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Critiques de Marlène Tissot (18)
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Voix sans issue

Une véritable pépite.

Un torrent d’émotions.

Tendez votre main, je suis par terre, le cœur déchiré.



« Je suis habitée par un cri.

Chaque nuit il sort, les ailes battantes. » Sylvia Plath.



Des livres sur la maltraitance et les enfances saccagées, j’en ai lus à la pelle mais celui-ci est à part. Voix sans issue est une pure merveille d’où suintent des émotions extirpées au lasso de l’après l’holocauste.



Entendez par holocauste des années d’abus d’un père sur sa fille Mary. Entendez la peur, la honte et la solitude de Franck frappé et diminué par sa mère tyrannique. Marlene Tissot ne joue pas dans le gore ni le sordide. Non. Elle rend corps et âme à ces deux meurtris à vif. Tout l’intérêt de ce livre réside dans cet après, cet âge adulte où les souvenirs affluent et où il faut tenir debout. Comment ?

Pas de descriptions insoutenables ici mais une précision incroyable dans cette autopsie de l’après. Comment avancer quand l’enfance fut à ce point massacrée ?



Pour Franck, seule la routine le rassure… « Ne jamais ressentir quoi que ce soit pour qui que ce soit. L’empathie crée l’attachement, et si je m’attache, un jour ou l’autre les choses vont se détacher, tomber. Moi, je resterai là, comme un con, debout et inutile. »

Oui Franck, je te comprends. Les sentiments ça fiche la trouille. J’en sais quelque chose.



Pour Mary, entre ses rendez vous avec son psy et les voix qu’elle entend constamment, elle parvient pourtant à cueillir la joie. « Quand quelqu’un me sourit dans la rue, ça me rend plus heureuse qu’un cadeau emballé dans du papier brillant. »

Oui Mary, moi aussi quand on me sourit, je sors de ma torpeur. On n’est pas si invisibles que ça, tu vois..



On dit souvent que deux cabossés de la vie ne font pas bon ménage ensemble, qu’en sera t’il pour Mary et Franck quand leurs ténèbres vont se rencontrer ?



Ce roman sonne juste à tous points de vue. Quand on a trop souffert, il y a des choses qui ne sont plus possibles. Des peurs qui nous habitent nuit et jour.

On ne sera jamais comme les autres.

Libres et sereins.



J’ai aimé Mary, petit bout de femme intelligente, qui veut bien être touchée mais seulement du bout des mots. Qui écoute Pink Floyd afin que la musique tambourine plus fort que ses voix sans issue.

J’ai aimé Franck, son boulot de gardien de cimetière parce que les morts sont plus gentils que les vivants. Ce grand gaillard qui fait peur aux gens parce qu’il a le regard d’une bête cassée, qui aimerait tant que la caissière lui rende son sourire mais personne ne lui sourit. Sauf Mary.



Qui comprend mieux une âme blessée et perdue que l’âme aux contours perlés de larmes…



Une pépite…

Dans mes bras grands ouverts.

L’amour et la peine enlacés.

Un rendez-vous bouleversant.

Dans une nuit qui pleure.

L’enfance perdue.

Aux yeux rouges.

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Le poids du monde

Quand une toute petite histoire a tout d’une grande, je suis bouche bée. Petit livre comme une nouvelle où vient s’écraser toute la misère d’un homme.

Un microcosme terriblement réaliste. Un licenciement, le chômage, l’argent qui n’arrive plus, les factures qui débordent puis les huissiers voleurs des dernières ridicules richesses.



La honte s’insinue comme un poison sur une rizière de culpabilité, de peur. Ça fait mal d’être un homme qui ne peut plus subvenir aux besoins de sa famille. Ça fait mal de mendier, à genou pour le sourire de ses enfants, de ravaler sa haine d’un monde pétri d’égoïsme.



Mais il y a Lili.



« Une femme comme Lili, quand elle rit, c’est comme si Dieu se mettait à exister pour de vrai et se pointait devant toi, posait sa main sur ton épaule en disant : T’inquiète pas, tout va s’arranger. »



Lili c’est comme Cendrillon mais lui n’a rien d’un prince.



