette tirée d’un livre datant du XVIe siècle et dont il dit que les scribes du monastère n’étaient pas autorisés à prendre une plume en main tant qu’il ne l’avait pas eux-même fabriquée) se transforment si subitement en une tropa --un chemin-- tracée par des skis, que souvent je me demande si je ne suis pas déjà en mer. L’hiver, les vents sculptent la neige chaque jour autrement, effaçant le chemin.»



Le microcosme de l’archipel des Solovki va lui permettre de tenter de saisir les multiples facettes de cette Russie fascinante, aux reflets changeants sans se perdre sur son territoire immense. Mariusz Wilk en s’immergeant dans ce lieu nous offre un récit passionnant de bout en bout en touchant à tous les domaines sans être superficiel et en restant vivant et plein de verve.

Il nous déroule un véritable tapis aux couleurs somptueuses et riches par moment, mité et en lambeaux à d’autres. Il nous parle des habitants de l’archipel, tout au plus un millier, dont il a fini par connaître la plupart. Certains d’entre eux avec lesquels il va à la cueillette des champignons et des baies ou à la pêche, dont il partage les fêtes, les deuils et les beuveries, sont attachants et inoubliables.

En employant des mots russes, dont il explique l’origine et la signification, il nous fait également pénétré un peu cette langue magnifique. Il nous communique, en plus de celle de l’encre, des recettes de cuisine. 


C’est aussi toute une longue histoire depuis les traces de cultes païens et des rites chamaniques en passant par Ivan le terrible et ses successeurs jusqu’à nos jours qui défile sous nos yeux à travers celle brillante, obscure et cruelle du monastère qui en a subi toutes les vicissitudes. Ainsi, après avoir «accueilli» dans ses cachots les opposants des différents tsars, le monastère sera vidé de ses moines (ils seront fusillés) et les bâtiments et les îles de l’archipel transformés en un vaste camp de travail aux conditions inhumaines, ouvert en 1923, qu’Alexandre Soljénitsyne avait qualifié de «mère du Goulag» et dont la devise était «Par une main de fer amenons de force l’humanité vers le bonheur»

Actuellement les Solovkis sont envahis par le tourisme (ce qui fera fuir Mariusz Wilk vers une autre maison, au bord du lac Oniego en Carélie, titre d’un autre de ses livres), le monastère est redevenu un lieu de pélerinage, a retrouvé ses ors et ses moines. Quant aux habitants de l’île ils vivent pour la plupart, dans un grand dénuement et une grande détresse morale.

En conclusion, cette réflexion extraite du témoignage d’un voyageur anglais, Chancellor, dont la frégate est la seule qui revint des trois parties, le 2 août 1553, explorer les terres du grand nord pour ouvrir une route vers la Chine. La véracité du récit qu’il fera à son retour sera mis en doute et il répondit alors aux uns et aux autres : « Vous connaissez ces pays par ouï-dire ; moi, je les connais de par ma propre expérience ; vous à travers des livres écrits par d’autres ; moi de par mes propres observations ; vous, vous ne faîtes que répéter des idées générales tandis que moi, je suis allé là-bas.» Mariusz Wilk pourrait faire sienne cette réflexion.

Commenter  J’apprécie          282
La maison du vagabond

Voici une lecture du hasard, et quel heureux hasard, je découvre cet auteur et cette Russie. Ce livre est une partie du journal de l'auteur où il nous livre ses pensées, sa vie, ses voyages, ses lectures et sa tendre enfant. C'est foisonnant d'idées et j'ai pu grâce cette lecture me délecter des paysages qui a su si bien décrire et nous partager. Quelle quiétude au bord de ce lac ! Puis j'ai aussi pris le chemin du voyage avec Nicolas Bouvier dont j'ai commencé en parallèle la lecture, merveille.

Un livre à découvrir qui nous donne à réfléchir, à se pauser loin de la vie trépignante d'aujourd'hui, rester là un instant à contempler la beauté du jour qui se lève.

Bien sûr, il y a des parties de son journal qui m'a peu intéressée mais ça fait partie du jeu, et je pressais à les finir pour retrouver les écrits sur les écrivains, ou les paysages.



J'aimerais découvrir d'autres livres de cet auteur, hélas rien à ma bibliothèque, il me faut dénicher ces petites merveilles dans une bonne librairie que je n'ai pas chez moi.

Commenter  J’apprécie          110
La maison du vagabond

Ce livre est passionnant, foisonnant de sujets variés.



C'est un journal et donc on chemine à coté de l'auteur (presque) au jour le jour. Tantôt il évoque les littératures qui lui sont chères, tantôt la peinture, tantôt il évoque la présence de sa fille et la source de bonheur qu'elle représente pour lui... Et tantôt, il évoque la nature qui l'environne et qui va évoluer au fil des pages : les descriptions des teintes des ciels sont fantastiques !





