Des hommes (de tous les milieux sociaux) continuent de battre, violer, voire tuer des femmes. Le partage des tâches ménagères et éducatives reste un vœux pieux. En Suisse (les statistiques sont similaires dans de nombreux pays), les femmes consacrent presque deux fois plus de temps que les hommes au travail domestique et à la famille, et les salaires mensuels médians des femmes sont encore inférieurs d’un peu plus de mille francs aux salaires médians masculin. Le pouvoir politique, intellectuel et culturel reste largement masculin : par exemple, d’après des chiffres de 2011, on ne compte que 3,5% des femmes parmi les réalisateurs de films à Hollywood (mais 25,8% des actrices de ces films apparaissent en petite tenue, contre 4,7% des acteurs). Et ainsi de suite.
L’ambition de ce livre est de mettre à la portée d’un maximum de gens possible (pas seulement des étudiant·e·s en « études de genre ») ce qui se concocte dans les tours d’ivoire du savoir, afin de rétablir le lien entre la théorie et le quotidien. Car ce qu’on dit de la politique vaut aussi pour la théorie : vous avez beau ne pas vous occuper d’elle, elle s’occupe de vous
Tout en affirmant notre pleine solidarité avec les femmes et les filles aux prises avec la prostitution, nous estimons que dans une perspective de respect des droits humains et pour atteindre l’égalité de fait entre les sexes, nous devons simultanément participer à la construction d’un monde libéré des pratiques du sexe tarifié
Ce que les théoriciennes féministes nous disent désormais, c’es qu’il faut créer une véritable cohérences entre les deux faces de la citoyenneté, en supprimant les inégalités de principe entre les sexes non seulement dans la sphère publique mais également dans la sphère privée
les multiples formes d’oppression (de classe, de race, de genre, d’orientation sexuelle, et.) ne s’ajoutent pas simplement les unes aux autres, elles s’entremêlent pour former des oppressions spécifiques à cet entrecroisement
La pensée féministe étant allée très loin dans la radicalité de sa réflexion, il est possible que les personnes qui liront ce livre y trouvent des choses qu’elles ne pourront pas entendre ou accepter
alors que ce sont les savoirs féminins, qui sont de fait naturalisés et non reconnus comme des savoirs acquis, ce sont cependant les filles qui doivent faire preuve de la qualification acquise par un diplôme, voire une expérience professionnelle de la même spécialité et/ou du même métier. Non seulement elles doivent faire preuve de leur qualification mais elles doivent le faire en amont, avant même d’entrer en formation. Les jeunes hommes devant, inversement, démontrer leurs capacités à atteindre, en aval, grâce à la formation, la qualification requise par l’entreprise
La division des deux sphères de l’existence et la ségrégation des sexes se sont ainsi renforcées mutuellement, créant un cercle vicieux que les féministes ont mis un siècle et demi à questionner
Le débat démocratique implique une confrontation entre différentes manières, non seulement de dénouer, mais de poser les problèmes
Il nous apparaît important de remettre en question tous ces discours qui, défendant « la légitimité du travail du sexe », jugent réactionnaire, misérabiliste, moralisateur, victimisant, voire violent le point de vue de militant.e et chercheur.e féministes qui dénoncent une tendance à la surenchère sexuelle et à la banalisation du sexe tarifié