Alors ce petit bout de femme qui a un sourire perché jusqu’aux étoiles, elle rassure, elle continue d’aimer les siens.



« Elle dit qu’elle m’aime, qu’on s’aime tous les quatre et que ça, personne ne pourra jamais nous l’enlever. »



J’avais tellement aimé Voix sans issue que je voulais relire encore et encore cette poétesse de la vie, Marlene Tissot.

J’ai retrouvé dans ce livre cette authenticité vibrante, une denrée rare et précieuse. Car ils se font rares ces écrivains qui écrivent la vie telle qu’elle est avec une économie de mots qui parviennent à remplir pourtant tout un ciel.



Dommage que ce livre ne soit pas plus long. 34 pages de nectar c’est pas assez.



N’hésitez pas à découvrir cette écrivaine magicienne de l’ombre. Elle vous retournera le cœur.
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Voix sans issue

Mary, violée enfant par son père dans le silence maternel, s’est libérée de cet enfer en coupant le contact avec ses parents. Devenue coiffeuse, elle suit une thérapie pour se réparer de son passé et faire disparaître les voix qui l’habitent encore.

Franck, gardien de nuit solitaire et renfermé, a vécu une adolescence traumatisée sous la domination d’une mère seule et violente. Il a perdu toute confiance en lui et en autrui, jusqu’à sa rencontre avec Mary. La rencontre de Mary et Franck provoque une rupture, un ailleurs, une promesse, peut etre .



Dans le roman de Marlène Tissot, les mères ne sont pas exempts de défauts (silencieuses, complices, folles), les pères encore moins (incestueux, absents). Leurs enfants Marianne devenue Mary et Franck grandissent, s'enfuient dès qu'ils le peuvent et vivotent tels ces êtres fracassés et broyés.



Ces deux anti héros sont ces voix sans issue de cette belle voix fémininine ( Marlène Tissot est surtout connue en tant que poétesse) pour dire l'offense des corps .





Dans ce roman réaliste et poétique, sur le sexisme, la violence mais la survenance de l'amour envers et contre tout, Marlène Tissot , pour son premier roman au Diable Vauvert, embrasse la question de la résilience avec cette dose réaliste de fragilité de glauque et de malchance.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Voix sans issue

Trois voix habitent ce roman : Mary, presque trentenaire, coiffeuse, violée durant toute son enfance par son père sous le regard indifférent de sa mère. Franck, 37 ans, lui a fui la sienne, violente, instable, dirigiste et est désormais gardien de nuit dans un cimetière lyonnais. Et puis Ian, le petit, l'invisible. 



Mais ces trois voix sont silencieuses, elles ne parlent et n'existent que pour eux et surtout pour Mary et Franck, elles en deviennent tellement obsédantes qu'ils voudraient les faire taire pour ne pas sombrer dans la folie.



Marlène Tissot que je découvre avec ce roman, aborde les blessures de l'enfance, qu'elles soient morales ou physiques, dont les cicatrices ne se refermeront jamais parce qu'inscrites dans la chair et l'âme. Ils vivent en dehors du monde mais pas dans le silence car ils sont habités par ces voix qu'ils tentent de faire taire, comme pour Mary, en se faisant aider par un psychiatre, Edouard, pour se remettre sur la voie de la vie, même si parfois celui-ci emprunte des chemins qu'elle a du mal à comprendre :



"Justement, on vient ici se vider les boyaux de la tête, et vous êtes censé nous aider à tirer la chasse, non ?" lui ai-je rétorqué. (p51)"



C'est un récit dans lequel les parents oublient, abandonnent, maltraitent ceux qu'ils devraient protéger et ceux-ci vivent ensuite dans un monde peuplé des fantômes du passé, où ils se noient de différentes façons pour faire taire les pensées et souvenirs de leurs enfances saccagées :



"Les morts sont moins dangereux que les vivants. Et je me suis habitué à traîner au milieu des fantômes. Parfois, je finis presque par me croire immortel. (p110)"



Tous les moyens sont bons : l'alcool, les médocs, la lecture, le silence de la nuit. C'est un mal invisible aux autres mais qui les ronge petit à petit, les entraînent vers le fonds.



