J’ai découvert ce mois-ci la littérature Sud-Africaine en y allant avec des idées reçus. Je ne connaissais pas Mark Behr, et je ne serai certainement jamais allé cet auteur s’il ne s’était s’agit de chroniquer ce livre dans le cadre des rencontres "Palabres autour des arts" sur la littérature Sud-Africaine. Et mon année s’est trouvée illuminée par la lecture de "L’odeur des pommes", et j’en garde encore des séquelles émotionnelles.
Le petit Marnus Erasmus a 10 ans, et son esprit n’a pas de filtre. Il observe son environnement et nous mets, en spectateur d’un film d’horreur, en présence de cette famille de la bourgeoisie d’extrême droite afrikaners, et qui se trouve au cœur du nationalisme Boers. Par la voix de Marnus, enfant en adoration devant ce père, haut gradé de l’armé Sud-Africaine, nous voyons le cœur d’une famille qui vit l’apartheid du côté de l’oppresseur. Mais plus, que le rapport de la famille à son environnement (les divisions par les races, les pressions internationales…), il y a surtout la grande histoire dans la petite, en filigrane, ce que le gamin lui-même n’arrive pas à percevoir et que le lecteur "voit" : les indépendantes de tous bords, les interventions dans les guerres angolaises, l’édification des lois de plus en plus ségrégationnistes. La famille proche c’est Voorster, Bota ; les tenants de la politique de l’apartehid, et l’enfant Marnus, en éponge, boit et renvoi les pensées des proches, des adultes et surtout, nous montre, par sa voix, le monde vu par l’extrême droite Afrikaneers.
Le point, sans doute la plus marquant, c’est que l’on lit et l’on est mal à l’aise en se rendant compte que l’on s’attache à cette petite famille aimante. Le père est un homme droit, papa idéal et mari prévenant. La mère a sacrifié ses rêves pour sa vie de famille et assume ses frustrations. Marnus va à la pèche avec son père, joue avec sa sœur. Mais attention, l’écart est interdit. La tante "hippie gauchiste" est sans aucun remord exclue de la vie des Erasmus, la petite finira également par être bannie de la vie familiale. Elle est allée un an en étudiant en Hollande et a eu le "malheur" de voir autre chose. A son retour, son regard sur son père, sur son environnement a changé.
Ce livre m’a mis dans les pas de "l’ennemi". Celui que l’on ne connait pas et dont on a le malheur de voir l’humanité alors que l’on aurait préféré qu’il restât un monstre froid. Mark Behr nous montre cette Afrique du Sud des blancs, non pas les hippies humanistes et autre défenseurs des droits de l’homme, non, ce serait trop simple, mais ces Boers qui estiment avoir conquis cette terre africaine par le sang – des anglais – qui méritent d’en avoir la jouissance exclusive.
J’ai été accroché par ce récit du début à la fin. Un livre dure, diaboliquement humain dans la monstruosité des idées, des propos qui sont déversées par la voix d’un enfant. L’écriture de Mark Behr est d’une puissance évocatrice incroyable. Il nous fait vivre les émotions de Marnus et nous fait percevoir ce que son esprit de gamin n’arrive pas à comprendre. Pour s’en convaincre, un exemple parmi tant d’autres, l’évocation de cette odeur de pourrie que sent l’ami Frikkie – un peu turbulence et cancre – de Marnus quand il touche, une à une, les pommes qui sont dans le panier, et Marnus ne sent pas cette odeur fétide. C’est la main qui pue. Le drame familial, dans le drame historique. Les larmes vous montent aux yeux. Magistral.
On pourrait parler des heures de ce livre. L’analyser sous toutes les coutures, en faire, pages après pages, personnages après personnages, le sujet de plusieurs thèse sur notre humanité, "c’est le plus froid de tous les monstres froids" Nietzschéen et une incursion dans les Mister Hide qui habitent en chaque Docteur Jekyll que nous prétendons être. Pour ce coup-ci, je laisse juste parler l’émotion de lecture qui me tient encore, 3 semaines après avoir achevé la lecture de "L’odeur des pommes" du talentueux Mark Behr.
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