C'est un livre qui pousse vers la découverte : tout d'abord vers les autres tomes écrits auparavant par ce même écrivain constituant le" Journal du Nord", vers les auteurs dont il parle au fil des pages, et vers d'autres récits d'hommes choisissant la vie au sein de la Nature plutôt qu'au coeur de la civilisation.



Il ne pouvait que me plaire et je le relirai car je l'ai trouvé dense et riche : il fait partie de ces livres qui sont différents quand on les reprend , ils apportent toujours quelque chose....une pépite !
Commenter  J’apprécie          71
La maison au bord de l'Oniégo



"Oui, je vais encore plus loin. Kliouïev est un mystique (un homme à la conscience élargie), il n’est donc pas dit qu’il ne pouvait pas être en esprit dans un lieu où il ne se trouvait pas physiquement." (214)



La fenêtre de la maison du Zaoniégé qui donne sur l’Oniégo me devient au fil des livres aussi familière que celles de ma propre demeure – qui ne donnent sur rien d’autre que des murs et des bouts de ciels aveyronnais. J’essaie de mettre en oeuvre ma conscience mystique pour la faire apparaître momentanément dans mon espace-temps. Mais je suis malheureusement la seule à la voir… comment partager une vision mystique avec ses proches ?



'J’ai le ciel dans les yeux

Parce que je suis le fils des grands lacs…' (236)



Dans La maison du vagabond (qui vient chronologiquement après ce journal), Mariusz Wilk parle du lac comme d’un miroir. Et je commence à comprendre, par ce biais, ce que je cherche et qui me touche chez les écrivains contemplatifs : une façon d’observer et de rendre compte dénuée d’auto-centrisme. Non pas qu’ils ne parlent pas d’eux-mêmes, de leurs vies et de leurs ressentis, c’est la subjectivité qui fait toute la singularité et la saveur d’un livre, mais leur ouverture de coeur est un miroir sans saisie personnelle.



'C’est la même chose dans le Nord où une soudaine tempête de neige, le gel prolongé ou les chocs sourds de la glace peuvent décider de la vie et de la mort. Dans de telles conditions, l’homme devient vigilant. Il sent sous lui l’abîme.' (179)



Vivre dans une maison isolée du Grand Nord au bord d’un lac, une maison qui devient un phare dans la nuit dès lors qu’elle est raccordée à l’électricité… ce type de pensées romantiques flottent au beau milieu de ma lecture. Pourtant, si je fais l’effort de revenir à des considérations plus réalistes, je me rends compte qu’il faut être taillé pour une telle vie : hiver à -40°, désertification des villages, avidité des nouveaux russes pour les ressources naturelles du pays… Les esprits païens – Korba dans les bois, Domovoï dans les foyers, Vodianoï au fond des eaux – ont du mouron à se faire même s’ils ont déjà survécu à la dévastation culturelle apportée par le communisme. Demeurera-t-il encore sur ces terres, d’ici quelques décennies, des saltimbanques de l’existence pour célébrer la fête paganiste d’adieu à l’hiver, le moment où la lumière prend le pas sur la nuit, en se régalant de blinis, ces mini-soleils ?


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
Commenter  J’apprécie          60
La maison du vagabond

Lire La Maison du vagabond, c’est rencontrer un homme : Mariusz Wilk et un lieu : une maison en bois dans un village à moitié déserté, Konda Berejnaïa, sur la rive nord du lac Onega, un des plus grands lacs d’Europe, en république de Carélie. Et les deux sont liés : l’homme est le paysage et le paysage est l’homme. Indissociables.

L’auteur nous livre ici son journal : chaque jour ou presque, il parle des hommes, des lieux, des livres, de sa fille Martusza et du temps qui passe… Il nous livre ses pensées, ses confidences, ses émotions, ses doutes, au fil des jours, au fil du temps.

Lorsqu’il regarde par la fenêtre de sa maison, ce qu’il voit est beau, infiniment beau.

Il raconte qu’un de ses amis « avait cru se trouver sur la paume ouverte de Dieu » et qu’à son retour, il s’était fait baptiser ! Un autre convive, Georges Nivat, invité à séjourner quelques jours à Konda, aurait dit qu’ « il suffit d’avoir un horizon comme celui-ci pour avoir tout de suite envie d’écrire », ce qui donne, en russe (si, si, il faut se mettre dans l’ambiance !) : « Vot, ouvidish takoï okoïom i srazou zakhotchech pisat’ ».