Tour à tour leurs voix silencieuses, je devrai plutôt dire leurs pensées, prennent la parole et avouent ce qui pourrit leurs vies d'adultes, les isole, quand, dans le passé, les mères soit crient soit se taisent, quand les pères sont soit trop présents soit absents, où elles cherchent celui ou celle qui saura les écouter, les reconnaître comme frère ou sœur d'une même souffrance :



"Je ne suis pas le genre de personne à laquelle on s'attache. Je n'ai jamais eu d'ami. Quelques relations superficielles ou professionnelles. Des amants, des maîtresses. Rien de sérieux. Je suis un mur sur lequel la tapisserie ne colle pas. (p132)"



C'est une lecture qui me laisse un goût amer non pas par l'écriture ni la construction mais parce qu'elle aborde la maltraitance de l'enfance sous des formes diverses, l'abandon, le silence ou la résignation des parents et comment ces enfants devenus adultes continuent leurs routes, tentent de vivre à défaut de guérir. C'est dur et violent comme peut l'être la vie pour certains mais avec l'espoir quand une main ou une voix ouvre une issue possible. Je ne l'ai pas lâché pour savoir s'ils allaient trouver, enfin, une issue de secours, une main tendue.



Avec des phrases courtes qui claquent parfois impitoyablement, rythmées comme des vers d'un poème ou d'un haïku mais dont la puissance réside dans le gâchis des vies broyées et non dans la beauté du monde, une construction s'appliquant à ne lever que peu à peu, le voile sur ce qu'ils cachent du passé de chacun de ses personnages même si l'on les devine parfois au bord du précipice, l'auteure aborde les maux de familles où l'amour n'a pas la définition que l'on croit, où être parents n'a pas le sens que l'on pense.



C'est une plongée dans les tréfonds des âmes, où tout espoir n'est malgré tout pas perdu, où la volonté de vouloir tirer un trait sur le passé mais sans le nier se veut la plus forte, le tout dans un style mélangeant le parler vrai, direct sans concession comme peut l'être les voix de ces enfances abîmées.
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Voix sans issue

Au pays des mères toxiques, absentes, violentes, et des pères incestueux ou inexistants, comment peut-on se reconstruire ?



Mary entend des voix qui lui parlent sans cesse, pas seulement celle de son doudou quand elle était petite, mais de nombreuses autres qui lui disent ce qui est bien ou mal. Il faut dire que Mary, on le comprend vite, a appris le silence lorsque son père venait lui dire bonne nuit, soir après soir, sa main sur sa bouche pour qu’elle se taise pendant qu’il cherchait tout au fond d’elle. Pendant que sa mère restait assise devant la télé pour ne rien voir, ne rien entendre. Mary a fui ce couple toxique. Aujourd’hui, coiffeuse dans une petite ville, fragile encore, elle essaie de se reconstruire. Mary la lumineuse, légère et tourbillonnante, entre folie et résignation, entre envie de vivre et désespoir, joyeuse parfois, aussi sereine qu’inquiète à d’autres moments.

Franck est grand, athlétique, ni beau ni laid, gardien de nuit au cimetière. Il est un peu désespéré de voir que personne, pas même la caissière, ne lui sourit jamais. Franck heureux lorsque le vieux Joseph lui allume le chauffage dans le réduit où il va passer la nuit. Heureux qu’on ait pour lui des attentions, lui qui n’a jamais connu l’amour d’une mère ni celui d’un père. Car de père il n’en a pas, en tout cas sa mère ne lui en a rien dit. Et de sa mère, si douce et aimable en dehors du foyer, combien de coups a-t-il reçu, combien de mots, de violence, combien de douleurs impossibles à oublier et qui vous détruisent à jamais.

Jusqu’au soir où, sans savoir comment, Mary téléphone à Franck pour qu’il l’aide… Une rencontre entre deux écorchés de la vie pour un nouveau départ ?

