AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Marta Hillers (101)


Occasion de plus de constater que, quand tout s'écroule, ce sont les femmes qui tiennent le mieux le coup, et qu'elles n'attrapent pas aussi vite le vertige.
Commenter  J’apprécie          260
Dehors, c'est toujours la guerre. Notre nouvelle prière du matin et du soir est désormais : "C'est au Führer que nous devons tout cela." Phrase qui, pendant les années de paix, exprimait louanges et gratitude sur des panneaux peints ou dans les discours. Maintenant, et bien que la formulation soit restée la même, le sens est inversé, ne trahissant plus que mépris et dérision. Je crois que cela porte le nom de renversement dialectique.
Commenter  J’apprécie          230
Nous sommes restées assises l'une en face de l'autre à sa table en cuivre et nous avons bavardé. Ou plutôt , nous avons parlé à tue-tête pour couvrir le vacarme croissant des tirs d'artillerie. Mme Golz, d'une voix cassée :" Quelles belles fleurs, quelles fleurs magnifiques...", et les larmes coulaient sur son visage. Moi aussi je me sentais horriblement mal. Maintenant la beauté fait mal. Tellement la mort nous emplit.
Commenter  J’apprécie          230
Le lendemain matin, vers 10 heures, dans mon trois-pièces sous les toits. Nous sommes restés bloqués dans la cave jusqu’à environ 4 heures.
Puis j’ai grimpé seule là-haut. Je me suis réchauffé une soupe de betteraves sur le gaz toujours moribond, ai pelé quelques patates, ai cuit mon dernier œuf, plus exactement, je l’ai mangé à moitié cru, et je me suis ensuite aspergé tout le corps d’un reste d’eau de Cologne. Curieux le nombre de choses que l’on fait désormais pour la dernière fois, c’est-à-dire pour la dernière fois jusqu’à la prochaine qui aura lieu on ne sait trop quand, certainement dans très longtemps. D’où me viendrait un autre œuf ? Ou bien du parfum ? Je savoure donc ces plaisirs en pleine connaissance de cause, leur accorde la plus grande attention.
Après cela, je me suis glissée dans mon lit tout habillée, et j’ai dormi d’un sommeil entrecoupé de rêves agités. Maintenant, il faut que je parte faire des courses…
Commenter  J’apprécie          220
Je t'ai demandé :
" Tu as reçu ton appel sous les drapeaux ? Il est là dans ta poche ?
- Non, pas dans ma poche", as-tu répondu.
Mais tu l'avais reçu le matin même et nous nous doutions que la guerre se cachait là derrière.
Nous avons passé la nuit dans un refuge à l'écart. Trois jours plus tard, tu étais parti et nous avions la guerre. Nous y avons survécu tous les deux, mais est-ce pour notre bonheur ?
Commenter  J’apprécie          184
Personne ne répond. La fille reste étendue, comme pétrifiée. Le Russe vocifère derechef, sur un ton à la fois bourru et furibard: "Quel âge?"
Je m'empresse de répondre en russe: "C'est une étudiante, elle a dix-huit ans." Je voudrais ajouter qu'elle est blessée à la tête; ne trouve pas les mots et m'en sors finalement en recouvrant au terme internationalement connu kaputt: "tête kaputt, les bombes"
Suit alors un aparté entre l'homme et moi, un échange de paroles précipitées, de questions et de réponses qu'il serait inutile de transcrire, parce qu'elles n'avaient pas de sens. Cela tournait autour de l'amour, l'amour vrai, de l'amour passionnel, et qu'il m'aimait, et si moi je l'aimais, et si on allait s'aimer lui et moi.
Le petit peuple de la cave, toujours terrorisé, ne comprend pas une once de ce qui est en train de se passer.
Commenter  J’apprécie          170
Le second Russe, un jeune garçon de dix-sept ans, a d'abord été partisan, puis a mis le cap vers l'ouest avec la troupe des combattants. Le front plissé, il me lance un regard sévère et m'invite à dire que, dans son village, des militaires allemands ont poignardé des enfants et ont saisi des enfants par les pieds pour leur fracasser le crâne contre un mur. Avant de traduire, je demande : « Entendu dire ? Ou assisté vous-même à la scène ? » Lui, d'un ton sévère et le regard fixe : « Vu moi-même, deux fois. » Je traduis.
Commenter  J’apprécie          150
Ces filles-là sont à tout jamais lésées des premiers fruits de l'amour. Quand on a commencé par la fin, et de manière aussi brutale, on ne peut plus frissonner de plaisir aux premières caresses.
Commenter  J’apprécie          140
A l'époque, je me faisais constamment la remarque suivante : mon sentiment, le sentiment de toutes les femmes à l'égard des hommes, était en train de changer. Ils nous font pitié, nous apparaissent affaiblis, misérables. Le sexe faible. Chez les femmes, une espèce de déception collective couve sous la surface. Le monde nazi dominé par les hommes, glorifiant l'homme fort vacille - et avec lui le mythe de l'"Homme". Dans les guerres d'antan, les hommes pouvaient se prévaloir du privilège de donner la mort et de la recevoir au nom de la patrie. Aujourd'hui, nous, les femmes, nous partageons ce privilège. Et cela nous transforme, nous confère plus d'aplomb. A la fin de cette guerre-ci, à côté des nombreuses défaites, il y aura aussi la défaite des hommes en tant que sexe.
Commenter  J’apprécie          140
il s'est remis à chanter, tout bas, des airs mélodieux, j'aime l'écouter. C'est un homme intègre, un être propre, ouvert. Mais lointain, étranger, et encore si immature. Nous, les Occidentaux, nous sommes vieux et savants - et pourtant, maintenant, nous ne sommes que de la boue sous leurs bottes.
Commenter  J’apprécie          140
Et moi, je suis restée frigide durant tous ces accouplements. Il ne peut en être autrement, il ne doit pas en être autrement, car je veux demeurer morte et insensible, aussi longtemps que je suis traitée comme une proie
Commenter  J’apprécie          140
(Dernières lignes)
Je n'ai pas encore atteint le point limite auquel ma vie serait menacée, j'ignore quelle distance m'en sépare encore. Je sais seulement que je veux survivre- à l'encontre de toute raison, absurdement, comme une bête...
(vendredi 22 juin 1945)
Commenter  J’apprécie          140
Dans la file , les mêmes discours qu'à la pompe : maintenant tout le monde toune le dos à Hitler et personne n'était là.
Tout le monde a été persécuté et personne n'a dénoncé.
Moi-même étais-je pour ? Etais-je contre ? En tout cas j'étais en plein dedans et j'ai respiré l'air qui nous entourait et nous donnait une certaine couleur même si nous ne le voulions pas.
Commenter  J’apprécie          130
Moi aussi je me sens complètement abattue. Nous sommes déchues de nos droits, nous sommes devenues des proies, de la merde. Notre rage se déverse sur Adolf. Questions inquiètes : où est le front ? Quand viendra la paix ?
Commenter  J’apprécie          130
Drole de periode,on vit l'histoire en direct des choses que plus tard on racontera et on chantera.Mais,quand on est dedans,tout n'est que fardeau et angoisse.L'histoire est lourde a porter
Commenter  J’apprécie          130
Il paraîtrait qu'à l'est, des millions de gens, pour la plupart des juifs, ont été brûlés dans des camps, de grands camps. Il paraît aussi qu'on aurait utilisé leurs cendres comme engrais chimiques. Et ce qu'il y a de plus incroyable : tout aurait été soigneusement noté dans de gros livres, registres comptables de la mort. Il se fait que notre peuple aime l'ordre. Plus tard, dans la soirée, il y eut du Beethoven, qui fit jaillir des larmes. J'ai tourné le bouton. Pour l'instant, c'est insupportable.
Commenter  J’apprécie          120
- Homo homini lupus.

