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Citations de Mark Z. Danielewski (155)


On aborde toujours l'inconnu avec plus de prudence la première fois. Ainsi, il apparait beaucoup plus expansif qu'il ne l'est réellement. Lors d'une seconde visite, la connaissance du terrain contracte de façon dramatique la perception des distances.
Qui ne s'est jamais promené dans un parc inconnu et n'a senti qu'il était immense, puis y est retourné pour découvrir que ce parc est en fait bien plus petit que le l'avait laissé croire la première impression ?

Quand nous retournons dans des endroits que nous avons fréquentés enfant, il n'est pas rare de trouver combien tout parait plus petit. Cette expérience a trop souvent été attribuée aux différences physiques entre l'enfant et l'adulte. En fait, elle est davantage liée aux dimensions épistémologiques qu'aux dimensions corporelles : la connaissance agit comme de l'eau chaude sur la laine. Elle rétrécit le temps et l'espace.
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Pareil au glacier Khumbu au pied du mont Everest où séracs et gouffres bleus changent de façon inattendue tout au long du jour et de la nuit, l'endroit que Navidson vient d'explorer se révèle être une structure des plus instables. Mais à la différence du glacier, ses parois ne présentent pas la moindre fissure, même infime. Absolument aucun détail visible ne permet d'expliquer ni même de prouver ces terrifiants changements qui peuvent en quelques instants seulement refaçonner un simple chemin pour en faire un réseau d'une extrême complexité.
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L'explication est deux fois moins forte que l'expérience mais l'expérience est deux fois moins forte que l'expérience ET la compréhension.
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Donc, pour s’échapper, il faut se rappeler que nous ne pouvons pas envisager tous les chemins mais devons décoder seulement ceux indispensables pour sortir. Il convient d’être rapide et d’éviter l’exhaustivité. Cependant, comme nous met en garde Sénèque dans la lettre 44 de ses Epistulae morales, aller trop vite entraine également certains risques : « C’est ce qui arrive quand on progresse trop vite dans un labyrinthe : plus vite on va, plus on est pris au piège. » Des paroles qui méritent qu’on s’y attarde, surtout si l’on tient compte de la remarque de Pascal, citée dans Allégories de la lecture de Paul de Man : « Quand on lit trop vite ou trop doucement, on n’entend rien. »
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... la lucidité est douloureuse
mais sa douleur demeure indéchiffrable
(...)

Elle a fait de sa douleur son amant
et l'a entièrement dissimulé.

Et elle n’oubliera jamais.