Et ce qu’il voit dans sa propre maison est peut-être encore plus beau, si c’est possible… Kandinsky, serait devenu le peintre génial qu’il est en entrant un jour dans une de ces maisons en bois : « Une table, des bancs, un poêle immense, une armoire et un buffet, le tout décoré avec des ornements multicolores peints à grands traits, aux murs des scènes de bylines (chants épiques de la Russie ancienne racontant les hauts faits des chevaliers) éclatantes de couleurs et le coin rouge avec les icônes, éclairé par une petite lampe rouge comme si elle se murmurait à elle-même, vivant sa vie mystérieuse… »

Je lis cette description et repense à ma grand-mère et à mon arrière-grand-mère russes que je n’ai pas connues. Je les imagine assises près d’un samovar dans un jardin de Serpoukhov au sud de Moscou. En réalité, je n’imagine rien, je vois, sur des photos. Ma grand-mère est encore un bébé et ils n’ont pas encore quitté leur pays…

Marius tente de décrire les fameuses nuits blanches que certains disent plutôt roses, lui les voit « lilas jusqu’au gris d’or ». Le paysage est peinture : « en regardant aujourd’hui par la fenêtre, je vois le cobalt pâle de l’Onega et un ciel d’un violet délavé ». Une vraie « palette mystique ».

Plus difficile encore est de décrire la fonte des glaces car « celle-ci fond différemment au soleil et sous l’averse ; le vent l’entasse, le brouillard la gobe, la vague la grumelle… Tout cela s’accompagne de sons : un grondement, des éclats, divers crissements et bourdonnements, claquements, grincements et craquements. Et puis, tout se met à bouger … comme si le paysage de l’autre côté de ma fenêtre avait pris un coup de pied. »

Tiens, soudain, je pense à Chagall, à ses personnages et ses animaux qui volent, à ses maisons en rondins penchées.

Et l’eau du bouleau, « le meilleur médicament du printemps pour soigner le vague à l’âme », il faut la récolter dans des pots attachés sur les troncs…

Mariusz parle aussi de ses auteurs, longuement : Gombrowicz, Sebald, Bouvier, il les cite, les commente, les analyse. Il a le temps. « Un grand nombre de passages de mon journal constituent effectivement le récit de la contemplation d’un « flâneur »… ce qui demande une lecture peu hâtive et du temps pour réfléchir ainsi que, bien souvent, des retours à ce qui vient d’être lu pour retrouver le cheminement oublié d’une pensée… »

Prendre le temps de penser, de contempler, de rêver, de vagabonder toujours et encore et revenir à la maison, devenir la maison dans le paysage grandiose, être dans la beauté, être la beauté.

Mariusz Wilk n’écrit pas sur le monde dans le sens où son travail n’est pas un reportage sur une région, ses hommes et ses coutumes. Non, il « écrit le monde », de l’intérieur, de son corps et de son âme, il vit la chapelle de la Vierge douloureuse « qui se reflète dans la surface lumineuse et azurée de l’Onega », il partage avec son lecteur les tartines à l’ail, le hareng et la bière, nous conviant à un voyage « au plus profond » de lui et si l’on sait écouter, on l’entendra car, « au loin, à l’horizon, le ciel et la terre se rejoignent en silence. Dans une telle quiétude, on entend chaque mot. »

Je les ai entendus et ils sont là, dans mon cœur.


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          62
La maison au bord de l'Oniégo

Ce livre est le journal du séjour de l'auteur au bord du lac Oniégo, au nord-ouest de la Russie. L'auteur ne retrace pas seulement la vie quotidienne mais il fournit une foule de référence sur plein de sujets touchants à la Russie. On voit que l'auteur aime cette région du grand Nord qu'il décrit à merveille. Le tout forme un livre assez inclassable que j'ai mis du temps à lire.

Je ressorts un peu mitigé de ma lecture, pas impossible que je le relise à un autre moment, dans l'idéal il faudrait le lire pendant un séjour au nord de l'Oniégo... Mais ça ce n'est pas prévu au programme pour le moment !
Commenter  J’apprécie          60
La maison au bord de l'Oniégo