Un roman pour dire la douleur et la violence, pour dire le silence des mères, leur fuite devant les responsabilités, leur violence aussi. Pour dire la souffrance face à un père pédophile incestueux ; pour dire la fuite, la reconstruction maladroite, le courage d’affronter sa vie en quittant les siens, seul face à ces voix qui vous hantent, face à ses souvenirs, à sa détresse, mais armé de courage pour avancer, craintif, maladroit, méfiant, plein d’espoir pourtant.

Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/05/10/voix-sans-issue-marlene-tissot/


Lien : https://domiclire.wordpress...
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Voix sans issue

Résilience. Reconstruction. Vivre. Survivre. Avancer. Mary et Franck tentent tous les jours d’avoir une « vie normale ». Eux dont l’enfance n’a été que cauchemars et souffrances résultant de violences physiques et psychologiques. L’enfance synonyme d’insouciance, de joie, de jeux, d’amour familial... Comment grandir quand le bourreau est au sein même du foyer? La Mère, silencieuse, complice ou folle et le Père, ogre ou absent .

L’équilibre ne tient qu’à un fil quand le début est si chaotique ...

Mary est coiffeuse. Franck gardien de nuit dans un cimetière. Ian est l’invincible. Ils se (re)trouveront. Il suffit d’un petit rien parfois, d’un signe...

.

.

Dans ce récit à trois voix, Marlène Tissot, auteure de recueil de poésie, traite de sujets difficiles avec sensibilité et réalisme.

Voix sans issue, c’est la rencontre d’âmes écorchées vives. C’est le récit des cœurs et des corps meurtris. C’est le récit des refuges de l’esprit de l’isolement de l’être.

Un roman poignant, percutant aux personnages terriblement attachants que je vous recommande fortement !
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Voix sans issue

Découverte par hasard à la médiathèque ! Après je me suis rendue compte que Marlène Tissot écrit aussi des poèmes, elle est publiée au Citron gare, à La Boucherie Littéraire...



Un livre aux voix polyphoniques, miroirs ou échos, amies ennemies. Traumatisme grave d'enfance. J'ai aimé comment les 2 personnages parlent d'eux même , et se battent avec les traumatismes. Un livre d'espoir aussi plein de tendresse ! ( sur le sujet bien mieux que le livre succès actuel... ) J'ai pensé aussi Andréa Bescond , Les chatouilles.
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Voix sans issue

Un début qui fait mal, qui donne des coups au corps, au cœur, à l'âme.

Un début qui viole, un début qui frappe, qui vous vrille le ventre.

Les mots sont directs et vrais, les actes violents et terrorisants.



Ici le cauchemar ouvre le récit, ça bouscule dès les premières lignes, sans ménagement mais très progressivement ça glisse vers plus de douceur et de tendresse par la réunion de deux voix aux cris aphones qui ne demandent qu'à être comprises et délestées du poids insoutenable d'un passé trop violent. Le genre de passé toxique qui vous colle à la peau, celui qu'on voudrait fuir mais qui s'acharne et s'agrippe, pour toute une vie, sans pitié; le genre de passé qui laisse des traces indélébiles: la solitude pour se protéger des prédateurs pervers et humiliants, des pensées meurtrières, la difficulté profonde à éprouver des sentiments et à être touché, l'incapacité à réaliser que l'Autre puisse être porteur du bonheur, l'alcool, le mensonge pour cacher la vérité honteuse...



Deux cœurs et deux corps, ceux de Mary et Franck, trop souvent théâtres de la violence au cours de leur enfance, se protégeant chacun à leur manière du monde extérieur et continuant à souffrir de l'indicible douleur. Deux corps et deux cœurs jusqu'ici vivants sans l'être tout à fait…



Mais la littérature et Marlène Tissot ne sauraient les laisser seuls et rongés par ces souvenirs acharnés. Car ce roman est aussi celui d'une rencontre fortuite et inespérée, offrant des passages plus lumineux, guidant ces deux âmes encore maladroites et apeurées vers la résilience pour trouver enfin une issue à leurs voix jusqu'ici étouffées et silencieuses.



Un roman à deux voix, percutant, écrit avec sensibilité et vérité, capable de brutalité mais aussi de douceur, à l'image du parcours de vie de ces deux personnages résolument attachants.