- NB : "L'Homme est un loup pour l'homme".
Commenter  J’apprécie          120
Un jour que je me trouvais dans un de ces trains soviétiques qui mettent toute une journée pour traverser le pays
Commenter  J’apprécie          110
« Les blindés défilent déjà, ici, en bas. Tous les Ivan débordent de joie. Tout le monde se bouscule sur le trottoir, rit et fait des signes, on tient les enfants à bout de bras... » /Der rote Wedding/, vieux quartier communiste. Ça pourrait être vrai. Ces propos déclenchent aussitôt un débat animé. Finalement, déclarent certains, est-ce que la propagande ne nous aurait pas abrutis ? Finalement, « ils » ne sont pas si... Et c'est là qu'intervient la jeune fugitive de Prusse-Orientale, qui jusque-là était restée muette, elle lance maintenant des phrases qu'elle n'achève pas, dans son dialecte, sans trouver les mots justes, elle gesticule, s'égosille : « Vous allez voir... », puis elle retombe dans son silence. Et là-dessus, toute la cave se tait.
Commenter  J’apprécie          103
Oui, les filles sont une denrée qui se fait rare. On connaît désormais les périodes et les heures auxquelles les hommes partent en chasse de femmes, on enferme les filles, on les planque dans les soupentes, les empaquette dans des endroits sûrs. A la pompe, on s'est passé le mot, tout bas : dans un bunker aérien, une femme médecin a aménagé une pièce en lazarets pour patients contagieux, a placardé de grands panneaux en allemand et en russe, informant que l'endroit abritait des malades atteints du typhus. En réalité n'y sont logées que toutes les jeunes filles des maisons avoisinantes, dont la doctoresse sauvegarde la virginité en prétextant cette maladie.

(plus de cent mille berlinoises furent victimes de viol à la fin de la guerre)
Commenter  J’apprécie          100



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Marta Hillers (721)Voir plus

Quiz Voir plus

Littérature et opéra

Mozart composa, en 1787, la musique de son opéra "Don Giovanni", inspiré du "Dom Juan" de ...?

Corneille
Racine
Beaumarchais
Molière

12 questions
190 lecteurs ont répondu
Thèmes : opéra , musique classique , littératureCréer un quiz sur cet auteur

{* *}