Un sacre depaysement avec cet auteur qui dans ce journal de son sejour en Carelie, nous invite dans un lieu improbable: une petite maison de bois dans un village perdu aux abords du lac Oniego, un des plus grands lacs d’Europe. Depuis cette maison, il parle de L’Oniego et de ses habitants, de la facon dont cette region est exploitee par les russes de la capitale, de « l’ame russe ». Il explique aussi les effets qu’a eu le communisme sur cette region et sur ses habitants. Ce journal fourmille de mille choses … inclut des commentaires de linguistique (pas evident d’en saisir les nuances quand on ne connait pas le russe), sur le « chamanisme » russe, des discussions sur des auteurs et poetes russes dont je n’ai (bien entendu) jamais entendu parle, quelques references a des auteurs non slaves et aussi de nombreuses pages sur la litterature et la poesie japonaise dont Wilk est un grand amateur. Cette grande variete fait que bien sur certains passages se trouvent assez difficiles a saisir dans toutes leur references … mais l’ecriture n’etant ni lourde si monotonne, ce n’est pas un inconvenient majeur. Je referais volontier une lecture de ce livre avec a cote de moi un ordinateur ou une encyclopedie pour en savoir plus sur tous ces auteurs auxquels Wilk fait references, ou juste pour avoir une carte geographique pour situer l’archipel Solovki (son precedent lieu de residence) ou les villages autour de sa maison de bois …

Une lecture tres instructive donc. Une invitation a un voyage plus a l’Est … enfin au Nord Est en compagnie d’un guide hors du commun …
Commenter  J’apprécie          60
Portage

«  Portage » n'est pas le livre le plus facile de Mariusz Wilk mais, à bien y réfléchir, aucun de ses livres (disponibles aux éditions Noir sur Blanc) n'est réellement évident pour un lecteur profane. En cause la slavophilie prononcée de Wilk. Cela nous permettra au passage de mesurer combien nous sommes, pour la plupart d'entre nous, ignorants en ces domaines. Les amateurs de littératures russes ne sont déjà pas si nombreux, quant à ceux qui s'intéressent à l'histoire ou aux langues des peuples slaves, ils sont de véritables perles rares.



Il est des structurations culturelles qui ont la vie dure, si dure en effet, que nous ne prenons même plus la peine de les reformuler. Cela devient donc un noyau référentiel profond qui n'ose plus dire son nom : nos références sont avant tout gréco-romaines et parfois, par extension, moyen-orientales. Régis Boyer, grand spécialiste des cultures nordiques et celtiques, évoquait il y a peu ce problème dans un article de presse. Il constatait avec dépit que l'immense majorité de nos intellectuels traitaient toujours avec dédain et une totale ignorance, l'immense domaine culturel nordique, qui pourtant, en matière de littérature écrite, fut extrêmement performant, à des âges où la prose latine n'en est encore qu'à ses balbutiements (cf la poésie scaldique). Les cultures slaves anciennes ne sont pas mieux traitées.



A cela quelques raisons dont le peu de proximité du français avec les langues nordiques ou gaéliques et à plus forte raison avec les langues slaves. Sans doute également un ressenti général des latins du grand ouest européens qui redoutent depuis toujours « les invasions barbares » venu de l'Est. Ce qui fut vrai en terme de stratégie militaire ne le fut pas moins du point de vue intellectuel et culturel.



Mais avec Wilk, il est toujours question de voyage et de dépaysement violent. Alors il faudra, coûte que coûte, s'embarquer avec lui sur un petit voilier et remonter, de lac en lac et d'écluse en écluse, ce fameux « Canal de la mer blanche » qui relie la Baltique à la mer polaire du Nord. Staline l'a fait creuser au début des années trente par quelques dizaines de milliers de réprouvés politiques. Le parti se fendit même d'une politique de « réhabilitation par le travail » qui fit les plus grandes joies de la propagande de l'époque. Compte tenu des conditions de travail et de la rudesse du climat, les ouvriers du canal périrent en grand nombre. Comme dans la plupart des cas historiques attachés à l'ancienne Union Soviétique, personne ne sait au juste ce que coûta ce canal en vies humaines : 50 000, peut être plus. Nombreux en tout cas furent les hommes et les femmes « définitivement réahabilités » ! Bien entendu, la comparaison avec le nazisme ou d'autres systèmes totalitaires est tentante mais Mariusz Wilk cherche surtout à restituer ce que fut, dans le contexte, la singularité du système soviétique qui étouffait ses ouailles dans un système de double contrainte : renoncer à soi-même et à toute liberté mais rêver aussi malgré tout de devenir un « héros » du travail et du système communiste. Car certains s'en sont sortis non seulement vivants mais véritablement réinsérés dans le système ; du moins pour un temps, avant les grandes purges staliniennes et les grandes saignées de la seconde guerre mondiale...