Deuxième roman de Marlène Tissot avec une très belle couverture colorée mate et brillante mêlant des mains qui se cherchent comme celles de Franck et Mary.



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Le poids du monde

Un texte terrible sur le monde tel qu'il ne va pas, sur un homme sans nom qui ne parvient pas à trouver sa place, écrasé par les difficultés économiques, le manque de travail et le mépris de la société, que même l'amour de Lili ne parvient pas à sauver... Encore une belle pépite éditée par Lunatique, encore un très beau livre de Marlène que je lis toujours avec un grand plaisir et une grande émotion !
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Mailles à l'envers

L’héroïne de Marlène Tissot (qui n'a pas de nom) est mal partie dans la vie et autant le dire tout de suite, il n’y aura pas de miracle. Elle est née par accident de parents trop jeunes, trop pauvres… peut-être trop égoïstes pour bien l’élever. Adolescente paumée, brinquebalée au gré des déménagements des parents. Père qui boit et mère volage qui tombe amoureuse tous les quatre matin. C'est la perte de l'innocence (une innocence toute relative puisque l'héroïne a été privée d'enfance) qui est évoquée dans cette histoire.



Les adultes dans ce roman sont tous pires les uns que les autres : au mieux ils sont faibles et en grande souffrance, au pire ils sont vicieux et veulent profiter de la jeune fille. Quand il y en a un qui veut l'aider (comme son voisin) elle n'écoute pas ses conseils, ne se laisse pas aider et n'en fait qu'à sa tête.



Peu d’espoir dans ce roman d’une grande noirceur mais peut-on le lui en faire le reproche ? La vie semble parfois s’acharner sur certains êtres et je ne pense pas qu’un livre doive obligatoirement finir sur un happy end.



L’écriture de Marlène Tissot emporte tout sur son passage, sans effets de manche superflus, elle sonne terriblement juste et le lecteur est pris par cette histoire très émouvante.



Un roman qui m'a fait penser à un autre très bon livre sur l'adolescence : "Muette" d'Eric Pessan, lu il y a quelques jours.
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Voix sans issue

Le dernier roman de Marlène Tissot n’est pas une impasse mais un boulevard de résistance face aux accidents de la vie.



Mary et Franck. Rien ne pouvait faire songer que ces deux êtres écorchés par leur enfance pourraient un jour se rencontrer. Et, pourtant, leurs routes vont se croiser malgré les ralentisseurs de l’existence.



Mary est coiffeuse, a pu apprendre un métier malgré l’enfer qu’elle a vécu dans son enfance et adolescence : un père qui l’aimait trop ou plutôt qui ne l’aimait pas comme un père mais comme un prédateur libidineux, et ce, avec la bénédiction d’une mère silencieuse et soumise au pouvoir familial phallique.



Franck est gardien de nui dans un cimetière et parfois le silence des morts lui semble plus réconfortant que le cri des vivants. Il a été battu par sa mère et a grandi en ayant peur des femmes, cette douleur d’enfant non aimé ne cessant de le hanter. L’absence de père est un poids supplémentaire dans son existence qui est devenue néanmoins un peu plus tranquille après avoir fait les 400 coups. Une placidité apparente qui s’enfonce dans la monotonie et où les blessures se rouvrent au moindre soubresaut.



Des destins douloureux que d’aucuns nommeraient ordinaires mais l’auteure les convertit en personnages extraordinaires. Pudiques à l’extrême, Mary et Franck surmontent comme ils peuvent leurs angoisses, leurs regrets, leurs cauchemars ; une révolte intérieure sans violence extérieure. Combatifs, ils poursuivent leur chemin de vie dans ce roman excessivement touchant, à la fois brutal et poétique, dévastateur et positif. Le tout sublimé par des variations énigmatiques qui jouent sur la sonorité des mots dans le grand fracas des existences.



La lecture terminée, le premier sentiment qui surgit est l’impression d’être loin d’avoir emprunté une voie sans issue mais plutôt avoir entendu un chant d’espérance pour des voix libérées.
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Voix sans issue

Pour une fois je vais devoir vous en dire un peu plus que la quatrième de couverture très succincte sinon vous n’allez rien comprendre à cette chronique.