Sa douleur donnera naissance à des souvenirs
dont ils croient qu'elle a été sevrée.
...
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Nous inventons tous des histoires pour nous protéger.
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Et ce n'est que maintenant, des jours plus tard, alors que je redonne forme à ces instants, que je retrouve à nouveau ce que ce trip a brièvement abrité ; le souvenir-écran en permanence relié à tout ce qui l'a précédé et du coup interdisant l'accès à tous les autres, les bons, si différents soient-ils, si béats, éclipsés par le semi-remorque accidenté sur l'autoroute, la cabine plantée dans le fossé derrière l'accotement, une fumée grasse qui monte dans la nuit en tourbillons, à peine atténuée par le crachin cinglant, les flammes qui grimpent sous les réservoirs d'essence perforés, dénudent les peintures, calcinent les pneus et noircissent le verre brisé, le pare-brise heurté de l'intérieur, chaque ligne brisée racontant l'histoire d'un coeur brisé qu'aucun gamin de dix ans ne devrait jamais se rappeler et encore moins voir, même en demi-teinte, l'encre, toute l'encre, encore et encore, se rassemblant finalement à la pointe de ses doigts délicats, comme si en suivant l'image imprimée dans le journal il pouvait d'une certaine façon escamoter les détails de la mort, faire disparaître le taxi où l'homme qu'il considérait comme un dieu a agonisé et est mort sans prononcer un seul mot, illisible ou autre, sans le moindre dieu, et en dissolvant ainsi le ciel noir faire revenir celui qui était bleu.
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[C]eux qui explorent le labyrinthe, et dont le champ de vision est restreint et fragmenté, sont désorientés, tandis que ceux qui contemplent le labyrinthe, que ce soit en le surplombant ou l'étudiant sur plan, sont émerveillés par sa complexité. Ce qu'on voit dépend de l'endroit où l'on se trouve, ce qui fait que, dans le même temps, les labyrinthes sont simples (il n'existe qu'une seule structure physique) et doubles : ils incorporent simultanément l'ordre et le désordre, la clarté la confusion, l'unité et la multiplicité, l'art et le chaos. Ils peuvent être perçus comme un chemin (un passage linéaire mais détourné vers un but) ou comme un motif (un dessin absolument symétrique)... Notre perception des labyrinthes est ainsi intrinsèquement instable : changez de perspective et le labyrinthe semblera changer.
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Les œuvres des génies,même utilisées à mauvais escient, finissent presque toujours par tourner à l’avantage incontesté de l’humanité.
Mary Shelley
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Rappelle-toi que les mots peuvent avoir une puissance bien supérieure aux coups. Dans certains cas, ils peuvent être fatals. Et même immortels, pour les rares élus. Teste-les de temps en temps sur tes ennemis. 
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Que vous soyez électricien, érudit ou toxicomane, il y a de forte chance que quelque part vous possédiez encore une lettre, une carte postale ou un mot qui a de l’importance pour vous. Peut-être rien que pour vous. C’est étonnant le nombre de personnes qui gardent au moins quelques lettres au cours de leur vie, des mots romantiques, planquées dans un étui à guitare, un coffre à la banque, un disque dur ou même à l’abri dans une paire de vieilles bottes que personne ne mettra jamais.
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Toute vie, même la moins mémorable, peut être considérée comme un séjour dans un labyrinthe.
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A première vue, il semble difficile de croire que les deux hommes sont de la même famille, et encore moins frères. Tom est content quand il y a un match à la télé et un endroit confortable où le regarder. Navidson travaille tous les jours, dévore des volumes entiers de critique ésotérique, et relie constamment le monde autour de lui à une chose unique : la photographie. Tom s'en sort, Navidson réussit. Tom veut seulement être, Navidson se doit de devenir. Et cependant, malgré de telles différences évidentes, quiconque regarde au-delà du grand sourire de Tom et sonde son regard peut y découvrir de profonds étangs de tristesse. Et c'est ainsi que nous savons qu'ils sont frères, parce que leurs yeux sont de la même eau.
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C.T.C. Unique amour mon Johnny,
Je vis tout au bout d'un interminable couloir
que les damnés heureux peuvent
appeler enfer mais que les athéistes
bien moins heureux - et ta mère est à
la tête de cette troupe - doivent
simplement s'habituer à appeler leur
foyer.
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Très cher Johnny

De quel terrible rêve et sommeil je viens de m'éveiller. Il y a tellement de morceaux à déchiffrer, les médecins m'ont conseillé de mettre de côté les deux dernières années. C'est une vraie pagaille. Il semble que j'ai intérêt à ranger tout ça dans le placard psychose, refermer la porte et balancer les clés.

Ils me disent que je devrais m'estimer heureuse que cela soit même possible. Je suppose qu'ils ont raison. (...)