Mais « Portage » n'évoque pas seulement l'histoire controversée du canal. Il s'agit plus prosaïquement d'un livre de voyage. Les réflexions de Wilk sont profondes, diverses, il scrute la profondeur des lacs ou celles moins vertigineuses des décolletés des filles qui se baignent sur sur ses rives. Il s'interroge à notre grand désarroi sur l'évolution de la langue russe, jongle avec son vocabulaire, et évoque à grands traits la culture spécifique de cette Carélie qui, dans un passé lointain, a connu de grandes heures. Hélas, les différents systèmes ( Église orthodoxe, tsarisme, invasions régulières et guerres meurtrières, jusqu'au système communisme) n'ont cessé de casser et de refondre ce « grand cœur du nord », jamais à son avantage. C'est alors de vastes régions dévastées que Mariusz Wilk et ses compagnons visitent. Aucune brutalité ne semble épargnée à ses populations, à la fois exsangues et psychologiquement au bord de l'épuisement. On le savait déjà, rien ne fonctionne plus logiquement en Russie, et cela pourrait durer encore longtemps. Alors si Wilk se perd souvent en digressions, il s'épargne en définitif tout jugement sur ce qu'il constate.

Un lien puissant, peut être inexplicable, peut être inextricable, éminemment poétique attache Wilk à ce grand nord-ouest russe dont il semble connaître les confins les plus reculés. Il en étudie, avec délectation, les vieilles maisons de bois, restitue en gourmet les recettes locales. Sa curiosité est sans limite mais jamais indécente. Il l'observe chaque chose et chacun du point de vue le plus neutre possible et essaie de contourner toute idée préconçue, qu'elle soit d'origine russe (soljetnitsyne) ou occidentale. C'est là toute la force du voyageur : qu'importe ce qu'on en dit, il importe de vérifier les choses par soi-même. Quitte à prendre quelques risques, comme lorsque que Wilk se rend dans un camp de prisonnier encore en activité, muni d'une accréditation minimale, afin de demander à en étudier les archives.



Avec Wilk donc, on a toutes les chances de voyager en « Terra incognita ». Le dépaysement et aussi brutal que le titre en alcool des nombreuses gnôles avalées ici et là par l'auteur afin de se fondre dans l'atmosphère générale, souvent glaciale, du grand nord. Les livres de Mariusz Wilk sont entêtants et finalement inoubliables.
Lien : http://feuilles.de.joie@gmai..
Commenter  J’apprécie          51
La maison du vagabond



"Le retour à soi – c’est le retour à ses propres pensées pour laisser derrière soi le monde du tumulte médiatique. Le retour au calme où non seulement on voit le Réel mais où on l’entend aussi. Au silence. Le retour à soi, c’est le retour du vagabond chez lui." (20)



Au début, j’ai eu peur. La plume de Mariusz Wilk part dans des considérations sur l’espace et le temps assez pointues dans les premières pages du livre, je ne me sentais pas assez intrépide pour pénétrer un nuage de philosophie développé. Par bonheur et assez rapidement, l’écrivain n’hésite pas à se départir de ses réflexions poussées pour aller planter des patates. Et dans la taïga, les moustiques vrombissent parfois si fort qu’ils prennent la place des pensées. Ce qui insuffle à ses écrits une tout autre dimension. Plus que la conceptualisation intellectuelle, c’est la contemplation qui miroite au fond du coeur du vagabond.



"Certes, écrivait-il, il fallait bien rentrer un jour ou l’autre, impossible de repousser sans cesse la date de la fin du congé […] Mais trois jours étaient passés et il s’était soudain aperçu qu’il lui manquait quelque chose, qu’il ressentait comme une perte douloureuse que rien ne pouvait combler à Moscou – l’Outre-Miroir. Non, ce n’était pas seulement l’eau, les cieux, les pierres et les reflets. Mais un monde dans lequel le « Moi » ne prend pas uniquement la forme d’une pensée… Là-bas, dans l’Outre-Miroir, il dépasse de loin la pensée, alliant en lui la lumière, les couleurs, les odeurs, le jeu de la réalité et ses transformations constantes que l’on perçoit avec ses six antennes (c’est-à-dire à la façon bouddhiste : avec le toucher, l’odorat, la vue, le goût, l’ouïe et seulement à la toute fin avec l’esprit), mais aussi avec le corps entier, dans la lassitude des muscles, les élancements dans les os, avec la peau, la rate et le coeur." (143)



Mariusz Wilk s’implique de tout son corps et de tout son esprit, se fond et se dissipe dans la "gloubinka", la Russie profonde, à la manière de Nicolas Vanier. Par ce processus de dépouillement et d’écoute il tente de saisir l’essence de l’instant, en pleine conscience, et de léguer cet espace spirituel à sa fille. Un espace hors du temps, frémissant d’une expérience transmise, qu’elle pourra rappeler en elle au besoin pour ne pas oublier que la liberté et la beauté authentiques sont possibles, même au sein d’une existence rude, et que les marchands de mirages sont nombreux.



