Saigner la nuit à blanc
picoler sa sève
cuver le trop-plein de rêves
dégriser le long du jour
recommencer,
tant que la nuit continuera
de trébucher,
de nous tomber dessus
tant qu’il y aura des soifs
de demain à étancher.
On n’appartient jamais qu’à soi. Ni à un conjoint, ni à une mère. Surtout pas à une mère. Je t’ai dans la peau, ils disent. Foutaises ! La peau ne se partage pas, c’est un costume bien trop étroit pour deux personnes.
Tu restes là
accroché à l'échancrure d'un rêve
comme une marque de bronzage
qu'on cajole en glissant dans l'automne
souvenir de l'été sur la peau
souvenir de toi dans ma chair
j'ai gardé ta saveur
plusieurs jours emprisonnée
au creux du ventre
il ne reste plus rien maintenant
des images diaphanes
qui se ravivent parfois
à l'échancrure d'un rêve
On est tellement doués pour se détester les uns les autres. Je dis à Lili que, peut-être, l’Homme a été fabriqué de travers, avec le mauvais dosage, trop de haine et pas assez d’amour. Je lui dis que c’est sans doute pour ça qu’on sait si bien faire la guerre et si mal aimer.
Dans le blanc de ma nuit, les étoiles s’éteignent.
Tout s’éteint. C’est comme un grand néant qui
viendrait m’avaler et, c’est pas que je sois un
trouillard, c’est juste cette impression de ne plus
être tout à fait là, comme si le monde cherchait
à m’effacer.
L'étreinte des nuages
le chant des baleines de parapluie
le dos rond des frissons sous la caresse du pull
ce petit surplus de douceur qui aide à
franchir les jours de pluie
Je n'ai jamais eu envie de punir papa. Juste envie de le tuer.
Je ne suis pas le genre de personne à laquelle on s'attache. Je n'ai jamais eu d'ami. Quelques relations superficielles ou professionnelles. Des amants, des maîtresses. Rien de sérieux. Je suis un mur sur lequel la tapisserie ne colle pas. (p132)
L’ENVERGURE D’UN INSECTE
Extrait 1
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
il y avait des volets clos
et les craquements de vinyle du Disque-monde rayé
j’aurais pu me lever, ouvrir grand,
participer un peu au présent
mais les draps me retenaient coincée là
comme le Chat de Schrödinger dans sa boîte
vivante et morte à la fois
Parfois, j’ai peur de devenir aveugle du cœur
le jour, c’est plus facile
quand tout ce qui brille est dehors
je cache mon amour dans la lumière
…
Il restait trois semaines avant la rentrée scolaire. C’est long trois semaines parfois. J’avais personne avec qui jouer. Il n’y avait rien à faire et nulle part où aller. On logeait dans un minuscule appart’ à côté d’une usine d’engrais chimiques. Les heures tournaient au ralenti, et je passais le plus clair de mon temps enfermée dans ma chambre à pleurer. Puis un soir papa est rentré avec une télé. Il y a pas à dire, ça aide à tuer le temps, toutes ces conneries qui défilent sur l’écran ! J’ai même pas vu la fin des vacances arriver.