Passer d'un état de liberté à un état d'esclavage et s'y trouver à l'aise est évidemment impossible. Mais chacun sait que trop se torturer l'esprit a pour résultat d'affaiblir le corps ; mieux vaut donc, lorsque nous sommes prisonniers, mettre tous nos efforts à rendre supportable le présent, laissant les jours futurs apporter leurs propres peines. Pour nous, nous ne sommes que ce que nous nous sentons être. (p.146)
L'usage de l'alcool, mais aussi les efforts des populations blanches pour civiliser et christianiser les Indiens n'ont jamais eu d'autre effet que de les pervertir en accentuant leurs vices, leur faisant perdre la plupart de leurs qualités.
Le refus des chefs de le laisser s'en aller fut l'une des raisons pour lesquelles je décidai de rester ; mais une autre raison, plus puissante encore, pesa sur ma décision : j'avais une grande famille d'enfants indiens qu'il me faudrait emmener avec moi, et qui seraient sans doute méprisés par mes parents si j'avais quelque chance de les retrouver ; du moins les traiteraient-ils comme des ennemis, peut-être avec un tel degré d'indifférence que je ne pourrais le supporter. (p.94)
- Amis, écoutez ma voix ! Quand le Grand Esprit fit les Indiens, il les fit tous bons, et leur donna de bons champs de maïs, de bonnes rivières pourvues de poisson, de bonnes forêts pleines de gibier, de bons arcs et de bonnes flèches. Mais très vite chacun voulut avoir plus que sa part, et les Indiens se querellèrent avec les Indiens ; certains furent tués, d'autres blessés. Alors le Grand Esprit fit une très bonne parole, qu'il mit dans le coeur de chaque Indien pour distinguer nos bonnes et nos mauvaises actions ; et cette parole n'a jamais menti. (p.140-141)
Nul ne put avoir une vie plus heureuse que celle des Indiens en temps de paix, avant l'introduction de l'alcool. Leur vie était une continuelle partie de plaisir. Ils avaient peu de besoins, faciles à satisfaire ; ils vivaient au jour le jour, prévoyaient peu d'améliorer leur confort et ne se souciaient pas du lendemain. Si la paix a jamais régné parmi les hommes, ce fut en des temps anciens, à l'écart de toute guerre, des temps que nous nommons aujourd'hui barbares. (p.65)
On a beaucoup parlé de la cruauté des Indiens envers leurs ennemis - cruauté dont j'ai témoigné et dont j'ai de nombreuses preuves. Ils n'en sont pas moins naturellement paisibles, bons et doux à l'égard de leurs amis, et profondément honnêtes ; ces cruautés ont été pratiquées uniquement sur leurs ennemis, conformément à la conception qu'ils ont de la justice. (p.47)
Dès que je le vis, je me mis à trembler, de peur de mourir, mais quand il fut assez près, et que je pus voir son visage, des larmes de joie coulèrent sur mes joues et je ressentis un grand soulagement dont nul ne peut faire l'expérience, à moins que, menacé de mort, il n'ait reçu une grâce définitive. (p.62)
Ce sont de tels sacrifices, familiaux et non nationaux, qui ont valu aux Indiens cette indestructible réputation de barbarie. C'est pour cela qu'on leur a généralement prêté une nature d'une impitoyable férocité et d'une cruauté sans frein. (p.36)
J'étais accueillie parmi elles comme une soeur des deux squaws dont j'ai déjà parlé et fus appelée Dickewarmis, un nom qui signifie jolie fille, agréable. Ce sera désormais mon nom indien. (p.34-35)
Nous vivions paisiblement ; jalousies, querelles, batailles vengeresses entre familles et individus ne sont devenues communes dans les tribus indiennes qu'après l'introduction de l'alcool. (p.46)