Quant à toutes ces lettres que je t'ai dit avoir écrites, pleines de paranoïa et tutti, je n'ai quasiment rien écrit. Cinq rames de papier et de timbres n'étaient que les fruits de mon imagination.
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Françoise Minkowska a exposé une collection particulièrement émouvante de dessins d'enfants polonais ou juifs qui ont subi les sévices de l'occupation allemande pendant la dernière guerre. Telle enfant qui a vécu cachée, à la moindre alerte, dans une armoire, dessine longtemps après les heures maudites, des maisons étroites, froides et fermées. Et c'est ainsi que Françoise Minkowska parle de "maisons immobiles", de maisons immobilisées dans leur raideur : "Cette raideur et cette immobilité se retrouvent aussi bien dans la fumée que dans les rideaux aux fenêtres. Les arbres autour d'elle sont droits, ont l'air de la garder..."
A un détail, la grande psychologue qu'était Françoise Minkowska reconnaissait le mouvement de la maison. Dans la maison dessinée par un enfant de huit ans, Françoise Minkowska note qu'à la porte, il y a "une poignée ; on y entre, on y habite." Ce n'est pas simplement une maison-construction, "c'est une maison-habitation". La poignée de la porte désigne évidemment une fonctionnalité. La kinésthésie est marquée par ce signe, si souvent oublié dans les dessins d'enfants "rigides".
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Qui n'a jamais tué une heure ? Non pas avec nonchalance ou sans y réfléchir, mais méticuleusement : le meurtre prémédité de minutes. La violence vient d'une combinaison d'abandon, d'inattention et d'une résignation dont on ne peut qu’espérer accomplir le dépassement. Et donc on tue l'heure. On ne travaille pas, on ne lit pas, on ne rêvasse pas. Si l'on dort ce n'est pas parce qu’on a besoin de dormir. Le seul indice pourrait être les cernes sous vos yeux ou une ride extrêmement fine près de la commissure de votre bouche, indiquant que quelque chose a été enduré, que dans l'intimité de votre vie vous avez perdu quelque chose et que cette perte est trop vaste pour être partagée.
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J'étais suspendu dans un dôme géant avec des milliers d'oiseaux qui décrivaient des cercles en petits groupes devant le drap noir des lointaines parois. Tout en me déplaçant lentement le long de la corde, j'avais l'impression de m'enfoncer dans une illusion dont j'allais bientôt faire partie intégrante au fur et à mesure que les distances devenaient de plus en plus absurdes et irréelles.
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Nous ne nous sommes même pas embrassés ni regardés dans les yeux. Nos lèvres se sont juste introduites par effraction dans des labyrinthes intérieurs profondément enchâssés entre nos oreilles, les ont remplis de la musique secrète des mots vicieux, les siens dans de nombreuses langues, les miens dans le goût douteux de ma seule langue, jusqu'à ce que nos langues remuent, et nos consonnes ont tourné et crissé, cliqueté plus fort, hésité, foncé plus vite, les syllabes se sont bientôt mêlées aux grognements, ou les grognements ont trouvé une prise dans des mots nouveaux, ou des mots anciens, ou des mots inventés, jusqu'à ce que nous mélangions nos chaleurs et refusions de les libérer, goûtant trop le sombre langage sur lequel nous venions de trébucher, désirant et sidérant, pas vraiment une communication, plutôt une canalisation de nos désirs balbutiés, les siens pour ce que j'en sais partis vers les Forêts Noires et les loups, les miens réintégrant brutalement une forme familière, ce grand mystère spectral dont je ne pouvais qu'entendre la forme, qui en dépit de nos désirs distincts et cris individuels continuait à nous entrainer dans des tonalités plus étrangères, notre désir commun de continuer à étreindre la brûlure alimentée par le bruit, ses hurlements stridents, les miens - je ne les entendais pas - seulement les siens, probablement en contrepoint des miens, un cri haut perché, puis un murmure chutant de manière imprévue et se changeant presque en jappement, en grognement, je ne sais pas trop, et soudain plus la moindre courbe, juste la fuite en avant, une ligne franchie où tous les sons fracturés déjà prononcés finissent par se condenser en un long mot agonisant, qui excède aisément la centaine de lettres, même le tonnerre, et anticipe l'inévitable relâchement, quand la chaleur devient enfin trop pesante, et menace de brûler, marquer, déchirer, mais suffisamment tentante pour qu'on s'y raccroche encore ne serait-ce qu'une seconde, afin d'étirer le tout, si nous le pouvons, comme si en s'approchant autant de la chaleur, en s'en enveloppant à ce point, allait se révéler... ce qui, lorsque nous nous sommes étreints, tenus, retenus, s'était finalement révélé trop, trop de quelques secondes, et impossible à refuser, et donc faisant tout exploser, frissons et tremblements, et donc tout au fond de sa gorge un millier de lettres s'écrasant en une longue chute non modulée, résonnant profondément dans mon oreille et le long du nerf auditif, un dernier sursaut de rage décrivant en détails durables la forme de choses déjà survenues.
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J’ai fini par me dire que les erreurs écrites, sont souvent les seules traces laissées par une vie solitaire : les sacrifier, c’est perdre tous les angles d’une personnalité, l’énigme de l’âme.
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