J'ai froid et je grelotte, malgré la couverture enroulée autour de mes épaules.
Ils vont me condamner à présent. Personne ne nous croira. Personne ici ne croira une seconde à l'amour. Je suis une criminelle, Vili une victime ; pour eux, c'est aussi simple que cela.
Je n'ai ni montre, ni pendule. J'ignore l'heure qu'il peut être, je cherche à la deviner. Je voudrais tant qu'il soit minuit et demi. C'est notre heure à nous, elle nous réunit quoi qu'il arrive, où que nous soyons, quoi que nous fassions. A minuit et demi, tout peut s'arrêter, le monde disparait autour de nous. Unis dans la même prière, nous pensons très fort l'un à l'autre. Cette prière ne s'adresse pas à Dieu mais à nos souvenirs, pour célébrer le contact de nos deux peaux. La tendre chaleur des bras de l'autre, la pure jouissance de cette force qui nous rapproche et fait de nous un seul être.
J'allais perdre un père, mais cela n'avait rien à voir avec la douleur qu'une épouse éprouve en perdant l'être sur lequel repose tout son amour, dont l'esprit est un compagnon permanent, qui voyage à vos côtés durant toute votre vie, dont vous entendez le souffle accompagner le vôtre nuit après nuit, dont les mains caressantes vous ont juré fidélité et passion. Mon esprit était tourmenté de questions sans réponse.
J'ai su dans ces tristes moments, en cette nuit révélatrice du destin de mon père, que je n'aurais pas cette longue vie d'amour en commun. Et mon mari non plus. J'avais de beaux enfants, mon identité propre, un avenir personnel. Mais l'homme qui dormait dans la chambre de notre maison n'était ni une âme sœur ni une force spirituelle. Ses mains me touchaient sans promettre d'union sacrée, son souffle n'epousait pas le mien.