"D’ailleurs, lors de mon séjour sur la péninsule de Kola, j’avais déjà remarqué qu’année après année, les Saamis reprenaient soi-disant le même chemin pour le pâturage des rennes; or, en réalité, ils revenaient dans des endroits qui avaient beaucoup changé en une année… […] il suffit de retourner de temps en temps dans les mêmes lieux pour s’élever de plus en plus haut […] Car dans l’espace-temps (si on nomadise à travers les anciens endroits), nous nous déplaçons sur le fil d’une spirale et non en décrivant un cercle. C’est pour cela que je préfère revisiter les endroits connus plutôt que d’aller de nouveauté en nouveauté, en accord avec le temps linéaire." (25)



Quand on revient, année après année, vers les mêmes lieux, on s’élève. Je crois que c’est – au-delà de mon affinité profonde avec le mode d’être, immobile mais toujours vibrant et dansant dans l’immensité, exprimé par l’auteur – le passage qui m’aura le plus marquée dans le livre. Je n’avais jamais envisagé les choses sous cet angle… la ligne, le cercle, oui, mais la spirale qui ne s’enroule pas vers un centre mais s’élève… en voilà une trouvaille ! Cette image me porte à repenser certains symbolismes vus sur des photos d’art rupestre, des peintures autochtones. Elle m’offre une profonde mise en valeur de mon cycle saisonnier et y apporte une touche de finesse spirituelle en plus. Ce qui m’évitera peut-être de n’être, comme le définit Mariusz Wilk, qu’un "quidam littéraire" qui passe, se distrait un instant à l’aune de son narcissisme et oublie. Je reviendrai volontiers vers ce livre au gré d’un virage de ma spirale.




Lien : http://versautrechose.fr/blo..
Commenter  J’apprécie          40
La maison du vagabond

Je remercie les éditions Noir sur Blanc et Babelio pour cet envoi dans le cadre de la Masse Critique de mai.

Dans ce journal, Mariusz Wilk évoque les auteurs qu'il aime (Gombrowicz, Bouvier...), ce qu'il retient de leurs récits mais aussi de la façon dont lui voit les choses mais aussi les peintres, photographes qui ont retenu son attention ou encore certaines personnes qu'il a côtoyé et qui l'ont marqué.

Il s'interroge sur différentes notions et notamment celle du temps et de sa perception en fonction de l'âge que l'on a ; de la mort ; des saisons ; des couleurs ; des paysages... Pour chacune de ses réflexions, l'auteur s'appuie sur des ouvrages, des auteurs en citant des passages précis et en développant avec sa propre pensée proposant ainsi des chapitres riches et très intéressants qui poussent le lecteur à s'interroger, lui aussi, sur le monde qui l'entoure.



J'ai beaucoup aimé la plume de Mariusz Wilk avec sa façon d'écrire très fluide et poétique, je me suis laissée transporter au fil des pages dans ses souvenirs et vagabondages. le vocabulaire employé est très précis, à de nombreuses reprises l'auteur s'interroge sur l'emploi des mots afin de retranscrire au mieux ce qu'il souhaite dire, transmettre au lecteur et à sa fille. L'emploi de certains mots en langue russe donne encore plus d'authenticité au récit.



On ressent très bien l'émerveillement de l'auteur pour la nature, les couleurs, les paysages mais aussi une certaine frustration due à la difficulté de trouver les bons mots pour décrire ce qui l'entoure. Il souhaite laisser une trace, des souvenirs à Martusza, sa fille. Certains passages où il s'adresse directement à cette dernière sont très touchants et l'on ressent parfaitement tout l'amour qu'il lui porte.

Ce livre est reposant, passionnant, dépaysant et m'a fait voyager dans cette région de l'Onega qui doit être magnifique. C'est une très belle lecture qui invite le lecteur à s'évader et à explorer différemment le "Nord" comme l'appelle Mariusz Wilk.
Commenter  J’apprécie          40
Le Journal d'un loup

Le Journal d’un loup est presque l’antithèse d’un voyage, surtout dans sa première partie : l’écrivain fait de ses « Notes de Solovki » une exploration presque stationnaire d’un lieu mythique, l’archipel des Solovki.

