-Grimpe dans la cheminée, ordonna le famulus en poussant sans ménagement le Nain dans la pièce. Il y a quelque chose qui bouche le conduit.
-Et pourquoi ne jetterais-tu pas un sort, grand famulus ? Es-tu l'un des meilleurs, oui ou non ?
-J'ai besoin de toi pour ce cas-là, refusa-t-il catégoriquement. Tu n'as aucune idée de ce qu'est la Magie, Nain. Allez, vas-y, mes élèves attendent d'y voir plus clair.
Tungdil entendait de temps à autre des toussotements et des raclements de gorge.
-Et le mot magique ?
-Hein ?
-Ne fais pas l'innocent, grand famulus. Tu connais toutes les formules, y compris celles de politesse.
Les apparences sont faites pour être ignorées, car même dans la plus petite et la plus étrange des créatures peut battre le plus grand des cœurs. Quiconque ferme les yeux par présomption ne verra point ce suprême Bien. Ni en lui, ni en autrui.
— Et le mot magique ?
— Hein ?
— Ne fais pas l’innocent, grand famulus. Tu connais toutes les formules, y compris celles de politesse.
Le visage de Jolosin fit la moue.
— S’il te plaît.
— Eh bien voilà
Il était difficile de croire que leurs beuglements, leurs grognements et leurs hurlements constituaient en fait un système permettant de tenir de véritables conversations. Les érudits étaient parvenus, grâce aux révélations d'Orcs prisonniers, à percer les secrets d'une langue qui recelait des quantités énormes de menaces et d'injures.
Dans les chroniques de la tribu des Cinquièmes, il était fait mention de lointains parents vivant de l'autre côté de la ceinture de montagnes qui entourait le Pays Sûr. D'après les écrits anciens, c'étaient eux qui auraient forgé la première Lame de Feu. Ils étaient donc des forgerons aguerris et aimaient le chant du marteau sur le métal rougi. Cependant, personne encore n'avait eu la chance de rencontrer un spécimen de ces cousins éloignés.
L'Immortel se tenait dans l'ombre de l'imposante entrée du royaume souterrain, taillée à même la paroi rocheuse, qui s'ouvrait sur une grande caverne. Sa main gauche tenait un arc long. Devant lui, dix flèches étaient fichées dans le cadavre pourrissant d'un soldat imprudent qu'il avait occis onze lunes plus tôt.
L'Albe attendait patiemment que ses ennemis se montrent.
- Par les Infamants ! s'écria Tungdil.
Il frappa violemment du poing sur la table. Verres, hanaps et bouteille tressautèrent.
Boïndil plissa les yeux.
- Les Infamants ? Qu'est-ce que c'est ?
Tungdil ignora la question.
- Continue, dit-il avec une mine sombre.
- Les Albes ont envahi le Gauragar et reconstruit leurs cités...
- Les Albes sont revenus ?
- Ce qui signifie que Lot-Ionan est innocent, grommela Furibard. Il n'agit que sous l'influence du démon qui l'habite.
- On aurait pu dire la même chose de Nudin, objecta Mallénia. Nous devons tout de même le neutraliser.
- Absolument, opina le Grand-Roi. Nous avons besoin de lui pour vaincre le sorcier du Gouffre Noir, mon ancien maître.
- Que font des Nains à Lesinteïl et pourquoi cherchent-ils à se cacher ? Vous appartenez à différentes tribus, à ce que je vois. Quel étrange comportement pour une délégation diplomatique! (Il montra du doigt Carâhnios.) On ne trouve plus d'Albes dans ce royaume. Que chasses-tu, Zhadàr ?
-Il faut qu'on te trouve un autre nom, grommela-t-il tout seul. Bolofar, c'est comme si je disais Lissemiff, Podeflan, ou Ploufmanchon. C'est bête, ça ne veut rien dire, et ce n'est surement pas un nom de Nain honorable. On trouvera bien quelque chose en chemin. (Il regarda vers Tungdil.) Y-a-t-il des choses que tu sais mieux faire que d'autres ?
-Lire...
-Lire ? Dans les livres ? s'étonna Boendal sur un ton amusé. Ah ça, on l'avait déjà remarqué tout à l'heure, monsieur l'érudit. Mais tu avoueras qu'il y a quand même mieux comme noms honorables que Feuilleteur ou Papivore.
-Le savoir c'est important !
-Ah oui, contre les Orcs, cela aide drôlement, comme on l'a vu, continua-t-il de le taquiner. Un verset bien choisi et ils étaient à ta merci.