Marjory Kenlay

J’envie son audace, elle n’a jamais peur de revendiquer sa personnalité et ses désirs. Evan se prend volontiers au jeu, en déblatérant des « Dis-moi beauté, je suis né pour assouvir vos désirs » bla-bla-bla. Son attention s’écarte de Jenny pour se focaliser, à mon grand regret, sur moi. Je suis au paroxysme de l’écarlate et s’il continue de me fixer comme s’il comptait me manger, je vais finir par exploser. Sous le coup de l’adrénaline, je prends la parole. Surprise par ma démarche, je poursuis en lui confiant chercher Sam. Vu l’étonnement sur son visage et le ton de sa voix, ma requête ne semble pas lui plaire. Peut-être envisage-t-il notre présence comme une distraction personnelle de début ou fin de soirée ? N’est-ce pas le schéma classique dont il a l’habitude ? Une nana différente dans chaque ville, toujours plus sexy et dévergondée, prête à tout pour assouvir les désirs et fantasmes d’Evan Thomas ? Pire, m’a-t-il prise pour une prétendante de Sam ? Mon frère ? Beurk !! Quelle horreur !

Pas besoin d’être devin, un seul regard suffit pour le comprendre. Lui est beau, talentueux et tellement sûr de lui. Moi, juste une fille lambda sans intérêt. J’avais besoin de quelques minutes dans ses bras, pas de promesses, pas d’engagement ni de sentiments, j’en aurais été incapable. Simplement cinq minutes de son corps contre le mien, cinq longues minutes de désir brûlant pour moi. J’ai juste voulu sentir encore quelques instants la chaleur de son corps me réchauffer pour me sentir vivante à nouveau. Un peu de réconfort, rien de plus. Tout comme ses groupies, je suppose. Visiblement, ça ne l’intéresse pas.
Il marmonne quelque chose d’incompréhensible avant de quitter l’appartement en claquant la porte derrière lui. Bravo meuf, tu l’as fait fuir. Les larmes se mettent à couler le long de mes joues. Sans un bruit, je me dirige vers la salle de bain. J’ai besoin d’une bonne douche pour m’apaiser. 

La tête sous l’eau, je m’autorise enfin à lâcher ma rage. Je hurle de toutes mes forces. Je hurle toute la rage et la douleur que m’inflige leur trahison. Mais, surtout, sa trahison. À bout de souffle, je continue jusqu’à être complètement vidé de toute once d’énergie. Je me mets sur le dos, abandonnant mon corps au gré des flots.

Le temps s’est comme arrêté. Plus rien ne compte. Et puis, brusquement, il met fin à notre étreinte en me repoussant délicatement, mais fermement. Une douleur me tord alors les entrailles. Je sens instantanément le vide créé par l’absence de son contact  sur ma peau.
— Je suis désolé, Riley, je ne peux pas. Toi et moi, c’est pas une bonne idée.
Il me soulève et me dépose sur le canapé, me laissant pantelante après ce divin baiser. Il se passe les mains sur le visage en se redressant. Soudain, une vague de malaise vient remplacer la douleur de son rejet. J’ai terriblement honte ! Par mon attitude, puis d’être repoussée par Evan. Quelle imbécile je fais !Évidemment, lui et moi, c’est impossible. Pas besoin d’être devin, un seul regard suffit pour le comprendre. Lui est beau, talentueux et tellement sûr de lui.

Je suis submergée par une chaleur, délicieuse et inconnue. Un mélange de désir et de fébrilité met mes sens en ébullition. Sa tessiture vocale me transporte dans un monde de plénitude. On est bien d’accord, c’est insensé ! Tout le long du concert, j’ai l’étrange sentiment qu’Evan me voit, qu’il me regarde et chante pour moi. Absurde, non ? Chacun de ses mots me fait frémir d’émotion. Si je le pouvais, je lui sauterais dessus et l’embrasserais pendant des jours entiers. Heu… il m’arrive quoi là ? Les cris de Jenny me ramènent sur terre. Elle est euphorique tellement l’ambiance est démentielle. C’est indéniable, les Free Fall ne font pas les choses à moitié, jouant avec leur public du début jusqu’à la fin du show. Tout bonnement excellent !

Ce qui est pratique et rassurant à la fois. Jenny est le genre de fille vers qui tous les regards se posent. Elle attire naturellement la lumière sur elle, son sourire est digne des publicités pour dentifrice. Mon amie a une vraie silhouette de déesse, avec des formes parfaitement sculptées. Les traits de son visage sont d’une finesse époustouflante, faisant ressortir son teint clair et ses yeux couleur émeraude. Pour ne rien gâcher, elle possède une magnifique crinière brune et rouge. À côté d’elle, je suis totalement invisible. C’est parfois agaçant, mais aussi plaisant, car, la plupart du temps, être invisible me convient parfaitement. Aujourd’hui, elle a mis le paquet. Jen est splendide dans sa petite robe noire au décolleté ravageur.

Elle est là !
 
Tout mon être peut la sentir, car il vibre comme jamais depuis bien longtemps. Elle seule a cet ascendant sur moi. Mon corps lui a toujours obéi, laissant l’attraction entre nous dicter sa loi.
 
Mon ange blond. Ma Riley ! 

Je suis consciente que, dans une histoire d’amour, un des deux s’attache davantage par rapport à l’autre. Cependant, nous partagions quelque chose d’extrême, de puissant, sauvage et indomptable. Nous étions pure folie ! Un ouragan de passion !

Si la moitié du temps je suis heureuse et reconnaissante de la vie que je mène, l’autre moitié de ce temps précieux, je hurle de détresse dans un monde m’étouffant peu à peu. La valeur de la vie, je ne la connais que trop bien !

Enveloppé dans ce silence apaisant, tout n’est que beauté à l’état pur. À condition de ne pas tenir compte de ma voisine du dessus qui, à l’inverse de moi, a une vie sexuelle extrêmement riche et n’est aucunement avare d’en faire profiter tout l’immeuble... Pff.
La mélodie de Stay, chantée par Evan Thomas, sort de mon radio réveil. Hum… Quel délice d’être réveillée par une voix aussi sensuelle et sexy que celle du chanteur des Free Fall. Sam, mon frère aîné, est leur ingénieur son. J’ai par chance pu l’assister lors de nombreux concerts et festivals quand j’étais plus jeune et il est doué.