L’auteure nous raconte l’histoire de deux personnages : Mary et Franck. Deux personnages qui ont été maltraités durant leur enfance. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais sachez que c’est assez dur à lire. L’un comme l’autre ne se sont pas sortis de cette enfance difficile. Nous avons donc deux adultes en décalage avec la société mais qui tentent plus ou moins de s’y insérer.



Nous les suivons dans leur chemin de reconstruction, de pardon mais aussi un peu dans la découverte qu’une autre voix est possible.



Ce n’est donc pas un livre facile à lire au début mais très vite on est captivé par le style de l’auteure qui insuffle un peu de poésie dans cette histoire difficile. Nos deux personnages sont très attachants et pas seulement parce qu’ils ont un passé difficile mais par leur personnalité atypique. Ils le deviennent encore plus quand ils vont se rencontrer par le plus grand des hasards. Ce moment marque un grand changement pour eux et aussi pour l’histoire qui va tendre vers plus de positif.



Les chapitres sont courts et on alterne entre le point de vue des deux personnages. Ce choix d’alternance est très intéressant et même essentiel pour que l’histoire soit intéressante jusqu’au bout. Quand on rajoute à ça le style d’écriture de l’auteure, on a la recette parfaite pour faire de ce livre quelque chose qui va marquer le lecteur et lui donner envie d’aller jusqu’au bout.



L’auteure aborde aussi des thèmes très actuels comme celui de la solitude. Malgré le fait qu’ils aient un travail, nos deux personnages restent très seul avec un entourage limité. On peut relier ça à leur passé mais je pense qu’il n’y a pas que cela au final. Notre société accepte les gens si ils rentrent dans des cases et eux essayent comme ils peuvent sans jamais vraiment y arriver. Mais la morale du livre c’est aussi de s’accepter comme on est malgré un passé difficile.



Elle parle aussi comme évoqué plus haut de la maltraitance des enfants. C’est à la fois abordé de manière très brut et avec aussi une certaine retenue. Elle ne nous cache pas certaines scènes mais elle adapte la façon de les aborder pour que cela corresponde au personnage et à l’âge auquel ça lui arrive. Parfois les choses sont même suggérées et ça reste quand même assez dur.



C’est une lecture que j’ai adorée et qui m’a passionnée car le style de l’auteure est sublime. C’est tout ce que j’aime. Cela m’a fait pensé au style de certains auteurs québécois que j’ai pu lire. C’est sans filtre mais avec une grande justesse par rapport au contenu.



Ce n’est pas un livre qui plaira à tout le monde mais pour les lecteurs exigeants comme moi sur la qualité de l’écriture, je pense que ça peut plaire.



Une très belle découverte !
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Mailles à l'envers

Mailles à l’envers

De Marlène Tissot (Lunatique)



Un roman que l’on ne peut oublier après avoir suivi l’enfance et l’adolescence de l’héroïne.

Une enfant non désirée, des parents trop jeunes et immatures, une gamine qui grandit et qui responsabilise. Est-ce sa faute si ses parents ne sont pas bien dans leur vie et dans leur tête ?

Elle se remet en question très souvent et un jour, elle n’a que 15 ans et… elle doit prendre une décision d’adulte.

Cela la marquera tant qu’elle fera des cauchemars, elle qui déjà n’était pas bien, va sombrer doucement dans la même vie que ses parents, pire sans doute, car elle prend tout en charge et voudrait disparaitre.

Très émouvant récit sans sensiblerie, d’une enfance fichue. C’est ainsi que j’ai compris ce roman.

J’ai bien aimé aussi son écriture simple, jeune et très directe.

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Le poids du monde

Je termine cette nouvelle écrite par Marlène Tissot le coeur gros.



25 pages d'un court récit, terrible et saisissant.

Que peut-on raconter en 25 pages ?



On peut raconter la misère d'un homme.

Un homme qui aime profondément sa famille.

Ses deux enfants et sa femme Lili, à qui il voudrait offrir une vie digne et noble.

Lili, c'est Cendrillon mais sans son prince, celle qui se contente de la joie de vivre là où il ne fait face qu'à sa déchéance.