-- Retrouvez toute ma chronique sur le lien ci-dessous --
Lien : https://passagealest.wordpre..
Commenter  J’apprécie          30
La maison au bord de l'Oniégo

Un polonais amoureux du grand nord russe en fournit une description imagée et nostalgique.
Commenter  J’apprécie          30
Dans le sillage des oies sauvages

J’avais relativement apprécié son “Journal du loupˮ (jeu de mot sur son nom) et plus que modérément “Dans les pas du renneˮ. Relisant mes notes, j’avais écrit que j’avais butiné son texte, comme le font les rennes avec les lichens. Je nous donne une autre chance avec ce livre. J’ai lu sur la quatrième de couverture que l’auteur a vécu une dizaine d’années aux Solovki et qu’une première partie du livre raconte ses déambulations à Petrozavodsk. Ayant visité et les unes et l’autre, je me suis donc laissé tente. Hélas ! Il tire à la ligne et donne l’impression de recopier des articles de Wikipedia ou de guide voyages, c’est d’un intérêt limité, pour se limiter pieusement dans la litote. Le deuxième volet traite de son voyage au Canada en compagnie, intellectuelle, d K. White. C’est encore pire, du style “Racontez votre voyage chez votre cousin à la campagneˮ. Quand à l’épisode autour du lac Onega, son récit prend l’eau de toute part. Tout ce brouet est accompagné de considérations de circonstances et de banalités à la mode. Vraiment certains éditeurs font curieusement dans la philanthropie littéraire et moralisante.
Commenter  J’apprécie          21
Dans les pas du renne

L'auteur part sur la trace des Saami (autrefois appelés Lapons) dans le grand nord russe. Il essaie de rencontrer des représentants actuels de ce peuple, et reconstitue aussi dans les livres et bibliothèque le passé, l'histoire, plus ancienne et hypothétique et plus récente. Il voyage sur les lieux, tente d'approcher les derniers rennes libres.



Le sujet donne une plus grande unité à ce livre qu'aux autres du même auteur. Il s'efface aussi un peu plus derrière son sujet, même s'il est toujours présent avec son vécu, ses sensations, et ses opinions. On le sent très fasciné par ce peuple, nomade par excellence, suivant le renne et toujours en mouvement, se reconnaissant dans cette façon de vivre.



Mais il est en même temps sans illusions sur le présent, il dit la fin de la culture saami, telle qu'elle a existé pendant des siècles et des siècles. La sédentarisation forcée sous Staline, et puis ensuite la perte des traditions, et un impossible retour à un état d'absence de possessions matérielles, que suppose le nomadisme. Le désastre écologique aussi de régions entières suite à l'exploitation des ressources naturelles. Le seul endroit où subsiste une habitation traditionnelle est le musée. Et ceux qui prétendent faire revivre les traditions, en récoltant de l'argent à l'étranger, les adoptent forcément, trouvent une sorte d'activité commerciale comme une autre, y compris auprès de touristes.



En même temps, quelque chose de la magie du lieu, subsiste encore, et cela peut valoir le coup de se battre pour tenter de la préserver, même si c'est sans illusions.



Une lecture qui m'a apporté une fraîcheur très appréciable ces derniers jours. J'aurais presque eu envie de partir dans la tempête de neige.

Commenter  J’apprécie          20
Le Journal d'un loup

Il ne faudrait pas vous attendre à un livre qui parle de loups, celui du titre est tout simplement l’auteur, son nom Wilk, signifiant loup en polonais. Il nous livre ses impressions de sa vie dans les îles de Solovki, un archipel proche du cercle polaire, dans lequel il s’est installé, en vivant la vie de ses habitants. Il se qualifie d’ailleurs lui-même comme un écrivain russe de langue polonaise. Il nous raconte des tranches de vie quotidienne, parfois dans des conditions difficiles, entre nature hostile et conditions matériels précaire, car au moment où se passe le récit (en gros l’époque de Boris Eltsine) les salaires ne sont pas versés régulièrement, et les gens doivent pour manger compter sur leurs propres ressources comme la chasse ou la pêche. Il évoque aussi des réminiscences historiques liées aux lieux, goulag ou vie dans les monastères.



Son récit est à la fois plein de sympathie et d’intérêt pour les gens qu’il rencontre, sans pour autant à aucun moment idéaliser les choses, essayer de les rendre plus belles ou pittoresques. La réalité est dure, souvent sordide, et l’écrivain la décrit telle qu’elle est. Mais ces lieux à priori déshérités, ont un charme bien à eux, qui crée une accoutumance chez ceux qui les ont connus, qui font qu’on ne peut plus les quitter, et Mariusz Wilk est de ceux qui ont succombé à l’attrait de ces îles ; et il nous transmet sa passion.



J’ai été particulièrement sensible à l’écriture de l’auteur, il a un style bien à lui, dans une langue pleine d’archaïsmes et de tournures un peu désuètes, qui conviennent bien à ces lieux hors du temps. Il fait aussi le lien entre le polonais et le russe, il fait ressortir les liens entre les deux langues, mais cet aspect doit être complètement perdu à la traduction.



Ce livre est le premier consacré par Mariusz Wilk à la Russie, d'autres sont parus depuis.

Commenter  J’apprécie          20
Portage

Mariusz Wilk est un auteur et journaliste polonais vivant en Russie depuis 1989, dans le Nord-Ouest de la Russie. Ce récit de voyage raconte un périple en 1999 et 2000.



