Citations de Martine Delvaux (131)
Il n'a pas senti, autour de lui, les bras qui consolent, qui calment, qui sèchent les larmes.
Il mériterait de recommencer sa vie dans un autre ventre que celui où il a été conçu.
Parfois, je prends la mesure de notre amitié par la place qu'y tient le silence.
Ne rien dire, ne rien faire, seulement être ensemble.
C'était l'histoire d'un couple de jeunes mariés qui vivaient dans la pauvreté, en Russie, au tournant du siècle dernier.
Pour offrir une chaîne en or qui allait remplacer la lanière en cuir usée à laquelle était attachée la montre de son mari, la jeune épouse avait coupé et vendu ce à quoi elle tenait le plus : la magnifique chevelure rousse qui tombait en une lourde masse le long de son dos. Pour offrir à son épouse les peignes d'écaille qu'elle convoitait pour orner sa chevelure, son mari avait vendu ce à quoi il tenait le plus : la montre de poche de son grand-père, dont il avait hérité. En échangeant leurs étrennes, les jeunes gens s'étaient rendu compte du ratage et de l'ampleur de leur amour : le don était pur.
Il a le profil d'un Abénaquis, héritage de la lignée maternelle. C'est un grand chef à qui un roc, un pic, un cap, donne au visage son panache.
Être féministe, ce n'est pas, comme certains individus se plaisent à le caricaturer, se complaire dans une position de victime. Être féministe, c'est être vigilante, curieuse et à l'affût, critique et soupçonneuse des discours dominants. C'est regarder derrière pour voir devant, et continuer à rêver, par des paroles et des gestes militants, un monde plus tolérable, un monde où l'on vivrait mieux.
Il déteste s'astreindre aux appels inutiles durant lesquels la fonction phatique se limite à un discours sur le temps. Il fait beau, il fait mauvais, il fait soleil, il y a du vent, comme dans les manuels d'apprentissage qu'on utilise pour enseigner le français.
Il préfère le silence à la vacuité de tels échanges.
être juste à côté, tourner autour, ne rien dire de sa douleur sinon en ravalant son souffle, en effleurant le papier ou en riant à gorge déployée, c’est la seule manière de revenir après une absence, de ne pas vous effrayer avec notre grâce ployante d’oiseau mort, de maintenir le trait, le fil entre nous lorsque notre être-au-monde se résume à une infinie convalescence
Marguerite Duras
Je ne sais pas quel genre de vie tu vas mener, mais j'espère que tu n'oublieras jamais que tu as le droit d'en changer le cours. Le droit de te dire, un jour, en regardant autour de toi : ceci n'est pas ma vie. Et tout faire pour te remettre à bouger et recommencer à respirer.
(...) il faut avoir une passion, il faut trouver cette chose qui te fait respirer et sur laquelle tu pourras toujours compter parce que tu pourras la sortir de ta poche comme un as qui donne un sens à ton existence.
Ce n'était pas Platon, le fantasme de la moitié manquante.
C'était soi-même retrouvé dans un autre dont on n'aurait jamais soupçonné l'existence.
Je ne sais pas combien de questions je peux me poser sur lui. Je ne sais pas combien de réponses je peux donner. Je sais seulement qu'il fait partie de ma mythologie.
revenir à Éros et Thanatos, dieux grecs de l’amour et de la mort, aux pulsions qu’ils désignent depuis Freud et aux glissements dangereux qui s’opèrent aujourd’hui lorsqu’on emploie l’expression « crime passionnel » au lieu du mot juste « féminicide », comme si on pouvait tuer au nom de l’amour, comme s’il ne s’agissait pas toujours de jalousie possessivité masculinité toxique misogynie systémique
aucune parole sentence conseil n’est jamais neutre, tout est politique et nous recevons de plein fouet les mises en doute servies sous forme de remarques encourageantes, pourtant tu as l’air en santé tu as l’air bien, manière de nous faire comprendre qu’il vaudrait mieux porter le costume de la souffrance pour que les choses soient enfin évidentes
Ce que ma mère a vécu, je ne me suis jamais permis de l’imaginer. Ca m’est tout aussi inaccessible que ce que j’ai moi-même pu ressentir en tant que petit bébé et qui parfois peut-être se réactive malgré moi, la peur de disparaître, d’être oubliée pour de bon.
Ou bien je n’ai jamais su trouver les mots, ou bien j’ai manqué de courage pour le dire parce que dire certaines choses, c’est leur donner le pouvoir d’exister. Très vite, j’ai compris que briser le silence, ce serait trahir, et que même l’écriture ne m’évitait pas de trahir, parce que l’écriture, c’est encore pire. (p. 74)
Leur puissance réside dans le refus d'une posture de victime prescrite par le discours ambiant qui, suivant une logique perverse, reconnaît la violence faite aux femmes non pas dans le but de les protéger mais dans le but de les faire taire.
Ainsi, il faut voir la femme-loup comme ce que devient le Petit Chaperon Rouge, non pas parce qu'il n'a pas bien appris sa leçon mais parce que la leçon était un leurre, une façon de préparer les victimes.
Tu as porté mon amour comme un vêtement préféré, élimé à force d’être lavé, comme un chemisier tout neuf qui émerveille par sa coupe, son motif, sa matière, et qui bientôt pâlit, s’effiloche, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus être récupéré et qu’on regrette le fait de l’avoir préservé.
Je ne sais pas si j’ai vécu cet amour pour pouvoir l’écrire, ou si je l’écris pour qu’il finisse par exister.
On connaît intimement l'aller-retour furieux d'une main et les coups de butoir enragés d'un sexe, la voix qui s'élève pour enterrer la nôtre, les phrases interrompues sans arrêt, des conversations déviées de leur chemin. On connaît le visage de vos attentats et de vos démolitions, de vos moquerie et de vos humiliations. Comment vous entamez ce qu'on essaie de construire. On sait tout ça, et à chaque fois on oublie, juste assez. Comme j'ai oublié cette fois-ci encore. Un oubli stratégique, nécessaire, pour pouvoir continuer à penser et à écrire. Et toujours recommencer.
On connaît le rire gras, lourd, bruyant, d'hommes qui se tapent sur les cuisses, échangent des blagues dont eux seuls peuvent saisir le sens, resserrant leurs liens en se moquant d'une autre personne qui le plus souvent est une femme ou une personne qui représente une minorité, une forme de marginalité, et qui dans tous les cas est leur subordonnée. Un rire qui est une manière d'imposer sa domination au détriment des autres. Un rire qui, contrairement à ce que laisse entendre l'expression « conversation de vestiaire », ne s'en tient pas à cet espace restreint, mais est un moyen de prendre toute la place.
Les amours des garçons, qu’il s’agisse de musique, de cinéma, de sport ou de jeux vidéo, reçoivent l’aval social malgré l’agressivité qui leur est associée (une agressivité qu’on regrette autant qu’on l’entretient). Les amours des filles, elles, sont le plus souvent dévaluées. Ou bien ce qu’elles aiment ne mérite pas d’être aimé, ou bien c’est leur amour qui est invalidé: elles aiment trop, ou mal, ou elles n’aiment pas vraiment, pas sérieusement. On se moque d’elles, on les accuse de fausseté, on dit qu’elles manquent de personnalité. On hait ce qu’elles aiment, et on leur indique ainsi qu’est sans intérêt non seulement ce qui retient leur attention, mais qui elles sont. Alors, comment sont-elles censées devenir des écrivaines, des penseures, des artistes, des avocates, des médecins, des professeures…