Mais qu'est-ce qu'une vie noble ?

N'est-ce pas noble de se battre chaque jour pour trouver un travail, d'essuyer de nombreux refus tout en essayant de garder confiance en soi?



Et pourtant personne n'entend ses appels au secours.

Car la vérité ne plaît pas au monde. On préfère toujours fermer les yeux devant la misère plutôt que de s'y confronter.



Je ne sais pas pourquoi ce récit m'a autant touchée. Je l'ai terminé avec une boule dans la gorge.

Peut-être parce que j'étais chargée de recrutement en intérim et que je devais être celle qui annonçait un refus de candidature. Mais combien de personnes devant moi étaient désespérées ?

Un sujet d'autant plus d'actualité, qui ne peut pas laisser insensible, des phrases coups de poing, des sentiments à fleur de peau.



Un récit puissant. Lucide. Dur. Mais tellement vrai.



Je vous laisse admirer la beauté des mots à travers les quelques extraits ci-dessous :

"Je serai devenu un assassin. C'est pas pire qu'être un pauvre type au chômage. Les assassins, on les admire parfois. On en fait des films et des livres. Dans les histoires, les types comme moi, il n'y en a pas."



"Un type qui foire, un type qui doit probablement souffrir de vertige tellement il a toujours été incapable de gravir le moindre échelon social. Oh, c'est pas que j'aurais vraiment voulu aller très haut. Je sais bien qu'au sommet la merde à la même odeur qu'ici. Mais j'aurais bien aimé atteindre le palier de la respectabilité."



"Elle dit que, quand je suis comme ça, j'ai l'air d'avoir le poids du monde sur les épaules. Il pèse combien, le monde ?"
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Voix sans issue

In the mood for…in your head.

Mary a fui ses parents dès qu’elle a pu. Son père venait la "border" le soir, lui intimant de garder le silence. Le silence, elle a bien appris : sa mère était au courant, complice. Depuis l’enfance, en réaction à cette absence d’amour, de mot, elle entend des voix, des maux.



Franck a fui sa mère dès qu’il a pu. Il a grandi sans père mais c’est là le moindre mal : sa mère l'a toujours maltraité physiquement et psychologiquement.



Ian fui lui aussi. Il se sent lâche et bouillonne d’un grand désir de violence.

Mary, Franck et Ian sont des écorchés vifs. Mais les blessures sont profondes, enfouies, et la carapace construite pour se protéger épaisse.



Finalement, Mary fait presque illusion. Franck, lui, a trouvé le job idéal pour ne croiser personne : il est gardien de nuit dans un cimetière.



Pourtant, quand ceux à qui on a volé leur enfance se trouvent, il arrive qu’ils se reconnaissent, voire qu’ils unissent leurs faiblesses pour pouvoir enfin, qui sait, vivre un peu, pleinement.



L'écriture de Marlène Tissot est dure et protéiforme à l’instar des traumatismes racontés, mais d’une grande finesse. Le récit, teinté de poésie, est percutant et subtil, à la Sylvia Plath. Un beau moment de lecture que ce roman sur la résilience et la violence entre les genres.



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Voix sans issue

Mary et Franck sont deux êtres blessés par la vie et perdus dans un monde qu'ils ne comprennent pas.

Comment des parents peuvent à ce point détruire des enfants qui ne s'en remettront jamais vraiment ?

Comment survivre d'abord puis apprendre à vivre après avoir vécu une enfance traumatisante ?

Faut il pardonner ? Ignorer ?

En fait, la question est de savoir comment se libérer de l'emprise de ce parent.

Parce qu'une fois libre Franck et Mary découvriront qu'ils ont de l'amour à donner et peut-être un peu de place pour en recevoir.

Un roman très fort, une écriture tranchante qui ne laisse rien au hasard et aux non-dits.

L'alternance des deux personnages en tant que narrateur nous les rend encore plus proche.

Beau roman sur la résilience et l'amour de soi.
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Le poids du monde

Lui, on ne connait pas son prénom. Ou s'il nous le dit, on ne le retient pas. De lui, on sait l'amour immense qu'il porte à Lili, sa femme, la mère de ses enfants. Ses enfants dont il prend soin du mieux qu'il le peut pendant que Lili part travailler.