Cet ouvrage se présente comme un journal. Certes. Les chapitres sont datés et suivent le parcours en boucle effectué avec deux amis sur le canal de la Mer Blanche à bord de leur bateau l’Antour. Pourtant, cet ouvrage est bien plus qu’un journal de bord. Ce Portage, c’est un reportage, des articles développant un sujet précis, un aspect, un historique, ponctuent les étapes de la navigation.



Exigeante et passionnante lecture au fil de l’eau et de l’écriture en trois parties : – Les Notes des îles Solovki ( où résidait l’auteur à cette époque ) dans lesquelles il retrace l’histoire du Nord Russe, une culture qui s’enracine, les invasions, les saints, les boyards, les tsars et Novgorod-la-Grande; – A travers la Carélie, le cœur de ce livre, relatant l’historique technique et humain des travaux de construction du canal sous Staline, les villages appauvris, les monastères, le complexe concentrationnaire mer Blanche-mer Baltique, les paysages et les épaves soviétiques, les alcools et les nuits » blanches » sous le climat de ces latitudes, le voyage s’étant déroulé au cours de l’été; – Le Journal du Nord, en épisodes et souvenirs russes, revenant sur la rédaction de ce livre.



Les pages de ce livre sont nourries de rencontres, humaines et littéraires. L’auteur nous raconte la vieille Russie, celle qu’il nomme la rousskaïa gloubinka, la province russe, la Russie profonde, y convoque des écrivains – s’attardant sur l’œuvre de Varlam Chalamov, mettant en cause certaines références d’Alexandre Soljenitsyne, citant des chroniques et récits des siècles passés – abordant la linguistique, l’archéologie, l’architecture ainsi que l’histoire religieuse, économique, politique.



L’érudition du propos, complétée par des notes de bas de page quant à l’usage de certains termes russes ou les définissant ( commentaires majoritairement du traducteur mais aussi parfois de Mariusz Wilk ) n’étouffe pas le récit de voyage, servi par le ton enlevé, l’enrichit, ajoutant aux lieux, aux moments, aux mots choisis, reliefs et perspectives.


Lien : http://www.lire-et-merveille..
Commenter  J’apprécie          20
La maison au bord de l'Oniégo

Suite du journal de Mariusz Wilk, lié à un autre endroit du Nord de la Russie, le lac Oniego. L'auteur revendique de quitter la civilisation du XXIème siècle, il doit faire installer l'électricité qui n'arrivait pas avant. Ce que je trouve amusant, c'est que sa motivation pour cette installation est avant tout de pouvoir se servir de son ordinateur, car il n'est plus capable d'écrire à la main. Comme quoi, il est parfois impossible de faire fi des techniques auxquelles on s'est habitué. Mais électricité ou pas, il vit là sans télévision, ni radio, ni internet, recevant par une poste aléatoire des journaux avec un grand retard. L'isolement du monde moderne et de ses vicissitudes est presque total. L'endroit où il vit est de plus isolé quasi complètement du monde en hiver par la neige. L'essentiel est de d'aller chercher de l'eau, de couper du bois pour se chauffer. Une vie très proche des besoins essentiels de l'homme. Et un cadre idéal pour lire, pour réfléchir et écrire.



Les descriptions de la nature sont belles; les plongées dans l'histoire et la culture russe passionnantes, et ce que l'auteur écrit sur les écrivains qu'il aime (dont Kawabata) sont vraiment très réussies. Cela dit j'ai moins aimé ce troisième tome que les deux premier. Je trouve que l'auteur se prend un peu trop au sérieux, en particulier en tant qu'écrivain, et que ses jugements sont parfois bien définitifs, alors que ce qu'il dit pourrait être pour le moins discutable sur certains points. Le fait de s'écarter du monde moderne et de ses trépidantes évolutions donne certainement une autre dimension aux choses, mais à considérer certains événements de trop loin, on finit par ne plus les comprendre tout à fait.



Mais ce sont des défauts secondaires dans un livre qui est un très grand plaisir. L'auteur y prend le risque de s'y dévoiler de façon très complète, et forcement certaines opinions ou points de vue sont discutables. Heureusement d'ailleurs. Et sa vision de la Russie, pleine de passion, mais en même temps n'idéalisant pas la réalité est vraiment d'une grande richesse et densité. Je continuerai donc à voyager avec lui dans les autres volumes de son journal.

Commenter  J’apprécie          10


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Mariusz Wilk (62)Voir plus

Quiz Voir plus

Arnaldur Indridason ou Camilia Läckberg

L’enfant allemand ?

Arnaldur Indridason
Camilia Läckberg

10 questions
91 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}