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Citation de Charybde2


La nuit d’été défilait. Villages, récoltes en train de mûrir, églises délabrées se succédaient, nébuleux se mêlant aux songes de Maya.
Elle essayait de rester éveillée, mais de temps à autre, ses paupières faisaient ce qu’elles voulaient. Parfois, la jeune fille rêvait aux passagers de première classe qui dormaient, bien bordés dans leurs compartiments.
La classe « à la dure » n’avait pas de compartiments. Cette classe économique était un dortoir où brûlaient encore quelques lampes et où les ronflements, les étreintes étouffées, les odeurs corporelles et les querelles domestiques étaient l’affaire de tous. Certains passagers voyageaient depuis des jours et la lassitude due à la promiscuité commençait à se faire sentir. Une partie de cartes commencée la veille entre ouvriers des plate-formes pétrolières tournait au vinaigre, avec son lot de vindictes et d’accusations. Une bohémienne passait de couchette en couchette, proposant les mêmes châles à voix basse. Des étudiants voyageant pas cher étaient plongés dans un autre monde, écouteurs sur la tête. Un prêtre enlevait les miettes de gâteau accrochées dans sa barbe. La plupart des voyageurs étaient aussi quelconques que du chou cuit à la vapeur. Un soldat ivre arpentait le couloir d’un bout à l’autre.
Pourtant, Maya préférait la civilité fruste de la classe économique à la première. Là, elle était à sa place. Elle avait quinze ans, silhouette de brindille en jean déchiré et blouson d’aviateur à la texture de carton. Ses cheveux étaient teints en rouge feu. Un sac en toile contenait tout ce qu’elle possédait, un autre dissimulait sa petite fille de trois mois, emmaillotée serré et bercée par le roulement du train. La dernière chose dont Maya avait besoin était de se retrouver coincée dans un compartiment sous le regard insistant de snobinards. Pas qu’elle aurait pu se payer la première, de toute façon.
Après tout, décida Maya, un train n’était jamais qu’un appartement communautaire sur rails. Elle en avait l’habitude. La plupart des hommes s’étaient mis en pantalon de survêtement, maillot de corps et pantoufles pour la durée du voyage ; elle surveillait ceux qui ne l’avaient pas fait : une chemise à manches longues risquait de camoufler les tatouages de celui qu’on avait lancé à ses trousses pour la ramener. Par précaution, elle avait choisi une couchette inoccupée. Elle ne parlait à aucun passager et personne n’avait remarqué le bébé.
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