Mark Mills était présent lors de la Foire du livre de Brive. Il raconte ses rencontres avec les lecteurs.
En savoir plus sur « En attendant Dogo » : http://bit.ly/2hdZkW4
Né en 1963 à Genève,
Mark Mills, romancier et scénariste anglais, a vécu en France et en Italie avant de s?installer près d?Oxford. Il est l?auteur d?
Amagansett, du Jardin des ombres et de L?Officier de Malte, parus chez Calmann-Lévy. Son nouveau roman,
En attendant Doggo, vendu dans plus de quinze pays, est déjà un best-seller international.
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En tout les cas, les tirs de mortier reprirent de plus belle. Quand ils se turent, le gros blagueur, le bûcheron du Wyoming, celui qui bégayait, en avait reçu un en plein dans le mille.
Dexter s'empressa d'aller voir ce qu'il était devenu.
- Il est comme Dieu !
- Tu veux dire : auprès de Dieu ! suggéra quelqu'un.
- Je veux dire que Dieu est partout.
Je rame. Depuis presque six mois , j'ai entamé une sacrée traversée du désert , à dilapider mes économies , et à m'inquiéter pour mon crédit. Personne ne veut d'un concepteur -rédacteur orphelin. Ma bonne réputation me vaut encore un ou deux entretiens par-ci par-là avec nos rivaux d'autrefois , ceux qui nous enviaient nos horribles trophées. ( P 30)
J est issu d'une famille juive allemande en grandde partie exterminée il y a trois générations. Il sait parfaitement ce qui est arrivé - le souvenir de cette époque lui a été transmis par le lait maternel - et, pourtant, il est prêt à enterrer la hache de guerre et à passer à autre chose. Sa grandeur d'âme me réconforte et met en perspective mes propres petits tracas. Par comparaison, c'est peu de chose d'avoir été largué par la femme qu'on comptait épouser.
Quand j'étais petit, pour ne pas être considéré comme un gros dégonflé, il fallait se jeter dans la Cuckmere. C'était notre grand jeu d'aller braver les remous causés par la rencontre de l'eau douce et de l'eau de mer. Aujourd'hui, c'est interdit par la loi. Le monde a-t-il vraiment pu changer aussi radicalement pendant ma brève existence ? De toute évidence, oui, et cette pensée est fort déprimante.
Je ne suis pas cynique et content de moi. C'était juste un petit jeu entre nous. On en a établi les règles ensemble : Clara s'emballait sur l'astrologie, les vies antérieures, les anges gardiens, toutes les idioties de ce genre, et moi, j'incarnais la voix de la raison. On ne pouvait pas être d'accord sur tout, on en riait d'ailleurs, parce qu'on vivait quelque chose de bien plus fort. Ce qu'on vivait, c'était l'amour. Là-dessus, on était bien d'accord. Elle n'a pas le droit de changer les règles du jeu.
Ça n'est déjà pas facile d'écouter quelqu'un raconter des conneries, mais ça l'est encore moins quand, au milieu de tout ça, se glissent quelques vérités difficiles à entendre.
Le travail est éphémère, l'amour peut durer toute la vie.

On ne peut guère faire plus différent d'un bouvier bernois que Doggo. C'est même l'exact opposé. Il est minuscule, blanc, et pratiquement dépourvu de poils. Je dis pratiquement, parce qu'il y a quand même quelques touffes par-ci par-là, des épis anarchiques comme du gazon mal tondu. Une longue bande hirsute habille un peu sa colonne vertébrale et s'en va s'achever en un maigre toupet au bout de son tronçon de queue. L'arrière de ses pattes avant en revanche est couvert de bouclettes serrées - ni brunes ni jaunes, plutôt entre les deux - laissant subodorer une vague ascendance épagneule, tout comme les trois petites boucles de sa frange de la même couleur ("jaune pipi" peut-être ?). Le museau, lui, n'a rien à voir avec celui d'un épagneul. Il est trop écrasé, trop carlinesque. Du coup, ça lui donne un petit côté oriental, un peu pékinois. Non, Doggo échappe à toutes les classifications. On dirait une bête qui aurait foncé la tête la première dans un mur de brique et qui aurait ensuite décliné toute proposition de chirurgie réparatrice. Ses paupières tombantes d'insomniaque font penser à un chien de Saint-Hubert, mais le regard est vif et éveillé, quoique fixe pour l'instant... et dirigé droit sur moi avec une attention froide et calculatrice.
Ça n'est pas drôle de rentrer chez soi tous les soirs dans un appartement vide, mais, le pire, ce sont les week-ends.
J et moi, on s'est rencontrés à l'université de Warwick, en littérature anglaise. C'est une de ces amitiés rares et précieuses [...] qui surgit parfois entre deux personnes aussi différentes de caractère que de tempérament.