Après avoir été remarqué·es pour leur premier roman et obtenu un vrai succès d'estime de la part des critiques et des lecteur·ices, Dima Abdallah, Martin Mongin et Laurent Petitmangin ont très vite publié un autre texte. Bleu nuit dresse le bouleversant portrait d'un homme en proie à ses fantômes ; le Chomor nous emmène dans les méandres d'une enquête où la fiction renverse la réalité ; et Ainsi Berlin sonde les contradictions de l'âme humaine sur fond de reconstruction d'après-guerre.
Comment envisage-t-on l'écriture et la publication d'un nouveau texte après avoir bénéficié d'un si bon accueil ?
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C’est là que nous avons nourri le désir d’une vie pleine et rare, d‘une vie au contact des éléments et des matières, d’une vie en lien avec les forces qui avaient modelé ces plateaux s’étalant au-dessus de nous et qui bouillonnaient encore aux confins de l’univers. Nous ne nous satisfaisions plus de nos vies minuscules, nous voulions bâtir quelque chose de grand et de rare, pour l’avenir. Dans ces moments-là, Dieu lui-même eût été bien en peine de satisfaire nos appétits de titans.
Je crois que la folie a à voir avec l’impossibilité de parler à quelqu’un d’autre, l’impossibilité de partager ce qu’on a vu, ce qu’on a entendu, ce qu’on a compris. La folie a quelque chose à voir avec la solitude et le silence.
Comme disait ce type, la façon la moins incorrecte de ne pas être à l’heure, c’est encore d’être en avance.
Ce sont eux, les héros. Moi, je n’ai jamais été qu’une idée abstraite, une force invisible, un principe directeur, une puissance secrète mais qui les faisait avancer, qui les faisait regarder plus loin. Je les ai aidés à ma manière; mais pas de quoi faire de moi leur égal, pas de quoi les rejoindre d’un bond en haut du podium.
Il y a les livres qui existent et les livres qui n’existent pas ; mais entre les deux, il y a encore la place pour certains livres d’un genre intermédiaire, qu’on serait bien en peine de classer dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Des livres qui existent à peine, des livres qui flottent dans les limbes de la thermosphère littéraire et qui se soustraient sans cesse à nos efforts pour les saisir. Des livres ontologiquement indécidables et qui subsistent pourtant à leur façon, comme une promesse, comme un rêve, comme un espoir.
Il n’a évidemment plus jamais été question d’écrire un livre. Nous nous sommes seulement demandé ce que nous allions faire de ce nom que nous avions extirpé du néant, que nous avions fait descendre sur la Terre, et qui nous restait maintenant sur les bras – nous nous sommes demandé ce que nous allions faire de Francis Rissin.
Vous pouvez créer tous les personnages de roman que vous voulez, ça ne sera jamais assez pour faire de vous un père.

INCIPIT
Catherine Joule, séminaire Textes et intertextes, cours du 3 septembre *** : «Approche centrée sur la personne», université de Paris IV-Sorbonne (enregistrement sonore), collection privée, fac-similé en possession de l'éditeur.
Il y a les livres qui existent, les livres qu'on peut facilement se procurer sur les étals des librairies, chez les bouquinistes ou dans les arrière-salles poussiéreuses des antiquaires de la rue de Sèvres - ces livres qui nous présentent lascivement leur dos coloré sur les étagères des bibliothèques, pour qu'on les caresse du bout des doigts. Il y a les livres qui existent, et les livres qui n'existent pas, les livres qui n'ont jamais été écrits, les livres imaginaires, les livres de romans.
Vous savez que certains auteurs se sont amusés à inventer des ouvrages de toutes pièces, et à les jeter négligemment dans les mains de leurs personnages. Les surréalistes ont abusé de ce procédé, tout comme Pierre Manon, Frédéric Balaire, ou encore François Rabelais, longtemps avant eux, avec son célèbre catalogue de la Bibliothèque de l'Abbaye de Saint-Victor, dans Pantagruel.
Madame Bovary est un livre qui existe. La Barre fixe, de Robert de Passevant (citée par André Gide dans Les Faux-Monnayeurs), on La Chrestomathie du désespoir, de François Merlin (citée par Louis Guilloux dans Le Sang noir), sont des livres qui n’existent pas – des livres dont vous pourrez seulement croiser le nom dans un autre livre, bien réel celui-là. Vous trouverez la liste de ces ouvrages inexistants dans le beau dictionnaire de Stéphane Mahieu, La Bibliothèque invisible, publié il y a quelques années aux éditions du Sandre.
Parmi les livres qui existent, il y a aussi ceux qui ont disparu, les livres dont l’existence est attestée mais dont on n’a jamais retrouvé la trace – ces livres dont les longues listes des doxographes de l’Antiquité nous donnent un minuscule aperçu. Et puis il y a les livres dont nous ne savons rien, les livres dont nous ne savons même pas qu’ils ont été détruits ou perdus. Combien de livres disparus pour un livre qui arrive jusqu’à nous? «Les chercheurs d’or remuent beaucoup de terre, disait Héraclite, et ils ne trouvent pas grand-chose.»
Il y a les livres qui existent et les livres qui n’existent pas; mais entre les deux, il y a encore la place pour certains livres d’un genre intermédiaire, qu’on serait bien en peine de classer dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Des livres qui existent à peine, des livres qui flottent dans les limbes de la thermosphère littéraire et qui se soustraient sans cesse à nos efforts pour les saisir. Des livres ontologiquement indécidables et qui subsistent pourtant à leur façon, comme une promesse, comme un rêve, comme un espoir.
L’Approche de Francis Rissin est un livre de cette catégorie mitoyenne.
Il y a des livres qui existent, des livres qu'on peut facilement se procurer sur les étals des librairies, chez les bouquinistes ou dans les arrières-salles poussiéreuses de la rue de Sèvres- ces livres qui nous présentent lascivement leur dos coloré sur les étagères des bibliothèques, pour qu'on les caresse du bout des doigts. Il y a les livres qui existent, et les livres qui n'existent pas, les livres qui n'ont jamais été écrits, les livres imaginaires, les livres de romans.
Tant que je suis en vie, ma place est ici, auprès de tous les français. Quand je serai mort… Vous verrez bien. Vous croirez m’avoir enterré sous un mausolée du Père-Lachaise, ou avoir déposé mes cendres dans la niche d’un petit columbarium de province ; vous croirez que j’aurai disparu, et pourtant je sera encore là parmi vous -aussi vrai que je m’appelle Francis Rissin