Car lui n'a plus d'emploi, plus de droits à une quelconque allocation.



Lui, il traine son mal-être, sa douleur, sa misère par devant lui. C'est un sentiment de nullité qui l'accapare. Un profond goût d'injustice. Un anéantissement. Un terrifiant appel au secours que personne n'entend, ni ne voit, ou ne veut entendre ou voir. A part Lili qui est là, à ses côtés, qui partage le pire, qui se contente avec toute la joie de vivre qui lui reste du verre à moitié plein plutôt que de s'absorber dans celui à moitié vide.



Cette nouvelle, signée Marlène Tissot aux éditions Lunatique, est un véritable coup au coeur. La vie dans ce qu'elle a de plus beau et de plus horrible. C'est le ressenti d'un homme qui se débat dans les méandres d'une déchéance qui l'engloutit chaque jour davantage.



Ce récit m'a fait penser à Zola, à ses descriptions sans filtre de la condition humaine.



On ne peut rester insensible à ces mots, ces phrases coups de poing, coups de sang, qui nous laissent espérer avant de nous terrasser. Et pourtant, n'est-ce pas ce que l'on fait en détournant le regard face à la misère?



Un récit d'une puissante lucidité.
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Mailles à l'envers

A lire les points de vue de lecteurs qui précèdent cette critique, on pourrait croire que le roman de Marlène Tissot est simplement le récit édifiant d'une enfance et d'une adolescence difficiles, attestant à la fois de la souffrance et de l'impossibilité de s'arracher la misère d'une donne initiale, où l'on peut comprendre que tout est dit du futur de la narratrice, puisqu'il ne sera que la réplique de l'histoire dont elle est l'héritière et la victime. Si ce n'était que cela, nous serions dans un avatar de roman noir, moins larmoyant que les « Deux orphelines » et non moins désespérant que « le Pain noir… » Bref du déjà vu, édifiant certes, mais sans plus.



Mais voila : c'est un roman, un vrai.

Fidèle à ma règle, je l'ai relu trois fois. Et ce texte supporte l'épreuve, d'autant plus que la conduite de récit nous y invite. Il faut la penser à la manière d'un « jeu de l'oie ».



J'ai donc fait en lecteur soumis, une première lecture dans l'ordre, je veux dire dans l'ordre du « maillage » arrêté par l'auteure

Puis une seconde lecture, pas très originale, puisque j'ai suivi l'ordre chronologique (huit ans, neuf ans etc… jusqu'à 19ans, en « détricotant » l'ordre voulu par Marlène Tissot.

Enfin, une troisième lecture, aléatoire car chacun peut inventer son parcours. Personnellement j'ai choisi une lecture en continu des petits textes en frontispice de chaque chapitre. Ce n'est pas sans rappeler les résumés liminaires que l'on trouvait en tête de chapitres dans les romans anciens… « où l'on apprend que… etc. » Ces petits textes, présentés en écriture scripte créent un effet de distanciation poétique par rapport au récit.



Voila une leçon de littérature. Car ce n'est pas un récit factuel d'une enfance malheureuse. C'est encore moins une autobiographie, rien ne nous permet d'affirmer qu'il s'agit d'un vécu. Et si c'était le cas, il s'agit plus d'une réappropriation par l'écriture d'une histoire vécue (par une narratrice imaginaire ? par l'auteure ? Nous n'en saurons rien, et peu nous importe : nous n'avons que ses mots) ou imaginée qui sonne comme une résilience :

« Tu m'as donné ta boue, et j'en ai fait de l'or »

La dernière « didascalie-titre" de l'ultime chapitre du roman nous en fournit la clef :

« le goût de liberté des premières

nuits passées dehors

les étoiles qui pétillent

sur la chevelure noire du ciel

la caressedu vent

et cette petite sensation de jouissance

en se disant qu'on ne laissera plus jamais

jamais personne

nous dire ce qu'on doit faire » (p. 145)



Maille « à l'endroit, maille à l'envers » ça marche.

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