[…] l'historien américain [Richard Kieckhefer] de montrer [l'opposition entre] deux représentations de la sorcellerie, l'une populaire et l'autre savante ; il estime que jusqu'à la fin du Moyen Âge ces deux visions étaient entremêlées de manières inextricable. Pour la période qui précède 1500, il propose une méthode qui permette de les distinguer. Selon lui, les dépositions des témoins à charger sont porteuses d'une vision populaire de la sorcellerie, tandis que les interrogatoires reflètent la vision savante des juges, imposée aux accusés par des interrogatoires ou par la torture. Les deux visions se distinguent par le fait que les témoins parlent plutôt de magie (noire) (en anglais sorcery), tandis que les juges savants parlent de démonologie ou de diablisme (en anglais diabolism), car seul un pacte avec le diable permettrait l'exercice de la magie nuisible. D'après Kieckhefer, la conception savante se serait imposée à la conception populaire ; il avance pour preuve les procès de Jordane de Baulmes (1498), à qui on a posé la question de ce qu'était la sorcellerie et qui connaissaient la démonologie savante. L'exemple le plus probant et celui de Pierre Chavaz qui, déjà en 1448, lance aux juges qui veulent le faire torturer : « Je dirai ce que vous voudrez : j'ai mangé des enfants, et je dirai toutes les mauvaises choses que vous voudrez entendre ».